ANALYSE MUSICALE : LA MUSIQUE DE FILMS



LE RÔLE DE LA CHANSON AU CINÉMA


LE POUVOIR DE SÉDUCTION DE LA CHANSON DANS UN FILM

La chanson tient un rôle important pour l'émancipation de la musique de films. Elle appartient à la tradition populaire et en tant que telle, elle est le reflet plus ou moins involontaire de nos vies quotidiennes. Pour les gens du cinéma, elle est le moyen commode qui permet de miniaturiser avec charme et vérité les soucis et les joies de la vie.

La chanson date un film. Impossible alors, pour lui, d'échapper à son époque.

Dans un premier temps, la chanson est intervenue pour devenir rapidement un rite nécessaire ; et ce pour 2 raisons :

  • 1 - La mise en valeur de sa dimension expressionniste pour la mémoire du cinéma.
  • 2 - L'occasion de confirmer sa fonction de "média". Elle s'intègre dans la bande son du film pour devenir de plus en plus la bannière de celui-ci. La bande son utilisant les services de vedettes du show-business.

Cette attitude n'est pas forcément mauvaise, bien que souvent utilisée à des fins commerciales, elle est le lieu de toutes les facilités ; servant d'alibi à toute ellipse d'un contenu musical appauvri.

Au début du parlant, la chanson permettait de relier le comédien/chanteur au cinématographe. La chanson étant considérée comme le microcosme parfait de la synthèse entre l'image et le son, elle permettait de glisser des mots et des harmonies dans le déroulé dramatique d'une suite d'images. Le cinéma français est, par excellence, celui d'une grande tradition de scénariste, bien plus qu'aux États-Unis. C'est dire que les films sont, quels que soient les genres, porteurs potentiels d'un message chanté. La chanson participe d'une réalité esthétique et idéologique, elle n'est plus dans le cinéma contemporain l'ingrédient d'un genre spécifique comme la "comédie musicale", elle est faite à l'humeur du temps comme si la société se contemplait dans un miroir.

Des metteurs en scènes comme Jean Renoir où René Clair présentèrent à leur public des chansons pour illustrer leurs films, mais en s'opposant à l'idée que celles-ci n'avaient pour fonction que de distraire ou de divertir. Dans le cinéma d'avant-guerre, la chanson participait à l'élément catalyseur du film. Elle offrait la possibilité au réalisateur du film d'exprimer par les mots, en accord avec un compositeur, la leçon ou la morale de sa fable cinématographique.

Dans la chanson, le public retrouve dans sa démarche consciente ou inconsciente les codes qui contribuent à l'édification de la mémoire des peuples. Dans les films anciens, elle est la seule à formuler quelque chose quand les péripéties s'étiolent, jouant d'égal à égal avec les acteurs.


LA CHANSON : UN FILM À L'INTÉRIEUR DU FILM

Pour les paroliers et pour les musiciens, la chanson n'est pas seulement l'illustration d'un moment précis, mais concourt plutôt à donner sous une forme épurée un destin à un climat qui puise sa transcription dans les vertus des mots mis en musique.

Avec l'arrivée de la chanson et du parlant dans le cinéma, le règne de la musique de film symphonique se brisa. Souvent, la mélodie chantée se retrouvait orchestrée sous plusieurs formes et devenait la tête de chapitre du discours musical inspiré par le film. À ses débuts, la chanson a sans doute témoigné d'une ambition déçue… celle des compositeurs insatisfaits des conditions de travail. La chanson était déjà un moyen commode de suivre ou de prolonger les modes.

Film à l'intérieur du film, la chanson a des qualités plus profondes que celles que l'on peut reconnaître à l'opportunisme commercial. Les compositeurs et les réalisateurs contribuèrent à créer une osmose entre les volontés du récit, la restitution par l'image et la concrétisation par le son.

Aujourd'hui, face à la démission de plus en plus fréquentes des producteurs en matière d'investissement vis-à-vis de la musique, la chanson est la devanture des éditeurs. Car, non contents de se substituer à la production, ces derniers ont imposé un autre comportement. D'où la situation actuelle : l'éditeur tient, à travers le chanteur, la possibilité d'une post-utilisation de la musique de film. De fait, il surgit, tel un ingérant, dans le travail du réalisateur au moment de la post-production, à l'instant précis où il n'y a plus d'argent dans les caisses. Face à un tel compromis sans autre horizon, le film devient alors la bande-annonce d'une chanson.

Autre fait notable de cette évolution : le chanteur n'est plus nécessairement l'un des interprètes du film. Il intervient en off au générique de début ou de fin. Le compositeur devient ainsi le simple arrangeur d'une trame mélodique concrétisée par le chanteur.

Souvent, dans l'esprit des réalisateurs, la chanson et sa mélodie ne s'intègrent pas obligatoirement au film. Elles sont une séduction supplémentaire comme l'affiche et les acteurs. Une façon comme une autre de distinguer le produit parmi les autres. Le cinéma d'aujourd'hui tolère parfaitement une chanson qui est extérieure au propos du film. La chanson s'impose sans partage.

Le cinéma français vit dans une situation radicale qui rejette impitoyablement les films sur les rives de l'exigence ou celles de la facilité, sans que les cinéastes chargés de repenser le septième art ne se soit guère pencher sur le problème musical. Le clivage se situe dans une conception séparée de l'univers musical et de l'univers cinématographique. Les chansons subsistent, mais n'influencent plus de la même manière les films. Il leur arrive d'exister de plus en plus souvent au détriment du spectacle cinématographique.


QUELQUES HISTOIRES DE CHANSONS CÉLÈBRES

La chanson, elle accompagne le générique, souligne l'intrigue ou elle est mise en valeur et devient un commentaire ironique. Elle est le ressort dramatique ou comique, et cela, depuis l'origine du cinéma parlant.

Au fil des années, après l'explosion de la comédie musicale des années 1930, la chanson s'aventure dans tous les domaines, aucun sujets cinématographiques ne lui font peur : le western (Johnny guitar, Rivière sans retour…), le mélo (L'ange bleu avec Marlène Dietrich), la comédie ou le policier (Shaft, L'homme qui en savait trop avec Doris Day).

La chanson transporte aussi ses acteurs vers la gloire : Rita Hayworth avec Put the blame on mame et ses longs gants noirs ou côté sensuel, Marilyn Monroe avec Kiss Me. Elle est également le porte-voie de la révolte avec Porque te vas du film Cria Cuervos ou celle de la romance avec Les moulins de mon cœur du film L'affaire Thomas Crown.

Une chanson, c'est habituellement ce qui reste dans nos mémoires collectives, quand le film est déjà oublié. La tentation est forte de tirer parti de la présence d'une vedette, qui sera si possible une chanteuse reconnue, ce qui, cinématographiquement parlant, facilitera son intégration dans une séquence musicale, et ce, quel que soit le contexte. Avec un certain regard, cela engendre même des situations souvent comiques ou désuètes qui ont fait souvent ombrage à la carrière de certains. Le talent pour un chanteur, dans un rôle d'acteur, est de dépasser l'image de music-hall qui lui colle à la peau. Certains y sont arrivés avec beaucoup de crédibilités : Yves Montand, Charles Aznavour ou Frank Sinatra et Dean Martin, d'autres avec moins de succès : Tino Rossi, Maurice Chevalier ou Elvis Presley.

Les grands studios, qui possèdent généralement plusieurs labels discographiques, exploitent à la fois l'éventuel succès d'un film et la vente de l'album correspondant. Ce genre d'association est arrivé à son point culminant dans les années 70 avec des films comme American graffiti, La fièvre du samedi soir ou Top Gun. Les réalisateurs, surtout lorsqu'ils visent un public de jeune, semblent désormais travailler avec l'œil fixé sur les "charts".

Avec l'évènement des vidéo-clips et des chaînes spécialisées, on atteint une sorte de point de non-retour. Le clip est devenu une espèce de marketing fourre-tout où l'on trouve à la fois des plans de l'interprète en train de chanter, des images originales spécialement réalisées pour l'occasion et des extraits du film où figure la chanson. Tout cela dans un but : réaliser une promotion télévisuelle formatée pour le plus grand nombre.

Par ELIAN JOUGLA

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