LES QUESTIONS DU CANDIDE



COMMENT ÉVITER LES ÉCHECS EN MUSIQUE

Si, aujourd'hui, de nombreuses personnes de tous les âges s'aventurent dans l'apprentissage de la musique, plus d'une sur deux abandonne au bout de quelques mois, sans avoir véritablement goûté aux joies de la musique. Un manque de préparation, de réflexion et une pédagogie souvent mal adaptée suffisent généralement à briser le 'lien magique'. La musique et sa 'dure loi d'apprentissage' est alors montrée du doigt.


LA NEUTRALITÉ DE LA MUSIQUE

L'enseignant et l'élève cherchent à justifier leur échec dans une logique toute prête. De nombreuses raisons voient le jour et sont évoquées pour se déresponsabiliser… Côté élève : 'Je manque de temps', 'C'est trop dur', 'Je ne suis pas bon'… et côté enseignant : 'Vous n'y arriverez jamais', 'Vous ne travaillez pas assez' et la pire... 'Eh bien, vous n'êtes pas doué !'.

D'une façon ou d'une autre, quand la discussion s'enflamme, la musique finit toujours par devenir le bouc émissaire idéal. Son univers est tellement exigeant qu'il ne peut que conduire l'élève et le professeur à abandonner en cours de route. Pourtant...

La musique n'est jamais la cause de l'échec, car elle est toujours neutre. Si vous donnez, elle répond : "présent !", et si vous l'abandonnez, elle se fait vite oublier. Elle peut même traverser votre existence plusieurs fois, pendant quelques mois ou quelques années sans crier gare. En toute objectivité, c'est souvent le manque de concertation entre le professeur et l'élève et la qualité du suivi pédagogique qui conduisent à l'échec.


LA PRATIQUE ET LA DURÉE DES COURS

Très souvent, 'Jouer d'un instrument' se traduit chez de nombreuses personnes par 'Je m'amuse avec l'instrument', à la façon d'un jeu dans lequel la notion de plaisir l'emporte sur tout. Son vrai sens est souvent détourné. 'Je pratique un instrument' devrait devenir la véritable raison qui pousse une personne à 'jouer d'un instrument'. Cela semble banal, mais cette confusion entre 'jouer' et 'pratiquer' traduit des comportements sans rapport avec l'étude de la musique.

Pratiquer ne signifie pas que l'élève va devoir affronter des études austères ou ennuyeuses. La pratique, c'est le lien, c'est la manière d'entrer en contact avec la musique. Elle va devenir pour le musicien sa clé de voûte. C'est elle qui va l'aider à se construire. Elle est donc de la plus haute importance.

La pratique contribue à la réussite, cependant, chaque pratique entraîne un comportement, une façon de travailler l'instrument. Quand le professeur manque de temps, il lui est difficile, voire impossible d'expliquer comment 'bien travailler' un morceau ou un exercice. Il se contente d'aller à l'essentiel. Or, une pratique instrumentale sans un mode d'emploi correctement expliqué conduit fatalement à des erreurs. Erreurs qui, en se renouvelant, entraînent inexorablement de la lassitude. La motivation des premiers jours fond comme neige au soleil, puis le doute s'installe jusqu'à l'abandon.

Un cours d'une demi-heure est insuffisant. La musique demande du temps pour être expliquée. Pour le professeur, il est difficile de transmettre son amour pour la musique, de l'aborder sereinement, quand son espace temps est limité, compressé. S'il est compétent, il est conscient qu'il ne peut aborder la musique que partiellement, sans donner à l'élève toutes les chances d'avoir une vision optimale de sa pratique.

LES COURS D'UNE HEURE NE SONT PAS UN LUXE, MAIS PLUTÔT UNE NÉCESSITÉ PÉDAGOGIQUE !


LES ANNÉES D'ENSEIGNEMENT

Si les moyens mis en œuvre par le professeur et leur façon d'être appliqués peuvent être responsable des échecs, ils le sont rarement lors de la première année d'apprentissage. En effet, de nombreux types d'enseignement artistique s'adaptent très bien sur du court terme. Que l'enseignement soit 'classique' ou 'moderne', les premiers mois reposent généralement sur la mise en place de notions basiques. Les remises en question sont rares.

Pour l'élève, la première année procure des sentiments de découverte en pénétrant dans un domaine tout nouveau. C'est l'accroche. Mais rien n'est encore fait, car sa construction musicale doit se poursuivre pendant encore quelques années. Avec le temps, quand il doit approfondir les mêmes connaissances ainsi qu'en étudier de nouvelles, l'élève est soumis à des contraintes souvent envahissantes. Face à des objectifs impossibles à tenir ou par manque de disponibilité, le désir de continuer est dans la balance. La menace de l'échec est là, tout proche.

PRÉVENIR VAUT MIEUX QUE GUÉRIR EST UN ADAGE QUI NE DESSERT JAMAIS CELUI QUI APPREND, ET ENCORE MOINS CELUI QUI ENSEIGNE.

La musique est une discipline artistique très difficile à transmettre, car elle fait intervenir de nombreux paramètres qui ne sont jamais écrits par avance. Contrairement à certains enseignements pratiqués dans les écoles et les conservatoires, l'étude de la musique n'est pas une ligne droite qui peut être tracée par un programme prédéfini. C'est une grave erreur pédagogique, mais qui existe toujours, puisqu'elle facilite le travail de l'enseignant. Tant pis pour les élèves !

L'apprentissage de la musique est certainement très long, mais contrairement à d'autres 'parcours scolaires' au profil très étudié (mathématiques, langues, etc.), il ne devrait jamais se désolidariser d'une certaine forme de liberté. Dans l'enseignement de la musique, faire preuve d'initiatives est un avantage. Surprendre l'élève, éviter la routine, c'est essentiel. Le professeur ne doit pas donner l'impression que la musique est une activité sans ressort, ennuyeuse et sans surprise, mais qu'au contraire elle est pleine de vie, qu'elle recèle une grande diversité de disciplines, et que c'est cette diversité qui procure sa richesse infinie.

EN MUSIQUE, IL N'EXISTE PAS D'ABOUTISSEMENT, CAR IL EST TOUJOURS POSSIBLE DE PROGRESSER, D'AVANCER. LES FRONTIÈRES N'EXISTENT PAS, SAUF CELLES QUE NOUS CONSTRUISONS.


LA COMMUNICATION PROFESSEUR/ÉLÈVE

L'apprentissage de la musique est souvent basé sur la proximité, sur un face à face sans cesse renouvelé. L'échange est toujours vivant, direct, même quand les cours sont donnés en petits groupes. La communication professeur/élève est essentielle, vitale, et si elle cesse, aucune pédagogie digne de ce nom ne peut être conduite.

Étant donné que l'apprentissage de la musique dure plusieurs années, il saute aux yeux que sans désir, sans échange réciproque, tout enseignement ne peut qu'aboutir, tôt ou tard, à une impasse.


LA POSITION DU PROFESSEUR

Avant de poser les bases de tout enseignement, la communication entre l'élève et le professeur doit être établie de façon claire, sans ambages. La personnalité et les objectifs de l'élève doivent s'accorder avec ceux du professeur. Celui-ci a la lourde tâche de transmettre un savoir, un acquis, mais également d'être à l'écoute de son élève, voire de devancer les problèmes qui peuvent surgir à tout moment.

Quand le professeur enseigne la musique avec vigilance, il n'est pas simplement une personne qui transmet un savoir, mais une personne qui est capable d'intégrer des notions psychologiques et sociologiques. Il doit être capable d'analyser la situation dans l'instant. C'est indispensable pour garantir un enseignement de qualité.

Souvent, le musicien qui possède une bonne technique instrumentale se proclame enseignant dans le but de se faire un peu d'argent. Mais un 'bon musicien' ne fait pas forcément un 'bon enseignant' et inversement. Cette phrase très répandue trouve son prolongement avec les étudiants qui, avec quelques notions, partent à l'aventure et entraînent avec eux les personnes qui leur ont fait confiance. Nous avons là de bonnes raisons de douter d'une quelconque efficacité, et quitte à me répéter, je tire à nouveau le signal d'alarme :

En musique, la majorité des gens abandonnent au bout de quelques mois. Ce n'est ni une question de fatalité, ni une question d'absence de don !

Généralement, les enseignants se contentent de transmettre un savoir et quelques expériences professionnelles sans qu'aucune remise en question ne soit programmée. Pour employer un terme informatique couramment utilisé, l'enseignement se résume alors à un simple 'copier/coller'. S'il souhaite aller au-delà, le professeur doit faire preuve d'initiative. Cela demande du temps, mais également des idées et un surcroît d'énergie… Un vrai sacerdoce pour les enseignants 'ouverts', généreux, à l'écoute des problèmes et qui sont souvent confrontés à un manque de temps et de moyens !

Pour enseigner correctement, la vivacité d'esprit est indispensable. Et quand elle brille par son absence, quand elle fait défaut, alors la pédagogie plafonne et prend le risque d'anéantir tous les efforts fournis en amont, aussi bien pour le professeur que pour l'élève. Quant au temps passé et aux sacrifices consentis, ils sont rarement à l'avantage du professeur, car produire un enseignement de qualité, c'est prouver des compétences qui ne se mesurent ni en chiffres, ni en rentabilité.

En musique, et peut-être plus que dans d'autres disciplines, la personnalité de l'enseignant est d'une grande importance. Chaque professeur a une façon toute personnelle de préparer ses cours et de les conduire. Si certains savent improviser le cours sur place suivant les événements et les progrès de l'élève, la majorité d'entre eux adopte des positions plus strictes, 'plus scolaires', en suivant une méthode ou un programme prédéfini.


DU CÔTÉ ÉLÈVE

Quand un professeur demande à son futur élève ce qui l'attire dans la musique, bien peu sont capables de l'expliquer clairement. Le discours est souvent évasif. Des sentiments indescriptibles submergent la moindre pensée. L'élève ressent une attirance envers la musique, mais émet le plus souvent des hypothèses que le professeur doit apprendre à décrypter. C'est dans ces moments-là que l'on se rend compte que la musique est un univers à part, un univers où l'alchimie des sons dirige l'émotion, et parfois la raison.

Si l'élève possède une culture et quelques expériences musicales, celles-ci viennent renforcer un savoir, un acquis, mais ne vont jamais au-delà. Sans le support de la flamme, de ce désir palpable que l'on pourrait appeler amour, l'apport d'une technique, de nouvelles connaissances ne sont d'aucune utilité. Elles ne servent à rien, si ce n'est qu'à embrouiller un esprit déjà bien surchargé.

Celui qui apprend la musique de façon purement intellectuelle, comme on apprendrait une récitation, s'empêche, de lui-même, de pénétrer en son cœur. Au lieu de s'en rapprocher, il s'en éloigne. Sauf à vouloir jouer d'un instrument sans état d'âme, mécaniquement, la culture musicale et la technique ne servent à rien si le sentiment et l'émotion ne les accompagnent pas. Aux yeux du musicien et au nom de la musique, le désir et la sensibilité doivent toujours être les maîtres des lieux, les conducteurs de l'éternel.

L'ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE REPOSE SUR DES PRIORITÉS, ET EN PREMIER LIEU CELLE DE COMPRENDRE ET D'ANALYSER LE DÉSIR DE CELUI QUI APPREND.


LES MÉTHODES

Quand un dialogue constructif s'installe, quand chaque progrès entraîne des questions, c'est signe que la 'construction musicale' de l'élève est en bonne voie. Un désir plus profond et des ambitions plus grandes cohabitent. Mais à l'inverse, quand l'élève ressent un manque d'assiduité et de motivation, qu'il attend tout ou presque du professeur, ce dernier est alors dans l'obligation de prendre les choses en main et de devenir par la force des choses un être dirigiste. Cette position, parfois difficile à tenir sur le long terme, trouve dans l'utilisation des méthodes une solution provisoire.

Des méthodes, il en existe pour tous les âges et pour tous les goûts. Chacune est comme un 'tableau de bord' astucieusement pensé pour convenir à un certain profil. Suivant l'âge, les goûts musicaux ou le niveau technique, une méthode doit savoir répondre présent. Devant le portillon, c'est souvent une lutte acharnée, et quand les enjeux commerciaux frappent à la porte, il arrive de temps en temps que la vigilance de l'enseignant soit prise en défaut. Par facilité ou par calcul, la 'conscience pédagogique' du professeur prend alors la clé des champs. La méthode, aussitôt, referme ses griffes sur l'enseignant, entraînant avec elle les élèves qui sont à sa portée.

En prenant l'enseignant par la main et en lui indiquant la voie à suivre, la méthode devient l'épicentre d'une certaine approche pédagogique. Son efficacité dépend avant tout des résultats qu'elle apporte. Meilleur est son taux de réussite, meilleure est sa renommée commerciale. De toute façon, en cas d'échec, c'est toujours elle qui sera la première responsable. Ce ne sera jamais le professeur, puisque celui-ci l'utilise comme un paravent, un gourou bienveillant.

LA MÉTHODE, SON AVANTAGE : ELLE RASSURE ET APPORTE DES RÉSULTATS CONTRÔLÉS ; SON INCONVÉNIENT : ELLE PROPOSE TOUJOURS UNE VISION MUSICALE LIMITÉE.

Ce qui est essentiel pour une méthode, c'est le résultat superficiel et immédiat qu'elle apporte dans un domaine précis. Aucune des méthodes existantes sur le marché n'a la capacité de répondre à tous les profils du genre humain et à tous leurs désirs. Face à cette évidence, chaque solution proposée, aussi intelligente soit-elle, ne peut reposer que sur une sélection naturelle. Du style : ça passe ou ça casse !

La méthode est le parfait contre-exemple d'un idéal musical, libre et décomplexé. De plus, la majorité des méthodes est pensée pour le court terme, s'étalant tout au plus sur deux à trois années d'apprentissage. Or, comme je l'ai déjà mentionné ici, et ailleurs, c'est dans la durée que le musicien apprend à se construire, à réfléchir et à éviter les 'pièges' tendus sournoisement par la musique et son apprentissage.

PÉDAGOGIQUEMENT, L'UTILISATION DE PLUSIEURS MÉTHODES COMBINÉES EST PRÉFÉRABLE À UNE SEULE.

Toutes les méthodes reposent sur une vision musicale, celle de leur auteur. Sans le soutien et les conseils d'un professeur compétent, le candide, livré à lui-même, ne peut que naviguer à l'aveugle avec toutes les conséquences que cela entraîne : un manque de réussite et l'abandon à court terme.

SUITE : LES DIFFÉRENTES FORMES DE COURS PRATIQUÉES EN MUSIQUE

Par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 02/2012)



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