PÉDAGOGIE



LA TECHNIQUE PIANISTIQUE ET SES ERREURS

Plus qu’hier encore, la technique musicale est sur le devant de la scène. Le musicien? qu’il soit assisté ou pas par des machines électronique?s use ou en abuse pour flatter l’oreille de ses auditeurs. Toute activité et création musicale impliquent de la technique. Ainsi parle-t-on de technique de chant, de technique pianistique et même de technique de contrepoint. Le mot a envahi tous les chemins qui mènent à l’enseignement de la musique. Aucun musicien ne peut y échapper !


À PROPOS DE TECHNIQUE

Pour exister, la technique utilise souvent des processus mécaniques basés sur des sources d’énergie et de puissance. Le moteur a fait naître une nouvelle qualité rythmique. Dans la décennie qui a suivi la première guerre mondiale, la conscience des rythmes en ostinato de la musique baroque s’est réveillée et a coïncidé avec le vécu expérimental du moteur. Cela amène à l’angoissante question de savoir si technique et musique ne sont pas des forces vitales inconciliables et si donc, la musique n’est pas appelée à succomber sous l’influence de la toute puissance de la technique…

La technique pianistique est un sujet vaste et controversé, et doit se conjuguer au pluriel. Suivant les attirances pour un style musical ou un autre, suivant votre morphologie, le choix des exercices peut être très différent. Ils doivent s'adapter obligatoirement à votre cas et seulement au vôtre. Travailler des exercices qui ne vous correspondent pas, c'est du temps perdu et le risque pour vous d'endurer des problèmes physiques : kystes, tendinites, par exemple. Il est donc important, si vous souhaitez augmenter votre potentiel, de prendre toute la mesure des risques encourus.

Je ne vais pas vous exposer dans ce chapitre ce qu'il faut faire, mais plutôt comment faire pour obtenir un jeu correct au piano. Cette différence reflétant tout le problème de la technique, car lorsqu'on sait ce qu'il faut faire, la manière de le faire est d'autant plus claire… c'est votre objectif qui commande le moyen d'y parvenir.

Il est important, voire indispensable, de ne pas dissocier la technique instrumentale de l'enseignement du style : la culture, les limites et exigences du style, l'aboutissement artistique. La technique ne peut naviguer dans le vide, sans contenu, pour exister elle a besoin de références, de connaissances, alors dès cet instant elle devient un savoir-faire et elle s'intègre dans le jeu artistique.

POSITION, ENDURANCE ET CONTACT

Pour atteindre une technique bien précise, il est nécessaire de mettre à contribution les possibilités anatomiques du corps humain : taille de l'individu, grandeur des mains, longueur des bras et d'autre part les parties motrices du corps : les doigts, la main, l'avant-bras, l'épaule et même le dos, qui prend appui sur la banquette. Il ne faut pas oublier les pieds qui travaillent eux aussi.

Devant cette évidence, il existe pourtant de nombreux pianistes qui n'utilisent pas toutes les possibilités de leurs corps. Normalement, un bon pianiste doit sentir à quel moment il doit faire intervenir tel ou tel mouvement avec ses avants-bras et son buste. Bien jouer est aussi différent que de faire n'importe quoi très bien. S'il est facile sur un piano de faire naître des sons, de jouer les nuances du pianissimo au forte et d'utiliser son registre, du grave à l'aigu, il l'est moins de jouer longtemps, très vite et très fort.

Cette phrase décrit parfaitement les limites de la technique pianistique liée au processus physique : la capacité immédiate du piano de procurer un son en appuyant même de façon infime et à l'opposé celle de l'engagement physique de l'individu en adéquation avec sa technique.

Faire corps avec son instrument, faire connaissance avec lui de manière naturelle, sans éprouver le sentiment que le piano est un outil difficile et hostile devrait être la première leçon à retirer de toute pédagogie digne de ce nom. La prise de contact avec l'instrument est le premier maillon indispensable à l'épanouissement d'une bonne technique.

Il ne faut pas être pressé d'aboutir à une technique, une prise de contact libre avec l'instrument, d'une durée plus ou moins longue est nécessaire, même si dans un premier temps des erreurs techniques sont commises. Ce n'est pas grave.

Le pianiste débutant doit appréhender son instrument de façon simple et détendu. Poser les doigts sur un piano, quand on débute, cela effraie toujours un peu. Il faut donc laisser l'élève faire connaissance avec son instrument avant de mettre en place un travail structuré.

Jeter un élève débutant dans une "bagarre" avec la technique dès le début de son apprentissage est une erreur pédagogique qui éclatera plus tard en se retournant contre lui. La notion de plaisir ne doit pas être dissociée de la connaissance de la technique, elles doivent se conjuguer toutes les deux pour créer une force vive. Des centaines, des milliers de malheureux débutants tentent durant des années, et sous la responsabilité de leurs professeurs, de transformer leur main vivante en un morceau de bois muni de crochets, de s'autodiscipliner avec des exercices très mécaniques et peu enclins à l'évasion. Cette mise en conditionnement n'est pas sans danger et ne permet pas, quand elle est à forte dose, l'épanouissement de l'individu.

Beaucoup d'exercices ne sont pas basés sur la morphologie naturelle de la main.

Prenons le cas de la gamme de do. Elle est facile à repérer sur un clavier par un débutant, puisqu'elle ne se joue que sur les touches blanches, et pourtant, elle est la plus difficile à exécuter proprement. Pourquoi ?

Les passages de pouce après le 3e et 4e doigts s'effectuent de touche blanche à touche blanche, ce qui veut dire qu'il faut tirer davantage sur le pouce vers l'intérieur de la main. La tâche est donc plus difficile, plus exigeante… ça accroche au passage de pouce.

Prenons à présent la position dite 'Chopin' avec pour la main droite la gamme de Si et pour la main gauche, celle de Ré bémol, que se passe-t-il dans ce cas ?

Pour la main droite comme pour la main gauche, 5 sur les 7 notes de ces deux gammes correspondent à la morphologie naturelle de la main.

Posez les 5 doigts de votre main droite sur ces notes : mi, fa#, sol#, la#, si et avec la main gauche faite de même avec les 5 notes de la gamme de Ré bémol : fa, sol b, la b, si b, do. Vous constatez que vos doigts se posent naturellement sur ces touches et épousent le dessin du clavier.

Dans le cas de ces deux gammes le passage de pouce se fait de touche noire à touche blanche. Le passage de pouce est plus aisé, il est moins tiré vers l'intérieur de la main. La bonne restitution de la gamme est donc facilitée.

Il est à souligner que la théorie musicale doit être distincte de celle de la technique du piano qui est étroitement liée à la structure morphologique de la main. La théorie musicale, comme son nom l'indique, est purement théorique. Son application s'arrête au moment où l'apprentissage de la technique commence.

D'ailleurs, je constate chez de nombreux professeurs une tendance à schématiser l'approche de la technique, le choix de l'orientation se justifiant, le plus souvent, pour des raisons théoriques et pratiques (pas de remise en question). Une approche dialectique éviterait à certains d'entre eux de commettre des erreurs de valeur sur tel ou tel exercice et, par là même, la mise en échec de l'élève.

Par exemple, dans les recueils pédagogiques, dans les méthodes, beaucoup d'exercices sont écrits dans la tonalité de Do, avec un visible mépris pour les autres tonalités. Évidemment, l'argument est de faire constater qu'une lecture en tonalité de do majeur est plus aisé pour un débutant qu'une tonalité avec 5 dièses ou 7 bémols, ce qui est vrai. Toutefois, certains types d'exercices, comme les gammes ou les arpèges, par exemple, devrait tenir compte de l'observation citée plus haut et que l'on peut résumer ainsi : ne pas commencer par la tonalité de do, mais partir des tonalités contenant le plus d'altérations pour les éliminer petit à petit. L'ordre n'étant pas le même pour la main gauche que pour la main droite (une leçon en ligne traitera de ce sujet prochainement).


LE PIANO ET LE PIANISTE

Comme évoqué dans la leçon, la position des mains au piano, le pianiste dépend étroitement de la forme du clavier, de la largeur des touches. C'est à lui à s'adapter à l'instrument et non le contraire… hélas !

Si vous avez de grandes ou de petites mains, hormis vos compétences personnelles, les problèmes rencontrés pour travailler l'instrument seront de nature très différente. On ne compose, on n'improvise pas de la même façon si l'on a des petites ou des grandes mains.

Quand on commence le piano très jeune et que l'on poursuit les études pendant sa croissance jusqu'à l'âge adulte, il y a de forte chance d'avoir les pouces légèrement écartés vers l'extérieur quand la main est au repos. Ceci est normal, surtout si vous avez de petites mains à l'âge adulte. Les exercices répétitifs auront eu raison au fil des années de la constitution de votre main. L'organisme humain doit ainsi s'adapter à l'instrument et, de ce fait, le travail du pianiste devient en quelque sorte mécanique.

OBTENIR LA SONORITÉ GRÂCE À L'ÉNERGIE MOTRICE

Le son est obtenu par la transformation de l'énergie motrice de la main ou du bras en énergie sonore. L'énergie de la frappe reçue par la touche est fonction de la force, de la hauteur de la main et de sa vitesse quand elle s'abaisse pour toucher la touche. Ces éléments combinés à la masse représentée par l'avant-bras, la main et les doigts déterminent l'énergie reçue par la touche.

Cette définition pourrait s'apparenter à une sorte de langage mathématique. Il suffirait de représenter chaque élément par des symboles pour construire toute une théorie sur la meilleure façon de maîtriser le son de l'instrument. Seules les machines électroniques sont aujourd'hui capables de le faire. Vous pouvez, par exemple, leur demander de rejouer une même note avec la même vélocité et la même vitesse autant de fois que vous le désirez. Heureusement pour nous, nous sommes dans l'incapacité de contrôler cette énergie de manière aussi constante et c'est cette "imperfection" qui rend le jeu humain si chaleureux. Toute sa vie, le musicien apprend à maîtriser plutôt sa pensée. Il est plus important pour lui que ce soit la tête qui commande plutôt que ce soit les mains qui dirigent. Ça, tous les musiciens l'apprennent un jour ou l'autre à leurs dépens et ce contrôle-là, demande toujours maîtrise et concentration.

Par ELIAN JOUGLA


(source : L'art du piano - Henrich Neuhaus)

SUITE : JOUER VITE ET FORT AU PIANO - LA FORCE DES DOIGTS


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