PÉDAGOGIE



JOUER DES RYTHMES BINAIRES OU TERNAIRES

Cette page fait suite à LES RYTHMES AU PIANO, COMMENT LES INTERPRÉTER ?


RYTHME BINAIRE ET TERNAIRE

Il existe deux grands courants dans le rythme : le binaire et le ternaire. Le binaire est représenté par un découpage du temps en deux et le ternaire en trois (triolet). Ne pas confondre les mesures simples à 2, 3 et 4 temps où chaque temps est divisible par deux et les mesures ternaires à 6, 9 et 12 temps où chaque temps est divisible par trois.

Petit rappel : prenons par exemple une mesure en 6/8. Il existe deux façons de la pulser soit en battant chaque temps, ce qui donnera 6 battements par mesure ou en 2 battements (l'unité de temps prend pour valeur la noire pointée). Le choix de l'un ou de l'autre type de battement dépend essentiellement de la vitesse du tempo. Si l'on prend le fameux standard "All blues" de Miles Davis qui est un 6/8, il se battra comme un 2/4 à cause de la particularité de sa ligne de basse.

La plupart du temps, les erreurs rythmiques sont des erreurs métriques, mais comme la notion de mesure est étroitement liée à celle du rythme, je m'en tiendrais à cette dénomination en usage dans le jargon musical.

Une des fautes les plus fréquentes consiste à transformer le rythme "croche pointée/double croche - noire" en "noire/croche (en triolet ) - noire" ce qui correspond au fameux rythme "cha ba da", bien connu des jazzmen. Si pour certains musiciens la transformation de la figure rythmique correspond uniquement à un besoin d'interprétation contrôlée, pour d'autres, cette transformation est le reflet d'un manque de maîtrise et de connaissances techniques. La dérive du rythme vers le côté ternaire apporte indéniablement un côté "swinguant", mais dénature le rythme écrit par le compositeur. Si dans la musique jazz, le rythme est avant tout une question d'interprétation, pour d'autres formes musicales plus classiques, toute transgression de l'écriture est bannie.


LE MARIAGE DU RYTHME ET DES NUANCES

Un autre exemple courant d'inexactitude chez les musiciens peu avancés et orientés musique classique est de renforcer la sonorité quand le tempo accélère et vice et versa, donc de l'affaiblir en le ralentissant. Le diminuendo et ritardando s'identifient et se confondent avec crescendo et accelerando. Dans le crescendo, le son approche et augmente tandis que dans le diminuendo, il diminue pour s'éloigner et disparaître.

Dans les partitions classiques, les nuances crescendo et diminuendo sont en principe indiquées, mais il arrive parfois qu'elles ne soient que sous-entendues. Il faut ainsi veiller à ne pas commettre d'erreur d'interprétation, voire d'analyse. Il en est de même avec le changement d'intensité sonore qui ne s'accompagne d'aucun changement de tempo et inversement.

Parler de nuances dans un chapitre consacré au rythme n'a rien d'étonnant, car l'ensemble "nuances/rythmes" forme un tout où l'assimilation du morceau comme une structure "fluide" doit être comprise par le musicien.

Contrairement à la musique moderne où la rigueur du tempo général doit être observée, la musique classique use et parfois abuse des changements de tempo. C'est ainsi que cette forme d'expression musicale est devenue au fil du temps un des éléments majeurs de la qualité d'interprétation des orchestres et des interprètes de musique classique.

Par exemple, tout changement progressif de tempo et d'intensité, ne peut, en général, commencer au début d'une phrase, mais un peu après et de préférence sur le temps faible. Ainsi, il est difficile d'éviter un côté "explosif" quand un ritardando ou accelerando ne se posent que sur un court passage. En fait, un développement progressif et une "explosion" ont une signification émotionnelle opposée, d'où souvent une faute esthétique.


LE POINT D'ORGUE

Autre signe courant rencontrée en écriture classique : le point d'orgue. Il marque la fin de morceau ou d'un passage musical. S'il surgit suite à un ritenuto, il suffit de commencer à ralentir en comptant mentalement les notes situées sous le point d'orgue. De cette façon, le point d'orgue devient la suite logique du ritenuto. Cette progression se prolonge jusqu'à la dernière limite de la sonorité de l'accord ou de la note.

Dans le cas où le point d'orgue n'est pas précédé d'un signe de nuance (accélération ou ralentissement), il doit se compter dans le tempo normal, qui peut, en cas de besoin, être doublé ou triplé. Il est important d'analyser l'endroit où le point d'orgue est situé sur la partition. Indique-t-il un passage important ou secondaire ? Fait-il le lien entre deux séquences précises ?

Si les notes comptent, les silences également. Ils participent eux aussi à la logique musicale. Le point d'orgue ne doit s'inscrire ni dans la précipitation, ni dans la lenteur, c'est une question d'équilibre liée à la nature même de l'œuvre. Quand un silence s'écoute de la même manière qu'une note, il est le signe d'une parfaite intégration dans la musique. Tout devient alors convaincant et vrai !


LE CHOIX DU TEMPO ET LE MÉTRONOME

Le tempo de départ est important. Il détermine de façon précise tout ce qui va suivre. Un tempo choisi dans la précipitation, mal adapté ou imprécis marquera toute l'interprétation, même si le ou les exécutants essayent de le corriger en cours d'exécution. Le métronome si décrié et si souvent mal employé trouve ici toute son utilité.

Cet instrument ne vous permettra pas de mieux connaître ou comprendre le rythme ou une figure rythmique quelconque, mais il vous sera d'une aide précieuse pour réguler votre tempo, surtout si vous avez l'habitude de jouer toujours seul. Pourquoi cela ? Tout simplement parce que la pratique en solo peut entraîner de mauvaises habitudes : qualité du jeu, respect du rythme, etc. Quand on joue en groupe, chaque musicien est obligé d'être solidaire de l'autre afin de former une seule pensée rythmique. C'est pour cela que j'encourage, dès que possible, mes élèves à jouer en formation. Dans le cas où vous jouez tout seul de la musique moderne, je préconise l'utilisation de la boite à rythmes en remplacement du métronome, celle-ci s'inscrivant davantage dans le jeu pianistique moderne.


LA POLYRYTHMIE

Pour tout joueur de clavier, les nombreuses possibilités offertes par le jeu polyphonique s'enrichissent de tout un ensemble de difficulté d'indépendance résumé par un seul mot : la polyrythmie.

Comme pour les batteurs, le pianiste moderne doit appréhender la polyrythmie comme un maillon essentiel du rythme. On peut savoir très bien lire un rythme difficile sans être capable de la moindre indépendance rythmique. Lire un rythme sur une voie est une chose, pratiquer un rythme simultané à 2, 3 ou 4 voies avec les deux mains, c'est autre chose !

Venir à bout de la polyrythmie est aussi compliqué que de maîtriser la polyphonie. Chez le pianiste, le rythme et l'étendu des sons se conjuguent. Il existe d'énormes difficultés en polyrythmie que l'on rencontre de façon écrite en musique classique comme de façon non écrite en musique improvisée. Toutefois, il est peut-être important de rapeller que toute création rythmique, harmonique et mélodique prend au départ sa source dans la musique non écrite et que l'écriture n'est qu'un moyen de traduire en signes les idées du compositeur.

L'utilisation de l'écriture, dans les moments créatifs, peut permettre au compositeur une amélioration du rythme pensée en corrigeant ses défauts (s'il y en a). Un musicien peut très bien développer, accroître ses capacités d'indépendance par la pratique de la musique non écrite. À la base, il faut qu'il conçoive la polyrythmie comme un jeu, un échange de rythmes qui peuvent tour à tour être indépendants, complémentaires ou simultanés. Une fois de plus, la culture musicale entre en bonne partie dans les résultats obtenus, alors qu'en musique écrite, la compréhension de l'indépendance est basée sur un système arithmétique. Il est plus cérébral, moins instinctif et créatif.

Voici deux exemples particuliers :

Dans le cas du "deux pour trois" (exemple : la main droite joue des croches, tandis que la main gauche joue des triolets de croches) : le dénominateur commun des fractions 1/2 et 1/3 est 6, ce qui donne en comptant sur un cycle de 6...

Pour les croches de la main droite : 1 et 4, et pour le triolet de croches à la main gauche : 1, 3, 5.

Dans le cas du"trois pour quatre", d'une indépendance plus fine, il est difficile de déterminer la durée exacte des 1/3 et 1/4. Il faut prendre comme dénominateur commun le 12. Dans ce cas, chaque note du quartolet tombe sur les chiffres 1, 4, 7, 10 et celle des triolets sur 1, 5, 9.

Dans ces deux cas particuliers s'oppose un rythme binaire à un rythme ternaire. Ce genre d'indépendance rythmique est plutôt l'apanage de la musique classique (Scriabine, Bach, Chopin, etc.), ce genre d'opposition rythmique étant peu exploité en musique moderne, surtout sur de longs passages.

Il n'est pas rare de rencontrer des rythmes ou le système arithmétique à ses limites. C'est le cas, par exemple, de l'utilisation de 7 ou 11 notes par temps.

L'UNITÉ RYTHMIQUE

Pour interpréter correctement tant au niveau des nuances que du rythme une composition dans son ensemble, il est nécessaire de comprendre son image esthétique. Les accents, les décentrements rythmiques, le lyrisme sont quelques-uns des éléments étroitement liés au style. Chaque style de musique, par sa diversité, peut obliger l'interprète à se plonger dans une époque musicale qu'il ne connaît pas forcément ou qu'il maîtrise mal. La richesse d'un seul style de musique et de sa connaissance réclame toujours beaucoup de travail et de temps à consacrer.

Il arrive parfois que des passages relativement faciles rythmiquement s'opposent à des difficultés techniques. Ces "acrobaties" sont nombreuses dans le domaine classique (Liszt ou Chopin). Souvent, le réflexe est conditionné : les passages aux valeurs longues sont joués très lentement, tandis que les valeurs brèves sont exécutées trop rapidement. Une fois de plus, ceci démontre le lien étroit entre le rythme et la sonorité : une erreur de sonorité entraînant à sa suite une erreur de rythme. C'est comme un réflexe instinctif qu'il faut apprendre à contrôler.

L'unité de mesure du rythme de la musique n'est pas la mesure, la phrase ou le mouvement, mais l'œuvre en son entier. Elle se marie au rythme intérieur pour apparaître comme une seule identité. La sonorité et le rythme vont toujours de pair, ils s'entraident pour résoudre le problème de l'interprétation expressive. Si l'on s'attaque à un seul des éléments de l'interprétation, c'est l'ensemble qui boîte. Tout se tient, et ce sont les musiciens les plus doués qui obtienne cette unité de façon naturelle, tandis que les autres n'arrivent à ce résultat que grâce à un effort de volonté et de persévérance.

Par ELIAN JOUGLA



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