TECHNIQUE ET MAO



LA SYNTHÈSE ADDITIVE : FONCTIONNEMENT ET ÉDITION DE SONS

La plupart des synthétiseurs analogiques utilisent le procédé de la synthèse soustractive. Toutefois, d’autres types de synthèse existent. Si la FM - utilisée notamment sur les DX7 - a séduit un temps les programmeurs en raison de son énorme potentiel de créativité sonore, la synthèse additive est certainement la plus méconnue de toutes, même si elle possède un potentiel assez énorme pour créer des espaces sonores fort complexes…


UN PEU D’HISTOIRE

La synthèse additive est l’une des plus anciennes. Elle fut inspirée par les flûtes de Pan et par les orgues d’église. Lorsqu'un organiste joue, il active et désactive des registres pour modifier le son, faisant varier le passage de l’air dans certains tuyaux de l’orgue (consulter Description et fonctionnement de l'orgue). Le son est créé par le mixage des sons émanant de chaque tuyau. Bien que les orgues aient fait leur apparition dans les églises au 12e siècle, les ébauches les plus anciennes remontent à plus de 2000 ans, époque à laquelle l’ingénieux Ctesibios d’Alexandrie avait mis au point un système de pompes qui envoyaient de l’air dans un réservoir régulant la pression grâce à une cloche à eau. Des touches actionnaient les soupapes et laissaient passer l’air dans les différents tuyaux (consulter Histoire de l'orgue).

La synthèse additive a été utilisée dès le commencement de la musique électronique (Cahill 1897) notamment avec le Telharmonium en 1906 qui utilisait des dizaines de roues phoniques pour créer des sons additifs complexes. Le légendaire Hammond B3, l’instrument à synthèse additive le plus utilisé au monde, se sert de la même technique, miniaturisée, avec 91 roues phoniques qui génèrent des sinusoïdes. Chaque note active au maximum 9 partiels et des tirettes permettent de régler le volume de chaque partiel. La fréquence de chaque roue étant fixe, on ne peut jouer que sur le volume de celle-ci (consulter Fonctionnement orgue Hammond)

La synthèse additive reste très rarement exploitée par les fabricants de synthétiseurs. Kawai utilisa la synthèse additive comme générateur du K5 et du K5000. Sorti en 1996, ce dernier proposait 32 voix de polyphonie et 64 générateurs par voix, c’était le plus puissant synthétiseur à synthèse additive dédié. Kawai a malheureusement mis fin au développement de ce genre de synthétiseur. Les instruments virtuels sur ordinateur délaissent aussi ce genre de synthèse.


LE PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT DE LA SYNTHÈSE ADDITIVE

Si la synthèse soustractive utilise une onde riche en harmonique comme source sonore qui sera ensuite filtrée, la synthèse additive utilise au contraire un ensemble d’ondes pauvres en harmoniques (sinusoïdes) pour créer une onde riche. Ce principe, relatif à la loi de Fourier, démontre qu’il est possible de décomposer tout son en une multitude de sinusoïdes, et qu’à l’inverse, il est théoriquement possible de créer tout son avec un certain nombre de sinusoïdes.

Comparée à la synthèse soustractive, cette synthèse nécessite énormément d’oscillateurs, et énormément d’électronique ou de ressources processeur en langage numérique. Il faut savoir que chaque forme d’onde est décomposée en partiels. On les appelle harmoniques s’il existe un rapport mathématique simple entre eux. Pour recréer une forme d’onde riche en harmoniques, comme une dent de scie par exemple, il faut ainsi un grand nombre de sinusoïdes pour générer chaque harmonique. Exemple :

Pour recréer un La 3 à 440 Hz (diapason), la 64e harmonique sera situé à 28 160 Hertz de la fondamentale, une fréquence qui va bien au-delà des possibilités auditives de l’oreille humaine. Ainsi, une synthèse additive à base de 64 oscillateurs est amplement suffisante. Cela dit, on obtient déjà de très bons résultats avec 16 oscillateurs par voix pour la plupart des applications.

Il est important de préciser que la synthèse soustractive ne permet pas de travailler de manière aussi précise puisque le traitement concerne la globalité du spectre et que les enveloppes affectées au filtre et à l’amplitude agissent sur l’ensemble du son. Au contraire, avec la synthèse additive, il est possible de spécifier exactement les parties du spectre qui seront augmentées ou atténuées.


CRÉER UN SON À SYNTHÈSE ADDITIVE SUR UN SYNTHÉ QUI NE L'EST PAS

Pour faire de la synthèse additive, on n’a pas forcément besoin d’un synthétiseur dédié, un bon polyphonique peut souvent faire l’affaire. S’il possède 16 parties multitimbrales, vous pourrez générer un son à 16 partiels (c’est le cas sur tous les synthétiseurs à la norme GS/XG). La polyphonie sera bien sûr réduite (elle sera au maximum divisée par 16. Avec un 64 voix, vous aurez ainsi 4 voix de polyphonie). Le synthétiseur doit aussi posséder une sinusoïde comme forme d’onde de base (dans le standard XG, c’est le son 81, banque LSB 65). Ne pas oublier de régler tous les canaux sur le même canal MIDI.

Désactivez les filtres et autres effets spécifiques à chaque piste. Les seuls paramètres utiles sont l’accordage et l’enveloppe affectée à l’amplitude. Sélectionnez la même forme d’onde sur tous les canaux  : une sinusoïde. Il faut ensuite accorder les oscillateurs les uns par rapport aux autres. Avec l’accordage grossier (par demi-ton), ensuite avec l’accordage fin (+/- 50 centièmes, c’est-à-dire +/- 1 demi-ton).

Si vous désirez créer un son harmonique, accordez les différents partiels comme le tableau ci-dessous :

Il faut ensuite régler le volume de chaque partiel, la fondamentale (note de base) devant avoir le volume le plus élevé. Pour des sons harmoniques, plus le partiel est élevé, plus le volume doit être faible, sinon l’oreille risque de reconnaître un autre son comme fondamentale.


LA FINALISATION DE QUELQUES SONS

La synthèse additive est particulièrement adaptée pour les sons d’orgue, mais également pour les nappes synthétiques, les cloches et autres sons riches en harmoniques.


UN SON D’ORGUE

Pour synthétiser votre propre orgue à tirettes, il faut utiliser au minimum 8 parties (ce qui laisse tout de même 16 voix de polyphonies avec un synthétiseur à 128 voix). Réglez l’accordage de chaque oscillateur.

Toutes les enveloppes doivent être identiques. Réglez l’attaque et le relâchement sur le minimum. Vous ajusterez le volume de chaque tirette avec le volume de chaque partie (avec un contrôleur MIDI à fader, l’illusion est parfaite).

Pour gagner en réalisme, passez l’ensemble dans un compresseur, un overdrive et un simulateur de cabine Leslie (un effet phasing ou flanger peut être une alternative).


UN SON DE CLOCHE

Pour recréer une belle cloche, il faut que tous les partiels n’aient aucun rapport mathématique simple (ou multiple) entre eux et que le niveau des volumes soient très différents. Les enveloppes doivent avoir une attaque très courte, pas de temps de maintien (sustain), suivie d'un temps de relâchement assez long (release). Pour recréer les battements significatifs des sons de cloche, certains partiels doivent avoir une fréquence très proche (une différence de quelques centièmes).

EN CONCLUSION

Si la synthèse additive a disparu des synthétiseurs hardware actuels, espérons qu’elle aura encore de beaux jours devant elle dans les instruments virtuels, car les espaces sonores qu’elle permet de créer sont irréalisables en pure synthèse soustractive.

Par Marc Sirguy
(source  : Les cahiers de l’analogique – 2002)


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