ARRÊTER LE PIANO AU BOUT DE QUELQUES ANNÉES D'ÉTUDE


LE COURRIER DES INTERNAUTES



Mme. Séverine Caretti.

Ma fille Sara (10 ans) a pratiqué 3 ans de piano au conservatoire d'Alfortville avec le même professeur, plus une formation musicale ainsi que de l'éveil musical de 4 à 7 ans. Nous avons un piano à la maison sur lequel elle passe pas mal de temps à travailler ses morceaux imposés qu'elle personnalise à la fin en jouant avec plaisir, en plus grave plus aigu, en accélérant ou en ralentissant.

Quand elle apprécie une chanson, elle la cherche au piano soit à l'oreille, soit sur YouTube... Elle a toujours eu du mal à rester concentré sur le morceau d'origine et à suivre l'exigence de la précision demandée par son professeur (idem à l'école, c'est sa nature). En revanche, il est difficile de la faire décrocher de son instrument lorsqu'elle est inspirée ou en pleine recherche d'une chanson, parfois même, elle trouve des mélodies qu'elle note pour inventer un morceau.

Les cours doivent reprendre, mais elle reste sur sa position depuis fin juin 2015, elle veut arrêter le conservatoire, ce qu'elle manifeste depuis mai 2015, mais pas le piano à la maison. Face à la rigueur et à la difficulté imposée, je suis très partagée. Je ne veux pas la forcer, mais ce serait dommage d'arrêter au bout de 3 ans sachant que si on perd la place au conservatoire, c'est impossible de la réinscrire par la suite vu les listes d'attentes. Dois-je la laisser s'épanouir seule avec l'instrument ou forcer les cours au conservatoire ? Une pause peut-elle être bénéfique ? Elle pourra reprendre plus tard... ou par d'autres biais... Ne va-t-elle pas régresser ?... Un petit conseil serait le bienvenu. Merci beaucoup.


PIANO WEB

À travers votre exposé, vous répondez en définitive à la problématique. L’attitude de votre enfant semble claire et vos craintes compréhensibles. J’ai relevé notamment quelques points importants qui mérite de s’y attarder.

« elle passe pas mal de temps à travailler ses morceaux imposés qu'elle personnalise à la fin en jouant avec plaisir. » : Votre fille démontre par son attitude que le plus important pour elle est de réinventer avec sa propre technique et sa propre vision le discours musical que le professeur lui impose. C’est certainement l’ébauche d’une attitude créative, mais aussi une façon d’être indépendante. À un âge où chaque enfant imite plus ou moins l’autre à la récré, celui qui montre des signes de caractère, qui construit petit à petit son jardin secret, augmente ses chances d’être plus tard un être singulier ; ce qui est plutôt un avantage quand on pratique la musique.

D’ailleurs, ce que vous dites par la suite le confirme : « Quand elle apprécie une chanson, elle la cherche au piano soit à l'oreille, soit sur YouTube... » Chez un enfant, la créativité n’a rien d’exceptionnel. Tous les enfants ont besoin de ce terreau-là pour s’épanouir pleinement : écoute, observation, curiosité conduisent certainement sur la bonne voie. Malheureusement, la créativité est souvent brimée par une éducation trop rigide ou mal conduite. Cependant, le « trop de liberté » peut nuire également. Il faut trouver un juste équilibre entre le désir permissif et celui placé sous contrôle, comme avec les outils baladeurs.

En musique, qui je le rappelle est une discipline artistique, le besoin de créer rejoint le domaine de l’art. Donc, quand votre enfant crée adroitement ou maladroitement une musique, elle éduque toute seule son art, ses goûts et les gestes qui l'accompagnent. C'est, pour elle, une façon d’exprimer ce qui vit dans son for intérieur.

Si vous ne l’avez pas déjà fait, il serait bien d’en discuter avec son professeur et d’avoir son avis sur la question. Cette question-là relevant de la pédagogie et de l’avenir artistique de votre enfant.

« elle a toujours eu du mal à rester concentré sur le morceau d'origine et l'exigence de la précision demandée par son professeur (idem à l'école, c'est sa nature), par contre il est difficile de la faire décrocher de son instrument lorsqu'elle est inspirée ou en pleine recherche d'une chanson. » = Tant qu’elle va d’elle-même jouer au piano, c’est que le plaisir est toujours présent. C’est primordial.

« Je suis très partagée. Je ne veux pas la forcer, mais ce serait dommage d'arrêter au bout de 3 ans sachant que si on perd la place au conservatoire, c'est impossible de la réinscrire par la suite vu les listes d'attentes. ». Vos craintes sont légitimes. Vous n’êtes pas responsable du fonctionnement du conservatoire et des places qui manquent ! Il existe assez de difficulté en musique pour ne pas subir en plus les insuffisances et les œillères des institutions (et souvent leur stupidité).

En soi, s’arrêter au bout de trois ans n’est pas dramatique. L’enfant n’a pas le même rapport au temps que l’adulte. Ses efforts, il les intègre et les planifie d’une façon toute personnelle. La notion de progrès est une notion qui est propre à l’adulte. Aux yeux de l’enfant, le plus important est de trouver dans la musique une sorte d’évasion, d'épanouissement, mais certainement pas un prolongement de ce qu’il « subit » à l’école. II doit exister une nette différence entre une pratique artistique et une autre qui ne l’est pas.

Comme par le passé, on considère toujours l’enseignement artistique comme quelque chose de difficile, d'exigeant. Face à la crainte des parents, les institutions misent sur un discours qui tente de dédramatiser. À ce titre, la danse - école de l’apprentissage du corps - est sûrement le plus représentatif. Seulement, à la fin rien ne change, et pour quelques réussites que l'on placarde ou que l'on montre, on place à l'écart des milliers d’autres, comme si le taux d'échecs était uniquement dû à des enfants inadaptés. En fait, on encourage et on couronne celui ou celle qui se sera sacrifié aux yeux des adultes.

L’enfant par nature est sensible. Il peut continuer avec plaisir à condition que sa notion du « jeu musical » s’accorde avec les règles internes qu’il doit suivre. Le drame serait que votre fille n’ait plus envie de ce genre de jeu. Il faut donc éviter qu’elle soit mise sous pression. Le rôle du professeur est alors très important. Pour l’élève, s'il incarne le savoir, il est aussi le canalisateur de la pratique qui conduit aux états émotionnels. Trouver le bon professeur, c’est ça le plus difficile, surtout quand on n’est pas de la partie. Il est parfois préférable de laisser du temps au temps que d'agir dans la précipitation. Essayer plusieurs professeurs peut être riche d'enseignement. Pensez-y !

À LIRE :

Faire aimer la musique aux enfants

Vous, la musique et le professeur


Par ELIAN JOUGLA

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