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MIKHAIL RUDY, PIANISTE CONCERTISTE : LE ROMAN D'UN PIANISTE

Mikhaïl Rudy : "la musique est entrée dans ma vie presque par hasard. J'avais quatre ans.". Le concertiste de notoriété internationale Mikhaïl Rudy publie une autobiographie "Le Roman d'un pianiste, l'impatience de vivre" (éditions du Rocher).


'LE ROMAN D'UN PIANISTE' OU L'IMPATIENCE DE VIVRE

Quand on est né en 1953 au fin fond de l'URSS, dans Stalino, une ville située au nord de Moscou, où il vivait avec ses parents, les débuts dans la vie ne peuvent être que durs et périlleux. Son enfance, il la passe en Ukraine, au lendemain de la mort de Staline. On a alloué pour logement à la famille une maison en ruine. Et là, dans ce souterrain, est entré un piano droit, reste du mobilier d'un oncle. C'est le début d'une passion. Derrière une cloison parvenait un son de violon et en réponse des notes de piano lui répondaient. Le joueur de violon voulant savoir qui lui répondait, diagnostiqua chez le petit Mikhaïl, alors âgé de cinq ans, une oreille absolue.

Son premier professeur de piano, une certaine Helena Abramova, fut capable, à cause d'une attitude très rude, de rendre l'enfant allergique aux gammes. Malgré ça, à neuf ans, Mikhaïl Rudy faisait ses débuts dans un concerto de Grieg. Il décrocha rapidement les premiers prix de tous les concours et en deux ans, il finit quatre années d'études et, à douze ans, il avait achevé le cycle scolaire d'un élève de seize ans.

Dans la Russie communiste, à Stalino-Donetsk, l'enfant et sa famille connaissent la pauvreté, d'autant que, des deux côtés, les grands-pères ont été considérés comme traîtres à la patrie et fusillés.

À l'adolescence, Mikhaïl fonde avec ses amis un groupe pop où il joue de la guitare basse et de l'orgue électrique. Il écoute du jazz et dévore les livres, y compris les introuvables comme ceux de Kafka ou Beckett qu'il fait se procurer sous le manteau. Admis au conservatoire de Moscou, il étudie auprès de Jacob Flier.

© Éditions du Rocher - Le roman d'un pianiste (couverture)


PARIS, UN ASILE POLITIQUE POUR MIKHAIL RUDY

Les choses deviennent sérieuses quand la famille déménage pour Moscou. Mikhaïl est alors pressenti pour présenter le concours "Marguerite Long" à Paris en 1973, mais les pressions du KGB auront raison de sa candidature. Dès qu'un artiste commence à être connu, il doit collaborer avec la police. S'il veut partir pour l'étranger, le chantage se fait plus insistant.

C'est au deuxième refus pour le concours "Van Cliburn" aux États-Unis que le pianiste comprendra qu'il devait partir. Il demande à Paris en 1976 l'asile politique. "La France ne dépensait pas un centime pour la propagande antisoviétique. Au contraire, les intellectuels français, élégants, bien habillés, nous donnaient des leçons en nous expliquant la chance que nous avions de vivre dans le pays du socialisme triomphant."… Ce qui l'autorise à juger Sartre et la légèreté de ses propos sur l'URSS avec sévérité.

En 1975, Rudy fait partie de la délégation soviétique qui participe, à Paris, au concours Marguerite Long-Jacques Thibaud et remporte le premier grand Prix. Jacques Lonchampt, du "Monde", le compare à Glenn Gould !

Au terme d'un déchirement intense où se mêlent nostalgie et raison… lors d'un nouveau séjour dans la capitale française, Mikhaïl Rudy choisit la liberté et demande l'asile politique, même s'il doit être mis sous surveillance par la DST et en laissant toute sa famille de l'autre côté du rideau (juste avant la Perestroïka, il a failli se faire reprendre par le KGB, lors d'un concert à Moscou, sauvé de justesse par l'intervention de l'ambassadeur de France).

Mais le piano est là, il est son "confident" et une carrière internationale lui tend les bras. Sans cette avidité qui dévore tous les musiciens du monde que sont les prestigieuses scènes et son public chaleureux, il n'aurait jamais pu quitter sa terre natale.


RUSSE POUR LA CULTURE ET FRANÇAIS POUR LA SOCIÉTÉ

New York le tente, l'éblouit, mais il préfère la capitale française, où, au Conservatoire, il est l'assistant d'Yvonne Loriod. "Je suis une personne strictement privée, je n'aime pas les feux de la rampe." et de rajouter " J'essaie de faire de la vie une ligne de musique ininterrompue, en suggérant, sans appuyer.". Londres le ravit, mais sans l'accrocher. Même s'il est absent la moitié de l'année pour cause de concerts… "Non, vraiment, il n'y a que Paris", dit-il dans un français enrobé d'un léger accent russe. "Je suis Russe par la culture et Français par mon appartenance à la société."… Il montre un Chagall accroché à son mur : "J'avais acheté au marché noir une reproduction, mais jamais je n'aurais imaginé un jour que Chagall, mon ami, me donnerait cet original.". Mikhaïl Rudy s'étonne à chaque instant de se retrouver là, dans ce Paris mythique qu'il aime tant. Son plus grand regret est de n'avoir pas anticipé la Perestroïka et de ne pas avoir détecté les traces de la fracture… "Je croyais être coincé là pour le reste de ma vie", plaide-t-il comme pour se défendre.

À partir des années 80, sa carrière se développe. Il entame des tournées aux États-Unis (1981) et en Europe (Salzbourg - 1986, Londres - 1987). En 2003, bien des années plus tard, il retournera à Moscou pour fêter son cinquantième anniversaire, mais dans des circonstances dramatiques où il apprendra le décès de sa mère.

Dans son livre, Mikhaïl Rudy raconte les péripéties et les drames qui ont jalonné sa carrière, sur un ton gai autant que naïf. Ni le régime de Brejnev, ni les complaisances de la gauche occidentale ne l'ont empêché d'avoir une foi enthousiaste dans la vie et de transmettre cette ferveur dans son jeu. L'alliance d'un talent et d'un tempérament, voilà le secret du sensible et emporté Mikhaïl Rudy.

Le roman d'un pianiste,
par Mikhaïl Rudy
Éditions du Rocher
206 p.
19,90 €

Par PATRICK MARTIAL (Piano Web - 11/2008)


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