HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



LES PREMIERS CLAVIERS ÉCHANTILLONNEURS - HISTOIRE

Sans l'échantillonnage, où en serait les musiques actuelles qui trottent dans nos têtes ? Ce procédé technologique a intégré les couches et les sous-couches de nombreuses musiques si insidieusement, que bien peu de jeunes musiciens se posent réellement la question sur sa réelle utilité. C'est là et c'est tout ! L'échantillonnage, c'est de la musique virtuelle à l'état brut disent certains, qui ne voit dans cette technique que des bribes sonores montées à la va-vite, sans véritable création, sans défi, de façon spontané et sans émotion...


L'ANCÊTRE : LE "600 MUSIC MASTER" DE CHAMBERLIN

Les premiers échantillonneurs, dont certains appartiennent déjà depuis longtemps au musée des antiquités, ont révolutionné l'approche musicale, la conception même de la composition. Il était important pour "PianoWeb" d'y consacrer ne serait-ce qu'une page. L'aventure commence vraiment en 1962, quand le Mellotron ouvre une première piste prometteuse. Plus de 20 ans après, le Mirage d'Ensoniq allait vulgariser enfin l'usage de l'échantillonnage, de manière simple et efficace, pour un grand nombre de claviéristes... et pour un prix abordable.

L’échantillonnage, avant de devenir celui que nous connaissons aujourd’hui, est un procédé technologique qui a longtemps trotté dans la tête de quelques chercheurs aventureux. L’arrivée du magnétophone avant la seconde guerre mondiale produisit son effet. Comme en dehors de l’orgue électrique, c’était le désert, pour sortir de cette impasse et pour pouvoir être en mesure de reproduire d’autres sonorités à l'aide d'un clavier, le principe du magnétophone devenait évident. L’idée de base était de déclencher le défilement d’une bande magnétique à l'enfoncement d'une touche.

© Audiofanzine - Le 600 Music Master

À la sortie de la guerre, le chercheur américain Harry Chamberlin va expérimenter cette approche et, au bout de quelques essais, il arriva à concevoir un premier modèle, le Model 100 Rythmate qui, comme son nom le laisse penser, était une boîte à rythmes. Les bases techniques étaient posées. Encore fallait-il les améliorer ! Ce sera fait avec le Model 200, qui sera équipé d’un clavier et de sons d’instruments de musique.

Plus tard, le Model 600 Music Master sera quant à lui muni de deux claviers, comme pour les orgues, mais avec la différence que chaque clavier joue un rôle particulier. Celui de gauche sert à l’accompagnement rythmique tandis que celui de droite est employé pour reproduire les sons d’instruments. Le Model 600 est certes bien plaisant, mais c'est encore un prototype. Un instrument artisanal pas du tout fiable et qui doit être encore améliorée.

Dans les années 50, l’instrument est présenté aux frères Bradley, en Angleterre, qui sont des spécialistes dans le domaine de l’électromécanique (tête de lecture, mécanismes d’entraînement, amplification, etc.). Ce sont eux qui, en s’emparant involontairement du prototype proposé par Chamberlin et en gommant ses défauts majeurs, apporteront la touche finale à l’instrument. Le Mellotron venait de naître.


LE MELLOTRON : LA RÉFÉRENCE SONORE SUR BANDES

Utilisé principalement pour jouer des sons d’ensemble : chœur, cordes… le Mellotron n’est pas encore exactement un échantillonneur, puisque l’instrument n’est pas en mesure d’enregistrer, mais seulement de reproduire des sons. Toutefois, il doit être considéré comme un des instruments fondateurs du fait qu’il utilise des sonorités d’instruments préenregistrés sur bandes. Il est à rapprocher des claviers et autres expandeurs à base de lecture d'échantillons d'aujourd'hui.

(source MusicMot) - Le Mellotron

L'instrument est commercialisé en Angleterre en 1964. Pour l’époque, sa technologie est aussi novatrice qu’originale. Au milieu des années 60, l'enregistrement numérique n'existe pas encore, et si, du côté théorique, le principe est déjà là depuis plusieurs décennies, la technologie de l'époque interdit encore la réalisation d'un instrument grand public capable de lire des échantillons sonores numériques. De plus, les convertisseurs "analogique-numérique" ne sont pas vraiment au point pour qu’un tel projet aboutisse et soit commercialisé.

Pour contourner le problème, le Mellotron va reprendre le principe du clavier de Chamberlin en utilisant des échantillons analogiques, c'est-à-dire des sons enregistrés sur des bandes magnétiques. La restitution sonore est semblable à une classique lecture de bande magnétique sur magnétophone, sauf que le procédé électromécanique engagé est beaucoup plus complexe, demandant de nombreuses précautions.

À chaque touche du clavier correspond une bande magnétique préenregistrée et une tête de lecture. L'ensemble des bandes est monté sur un rack, ce qui permet, avec un peu de temps et de précision (notamment en ce qui concerne l’alignement des têtes), de changer le son de l'instrument. Vous aurez déjà certainement compris que pour changer de son, il faut changer de rack.

Techniquement, l'enfoncement d’une touche du clavier déclenche la lecture de la bande qui y est associée. La bande est alors instantanément approchée de la tête de lecture et, au relâchement de la note, rembobinée aussi rapidement que la mécanique le peut. Le principe semble artisanal, mais cela fonctionne très bien, au point que des claviéristes l’utiliseront en studio (surtout les groupes de rock comme Yes, Pink Floyd ou Tangerine Dream).

La machine est entièrement polyphonique et offre pour chaque touche huit secondes de son. Fait rare pour l’époque, son clavier est sensible à la vélocité, de façon à ce que le volume sonore de la note jouée et les hautes fréquences qui lui sont électroniquement associées varient en intensité.

Le Mellotron proposent des sons d’un grand réalisme, puisqu’ils proviennent de véritables instruments enregistrés. C’est le seul instrument électromécanique à clavier - hormis l’orgue - à proposer une complète polyphonie. N’oublions pas qu’à l’époque les synthétiseurs sont monophoniques, et les rares cas de polyphonie rencontrés se réduisent généralement à 2, 3 ou 4 voies.

Comme la vocation première du synthétiseur est d’être un instrument consacré à la recherche sonore, et qu’un bon nombre d’utilisateurs s’évertueront sans succès à reproduire des instruments acoustiques, le Mellotron sera considérée dans le milieu musical comme un instrument d’avant-garde, assez novateur pour faire cavalier seul durant les années 60 et 70. Toutefois, son utilisation restera marginale ; ses utilisateurs lui reprochant sa relative fragilité à la chaleur et aux chocs, sans oublier les racks à monter fort peu pratique. (1)


1 - Marginalisé, mais pas abandonné, le Mellotron a continué d'être perfectionné au fil des années. Autour de l'instrument continue d'exister quelques ardants défenseurs. En 1990, un certain David Kean achète le fonds de commerce de la maison Mellotronics, le nom Mellotron et fonde "Mellotron Archives". Quelques années plus tard, un service de maintenance et de vente de pièces baptisé "Streetly Electronics" est créé par John Bradley, le fils de Leslie Bradley. En 1998, est conçu le Mark IV. Les améliorations portent notamment sur les réglages de vitesse du moteur et sur le préampli à lampes. La dernière innovation en date provient du modèle M4000 en 2007, avec un mécanisme multibanques qui avait été abandonné à l'époque du premier modèle le Mark I.

LE BIROTRON, L'INSTRUMENT OUBLIÉ

Proche cousin du Mellotron dans sa conception, le Birotron remplacera les bandes magnétiques par des cartouches à ruban, plus pratique à l'usage. Né en 1974, cet instrument aujourd'hui oublié doit être également considéré comme un précurseur de l'échantillonnage. Le claviériste Rick Wakeman participera activement au projet et à son financement. Des Beatles en passant par Led Zeppelin, le Birotron va attirer la curiosité de nombreux musiciens de premier plan...

Le Birotron (modèle B90)

L’innovation majeure, par rapport au Mellotron, est sa capacité à stocker des sons à l’aide d'une cartouche 8 pistes, et de les jouer en boucle. Son avancée technologique est surprenante. On peut même évoquer sa possibilité de faire du « morphing » en passant d'un son à un autre en dosant la durée de la transition. En effet, le Birotron était en mesure de produire des sons évolutifs en gardant la touche enfoncée, comme passer d’un violon à un violoncelle, mais aussi de réaliser des collages sonores en coupant et en assemblant la bande, comme avec un magnétophone classique.

Le Birotron était également équipé d’une attaque séparée et d’une enveloppe de décroissance (type A.R) pour chaque note. Outre un jeu plus libre et plus dynamique, la réaction sonore à l’enfoncement des touches était plus rapide qu’avec le Mellotron. De plus, le Birotron était léger et de petite taille.

Tous ces arguments ne pouvaient que séduire les grands artistes de musique rock. L’instrument était très cher, mais son coût exorbitant pour l’époque n’a jamais empêché Keith Emerson, Elton John, Paul McCartney, Rod Stewart, Captain & Tennille ou Tangerine Dream de l’adopter à la fin des années 70.

Une quantité importante de sons orchestraux a été enregistrée pour le Birotron ; des sons que l’on avait déjà découverts avec le Mellotron, mais qui se trouvaient transfigurés par son avancée technologique, et par une maniabilité plus apte à reproduire le jeu réel de quelques instruments acoustiques. Des orchestres et des musiciens ont contribué à l’enregistrement des bandes : le London Symphony Orchestra, la chorale de la ville de Nottingham, Rick Wakeman pour des sons d'orgue, etc.

Malgré les efforts consentis, bien peu de musiciens ont pu apprécier à sa juste mesure le Birotron. Outre Rick Wakeman, les musiciens issus du rock planant allemand, comme Klaus Schultze et Tangerine Dream, seront peut-être les seuls à l’intégrer parfaitement dans leur création sonore. L’aventure du Binotron s’arrêtera en 1982 sans jamais avoir confirmé ses promesses. D’après certaines sources, seulement huit exemplaires furent en état de fonctionner correctement.


LES PREMIERS ÉCHANTILLONNEURS NUMÉRIQUES

Depuis le début des années quatre-vingts, l'évolution des composants électroniques a favorisé l'apparition de diverses machines d'échantillonnage utilisant des circuits intégrés pour stocker et modifier les sons numérisés.

Le Fairlight CMI

Les premiers instruments musicaux à avoir intégré l'échantillonnage étaient de véritables stations de travail musicales multitimbrales intégrant, en sus de l'échantillonnage, un séquenceur multipistes et des fonctions de synthèse additive évoluées.

En 1979, le Fairlight CMI (Computer Musical Instrument) proposait l'échantillonnage sur 16 bits jusqu'à 100 kHz. Son moniteur vidéo affichait les échantillons sous forme graphique et un stylo tactile permettait d'en modifier les paramètres et même de dessiner des formes d'ondes.

De 1979 à 1982 sortiront trois versions du CMI (baptisées simplement I, II et III). Le prix astronomique de ces machines les réserva aux studios professionnels, aux laboratoires de recherche et à quelques musiciens fortunés (Peter Gabriel, Jean-Michel Jarre, Art Of Noise...).

Parallèlement au développement de ces grosses stations de travail, les premières boîtes à rythmes proposant des sons échantillonnés apparurent (Linn Drum, E-Mu Drumulator). On vit également des systèmes intégrant une boîte à rythmes, un séquenceur et un échantillonneur (E-Mu série SP).

Bien qu'une première tentative de démocratisation eut lieu en 1981 lorsque E-Mu présenta son Emulator, un clavier intégrant l'échantillonnage pour un prix équivalent au quart d'un Fairlight CMI (ce qui restait encore assez cher !), il fallut attendre 1985 pour que le constructeur américain Ensoniq bouleverse l'ordre établi en présentant le Mirage, le premier sampler véritablement abordable et performant pour l'époque : il échantillonnait sur 8 bits, disposait de 128 Ko de mémoire et ne coûtait enfin ni le prix d'une maison, ni celui d'une automobile !

Par la suite, les machines vont évoluer aussi rapidement que les prix vont baisser. La même année apparaît le Prophet 2000 (Sequential Circuits Inc.). L'échantillonnage se fait sur 12 bits et sa mémoire est le double de celle du Mirage. En 1986, Akai présente le S900, un échantillonneur en rack, précurseur de l'incontournable S1000 (1988), échantillonnant sur 16 bits, qui deviendra un standard dans le monde de l'échantillonnage.

Aujourd'hui, les spécifications techniques de ces instruments n'ont de cesse d’évoluer, repoussant encore et encore les limites : la polyphonie (jusqu'à 128 voix sur un Emulator IV), la mémoire grâce à l’insertion de disque dur, et des fonctions d'édition qui permettent de faire tout ou presque. Toutes ces nouveautés sont bien sûr conjointement associées aux progrès de l’informatique et de la MAO.


LE CAS DU KURZWEIL K250

Apparu sur le marché en 1983, le Kurzweil K250 est resté pendant de nombreuses années une référence dans le domaine de la reproduction d'instruments classiques, et notamment de piano. C'est l'ingénieur américain Raymond Kurzweil (déjà auteur d'un système de lecture pour aveugles combinant lecture optique, reconnaissance de caractères et synthèse vocale) qui a eu l'idée de réaliser un échantillonneur de haut niveau à la suite d'une discussion avec le musicien aveugle Stevie Wonder, lequel utilisait déjà les machines à lire de Kurzweil.

Le cher Stevie lui avait confié son étonnement devant le fait que la technologie permettait de créer des machines à lire pour aveugles alors qu'aucun synthétiseur ne parvenait à reproduire de façon convaincante le son d'un piano de concert. Or, échantillonner parfaitement un piano est une gageure (même aujourd'hui encore) : chacune des 88 touches peut créer une cinquantaine de timbres différents selon le toucher ; un son durant en moyenne dix secondes, numériser l'ensemble sur 16 bits exigerait 30 millions de bits.

Le Kurzweil K250

Cependant, le défi était lancé... Pour contourner l’obstacle, la technique d'échantillonnage de Raymond Kurzweil distingua l'attaque d'une note (5 à 8/10e de seconde), essentielle pour l'identification du timbre, du reste de la note qui sera synthétisé selon une méthode que l'ingénieur a gardée secrète, et qui suffit à donner l'illusion. Le tour est joué !

Un certain nombre de synthétiseurs reprendra d'ailleurs ce principe (dont le Roland D-50 en 1987) mais aucun n'atteindra la perfection du K250. Pour améliorer les conditions d'échantillonnage, Raymond Kurzweil avait fait construire une machine spéciale qui permettait d'appuyer avec la même vélocité sur chaque touche du piano...


LES PRINCIPALES FONCTIONS DES PREMIERS ÉCHANTILLONNEURS

Outre l'enregistrement et la reproduction d'un son, l'échantillonneur doit offrir au musicien des fonctions d'édition et de modification de l'échantillon. Hormis les Fairlight CMI, qui disposaient de fonctions très avancées, les premiers samplers n'offraient bien souvent que le réglage d'une boucle, une enveloppe de volume et permettaient l'inversion de l'échantillon. Mais, au fil des développements technologiques en matière de traitement numérique du signal, d'autres fonctions vinrent s'ajouter à ces machines : fondus, mixage, fonction de découpe et de collage de portions de l'échantillon, fusion de plusieurs échantillons... ainsi que des modules de synthèse soustractive et de synthèse additive.

Dès lors, l'échantillonneur est devenu bien plus qu'un simple outil de traitement sonore. Prenant très rapidement l'ascendant sur le synthétiseur et ouvert à une quantité impressionnante d'échantillons sonores, il semble sans limites. Au point que vers la fin des années 80, pour ne pas voir mourir les synthétiseurs, les grandes marques (Yamaha, Roland, Korg...) finiront par leur intégrer, en sus des ondes, des échantillons préenregistrés.

Une des révolutions majeures dans les fonctions proposées par les échantillonneurs fut le time stretch. Il s'agit d'un algorithme permettant de ralonger ou de raccourcir temporellement un échantillon sonore sans affecter sa hauteur (chose impossible en analogique : pour raccourcir un échantillon, il faut le lire à vitesse supérieure et donc augmenter sa hauteur).

La dernière avancée technologique du time strech a été son utilisation en temps réel. L’accès à une telle fonction est simplement dû à la rapidité des calculs actuels qui, hier encore, aurait demandé de quelques secondes à plusieurs minutes pour s'opérer.


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