PÉDAGOGIE



L'INTERPRÉTATION D'UN MORCEAU DE MUSIQUE, TECHNIQUE ET IMITATION

La musique vit dans notre cerveau, dans notre imagination et l'oreille sert de relais en utilisant les sons provenant du monde extérieur. Comme l'instrument existe en dehors de nous, qu'il appartient au monde extérieur, il nous est nécessaire de le connaître pour le confronter avec notre monde intérieur et à notre volonté créatrice. Avant d'apprendre à jouer de quelque instrument que ce soit, l'enfant comme l'adulte, doit déjà posséder un sens de la musique, la porter dans son cœur, la vivre comme une respiration. Le secret du talent consiste à faire vivre pleinement la musique dans son cerveau avant que le doigt ne se pose sur la touche ou que le souffle ne fasse jaillir un son.

Le plus important dans la musique est l'interprétation. C'est pour le musicien, une sorte d'accès à la maturité musicale et pour les gens qui l'entendent, la reconnaissance d'un certain talent. L'interprétation comporte plusieurs éléments fondamentaux : l'œuvre à exécuter (la maîtrise technique), l'exécutant (l'élève : l'émotionnel, la perception…) et l'instrument (le relais mécanique). C'est la maîtrise de ces trois éléments qui apporte la garantie d'une bonne interprétation.

Trop souvent dans la pédagogie, un de ces éléments est trop mis en avant, au détriment des deux autres. Il arrive souvent que l'on sous-estime la difficulté technique ou que le contenu cède le pas sur le désir de posséder la technique. C'est grâce à un parfais équilibre de ces trois éléments que le musicien sentira au fond de lui la musique l'emporter.


QUAND LE "QUOI" DETERMINE LE "COMMENT"

Face à un élève au niveau musical et artistique très bas, à la culture musicale limitée, au manque d'oreille ou à l'imaginaire en sommeil, le travail sur l'interprétation est aussi pénible pour l'élève que pour le professeur et ce n'est pas une technique sans faille qui sauvera le reste de l'exécution : nombreux sont ceux qui savent lire une partition, mais rare sont ceux qui arrivent à une interprétation émouvante et prenante.

Plus le contenu de la musique apparaît clairement aux yeux de l'élève, plus le ou les moyens de l'atteindre s'impose. C'est à travers une prise de conscience rapide de l'œuvre et de son assimilation (contenu, esthétisme, origine culturelle, couleur sonore) que le musicien saura apprécier et expliquer à un niveau théorique comme pratique l'interprétation du morceau. Quand le musicien à une vision claire du but à atteindre, il l'incarne et il l'atteint dans l'exécution.


L'INTERPRÉTATION TECHNIQUE

L'élévation du niveau technique contribue à un perfectionnement de l'art et du contenu musical lui-même. Les exercices comme les gammes, les arpèges, etc… c'est la face cachée, le travail dans l'ombre du musicien qui se "sacrifie" pour l'amour de la musique. Malheureusement, trop de musiciens passent leurs temps dans la technique de la rapidité, du brio ou du tape-à-l'œil ; mais en fait, ce n'est que la partie la plus visible de la technique instrumentale. Son acquit est beaucoup plus complexe. La rapidité ou le brio ne garantit pas toujours une interprétation artistique de qualité si elle est dénuée d'inspiration. C'est à cette frontière entre technique et inspiration que la musique bouge et évolue à travers les temps.

À force de répéter un même passage, chaque musicien n'arrivera pas au même but, c'est bien connu. C'est une question de tonus personnel et pas uniquement une question de génie ou de talent artistique. Quand tout est facile et que le moindre accident survient sur sa route, le génie perd tous ses moyens et des tas de doutes l'assaillent, il sent qu'il n'est pas à l'abri de l'échec personnel. La blessure le révèle à lui-même. La maturité de l'interprète se mesure à son attention et à sa façon d'étudier. La combinaison de l'attention et de la volonté donnent les meilleurs résultats. Plus la passivité, l'inertie sont grandes, plus les délais d'apprentissage s'allongent et l'intérêt pour la musique faiblit.

La musique est le langage des sons, une communication où l'interprète doit se sentir écouté, mais s'il n'a rien à dire sur un plan émotionnel, si bonne soit sa technique, celle-ci ne lui sera d'aucun recours. Cela beaucoup trop de musiciens l'oublient. La musique de blues, que je cite souvent dans mes cours, en est un parfait contre-exemple ou l'émotion prime avant tout et où la place de la technique n'est que subsidiaire.


L'ESTHÉTISME ET LA MÉTHODE

La musique est une matière sonore vivante, avec ses lois que l'on nomme harmonie, théorie ou polyphonie. Sur ma route d'enseignant, j'ai souvent rencontré des élèves qui avait derrière eux un parcours musical de plusieurs années et un manque cruel de culture et d'esthétique musicale. Tentant de jouer un morceau avec tout leur cœur, mais manquant de repères et de compréhension du discours musical, l'interprétation se transformait rapidement en un balbutiement confus. Là, où un sentiment puissant, une logique profonde aurait dû avoir une place importante, leurs interprétations laissaient place à de vains efforts et à des effets sonores creux. Je sais par expérience, que les élèves médiocrement doués comme les sujets dotés de talents exceptionnels seront amenés tôt ou tard à travailler sur l'image esthétique. Pour chacun d'eux, celle-ci revêt une forme différente. Cependant, quand il s'agit d'un musicien doué, l'esthétique se déchiffre toujours comme un livre ouvert.

Le travail sur l'image esthétique doit commencer le plus tôt possible, dès les premiers pas dans l'apprentissage de la musique. À partir du moment où l'élève est en mesure de jouer une mélodie élémentaire, il faut obtenir de son interprétation une couleur expressive en osmose avec le caractère de la mélodie. L'interprétation doit toucher au plus près le climat du morceau, même s'il est parfois difficile de naviguer entre tristesse et gaieté sur commande. Les exercices pianistiques ne doivent pas échapper à la règle et doivent apporter dans une moindre mesure leur part de créativité. En effet, rien n'empêche d'utiliser un exercice pianistique et de le détourner de son objectif premier, à condition toutefois que cette démarche ait une certaine valeur pédagogique.

Pour que le travail soit productif, l'élève doit être dirigé de manière à ce qu'il sache ce qu'il veut obtenir et qu'il ait la volonté d'y parvenir pleinement. Les repères sont important et c'est à l'enseignant d'en montrer le plus possible. Or, par manque de volonté ou par facilité, l'enseignant préfère le doué au détriment du médiocre, ainsi se détourne-t-il, lâchement, de son but de pédagogue chercheur. Une méthode d'enseignement dialectiquement bien fondée doit convenir aussi bien à l'élève musicalement peu doué, qu'au brillant musicien.

La méthode d'enseignement doit embrasser la totalité des difficultés de l'interprétation et non pas se concentrer uniquement à un secteur limité, c'est une question de vigilance de la part du professeur, sinon la méthode devient vite inopérante. Celle-ci doit-être toute à la fois captivante et instructive aussi bien pour l'élève que pour le maître, sinon sa raison d'exister n'a pas de sens. Je sais que la tâche est difficile, mais pas impossible. L'enseignant doit posséder un certain tact, de l'énergie et de l'intelligence, pour déchiffrer à vue, l'apprenti musicien qu'il a devant lui.

L'IMITATION

De tous temps, l'homme a imité l'homme. Tous les musiciens quels que soient leurs niveaux ou leurs compétences ont subit des influences directes ou indirectes dans leur jeu d'instrumentiste. Il est difficile d'y échapper. Imiter, surtout bêtement, ne peut-être que nuisible, mais suivre avec une certaine réflexion celui qui sait mieux et davantage s'avère profitable. Dans un groupe, il existe presque toujours une émulation, le plus fort entraînant le plus faible. Cette énergie existe sur un plan spontané comme réfléchie en chacun de nous, en sommeil ou pas. Elle ne doit pas nous faire oublier en tant qu'enseignant l'importance de l'ambition. Les sommets du talent musical déterminent, qu'on le veuille ou non, l'essor de la musique, son développement et son évolution dans le domaine de la création.


EN FORME DE CONCLUSION

C'est par une aide constante, dans chaque cours, dans son développement intellectuel et artistique que l'élève aura toutes les chances d'obtenir un jour, un résultat positif dans l'interprétation et le travail sur l'image esthétique. Lorsque l'élève déborde d'idée créative, le rôle du professeur se transforme pour devenir un conseiller, un musicien d'expérience, de terrain. Il est essentiel que l'élève se retrouve dans les harmonies, les rythmes du morceau qu'il étudie. Si le décalage est trop grand… la musique s'éloigne de lui.

L'élève doit être toujours capable d'exprimer avec ses mots à lui, l'essentiel de ce qu'il ressent suite à l'interprétation d'un morceau qu'il a choisi. Le terrain de l'expression verbale n'est pas à négliger. Il faut éveiller en lui, si c'est nécessaire, son ambition personnelle, développer son imaginaire à travers des images poétiques, des analogies avec des événements reliés à la nature et à la vie, sans oublier le domaine spirituel et psychologique.

Il faut compléter l'enseignement musical de la musique sans oublier les autres formes artistiques, comme la peinture, le langage des mots ou bien le mouvement gestuel dans la danse. Tout ce qui touche de près comme de loin l'étude de l'instrument, comme la technique du son, les médias, la production, etc… ne doivent pas être également oubliés.

par ELIAN JOUGLA



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