HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



LE PIANO BLUES, SON HISTOIRE ET SES DÉVELOPPEMENTS

Évoquer en quelques phrases ce qu’est le piano blues, c’est traduire en héritage l’histoire du jazz, du rock’n’roll et de la pop réunis. Le blues, si simple, si beau et si nouveau, ne s’est pourtant pas créé tout seul…


AUX ORIGINES DU BLUES…

Le blues trouve ses origines à travers les esclaves noirs amenés dans le Sud des États-Unis, essentiellement en raison des traditions linguistiques et musicales propre à chaque groupe ethnique. Cependant, les premières formes de blues attendront deux siècles avant de voir le jour. Au contact des Blancs, les Noirs produisaient une musique tantôt imitative (celle des Blancs), tantôt hérité de leurs origines. Chaque race emprunta à l’autre, tout en définissant des styles bien distincts. Ils élaborèrent, petit à petit, une musique s’échappant des genres musicaux hybrides.

La guerre de Sécession va être l'évènement déclencheur. Celui de la rupture. Les maladies, la famine, le banditisme et la libération des esclaves, puis l’essor économique avec la construction des chemins de fer vont exciter l’inspiration des troubadours, celle des noirs qui vont aller de villes en villages pour chanter en s’accompagnant simplement d’une guitare. Et ce n’est que vers les années 1890 que prendra place le blues en tant que genre musical.


LE CHANT DU BLUES

Le blues est largement inspiré du chant qui rythmait le travail des esclaves. Les mélodies sonnaient comme si elles désiraient intuitivement faire ressortir les intervalles suivants : la tierce mineure, la quinte diminuée et la septième mineure. Ces trois intervalles vont devenir l’axe de la sonorité blues. L'intonation mineure va être d’une grande importance en devenant le noyau sonore des chants de labeur, mais aussi des spirituals.

De cette gamme blues si particulière et identifiable dès qu’on l’entend, les esclaves Noirs vont lui apporter une rigueur en la structurant. Vers la fin du 19e siècle, le blues tendra vers une construction en séquences distinctes qui, réunit, s’articulaient généralement en 12 mesures. À ce cycle, les mélodies blues vont développer une certaine science des gammes pentatoniques (où l’on retrouve l’utilisation de la tierce et de la septième mineure). Toutefois, si on peut comprendre ce raccourci mélodique et la gestation de sa forme, habituellement constitué de trois séquences de quatre mesures chacune, les origines de sa création restent bien mystérieuses malgré quelques rapprochements avec la tradition africaine.

Les idées comme les sources sont fugitives... Les origines divisent. Alors que des historiens penchent pour l’Inde après avoir traversé les pays arabes, d’autres, de toute évidence, misent sur le résultat d’une résurgence de certains chants d’Afrique occidentale. Le chant du blues est un chant d’abandon, de désespoir ou de tristesse. Sur ce point, tout le monde est d'accord. De ces tons, qui alternent majeur et mineur, sont nés ces fameuses « notes bleues », qui symbolisent puissamment cette musique à la forme originale, capable de tout contenir et de tout transporter. Cependant, avec le temps, le fond va rapidement dépasser la forme, et dans le même moule, les musiciens vont couler toutes sortes de sentiments : la gaieté, l’ironie et même la vengeance sur des tempos lents ou rapides.


LE BLUES SE DIVERSIFIE

Les premiers blues naissent dans le Sud-Est des États-Unis. Ils tendent alors vers la ballade ou vers un style aux caractéristiques singulières, le ragtime. Le blues se diversifie et, localement, s’exprime de façon plus ou moins sophistiqué. À l’Est du Texas, celui-ci s’accompagne seulement avec une guitare. Musicalement dépouillé, l’aspect rythmique est encore flou, seules des fioritures mélodiques parfois complexes viennent soutenir le chant.

Les vieilles mélodies, les premiers spirituals, les musiques de fêtes possédaient tous sinon la forme, du moins la sonorité du blues. Avec leur voix, leur guitare en bandoulière, leur battement de pied régulier, les premiers musiciens de blues formaient un orchestre régulier pour le bal des grands soirs. Si le blues a toujours été une musique de danse, il a été avant tout conditionné par un texte et des paroles.


LE PIANO BLUES

Parallèlement à ces quelques rudiments musicaux, tandis que dans les camps du Texas et de la Louisiane s’élevait l’odeur de l’essence de térébenthine et du bois débité, apparaît un blues dansant, rythmé par le son du piano. C’est cet instrument qui va permettre de vulgariser le blues auprès des Blancs. Des noms comme Roosevelt Sykes, Little Brother Montgomery, Speckled Red ou Jack Dupree deviendront les symboles d’une musique qui, dès lors, ne va cesser d’évoluer et de se transformer.


LE RYTHME DU PIANO BLUES

Le rythme du piano blues s’inspire, à l’origine, de la reproduction des bruits des locomotives. Les lignes de basses tendent à imiter les bruits mécaniques que produisent les roues des wagons au contact des rails. Par imitation, les pianistes de blues traduiront ce roulement caractéristique par une sorte de schéma rythmique suffisamment simple pour permettre, rien qu’en l’entendant, de donner envie de bouger et de danser.

Le boogie-woogie est probablement issu de cette sorte de jeu qui transformait le piano en « train » aux multiples rythmes. L’aspect général de ce style est d’être instinctif. La formule idéale fût rapidement trouvée : une main gauche puissante martelant sans cesse un habile mélange rythmique de croches et de double-croches, cassant et rapide, et une main droite égrenant des mélodies souvent rudimentaires avec des variations proches de la ligne de basses. Sa construction directe et sans ambages s’est toujours démarqué du jazz qui, comme à son habitude, puisa dans ses idées novatrices.


LE BLUES AU CŒUR DES VILLES

Le blues rural devient un blues urbain en suivant la migration des Noirs vers le nord-est des États-Unis. Le Nord représente la terre promise, celle où l’on gagnerait plus d’argent et de liberté. Les grandes métropoles attiraient, surtout Chicago. Pratiquement tous les bluesmen sont venus du Sud pour s’installer dans cette ville en pleine expansion. Devenu la capitale du blues, cet « Eldorado » devint rapidement un lieu de déception avec ses ghettos surpeuplés et sa misère envahissante. La ville industrielle provoquait de profonds bouleversements dans la vie des gens. Les réunions entre musiciens n’étaient plus les mêmes ; la ville réveillait de vieux instincts. Le blues devenait une musique « incendiaire ». Des musiciens comme Otis Spann ou Sunnyland Slim apportèrent dans leurs bagages la rage et la colère de leurs ancêtres.

Devenus inaudibles dans les salles de cabaret, le piano et la guitare amplifiée remplacèrent rapidement l’harmonica et la guitare D’autres approches musicales virent le jour. Le piano, qui est un orchestre à lui tout seul, se transforma en un véritable instrument à percussion. Celui-ci, qui se contentait jusqu’alors du seul ragtime, devint l’instrument incontournable pour exprimer ce qu’est le blues. Dès lors, le chant blues se trouva dépouillé de textes. Des instrumentaux se mirent à naître et s’incorporèrent dans les grands ensembles orchestraux.

Dans les clubs, au piano solitaire, viendront s’ajouter des instruments originaux comme le washtub, une sorte de contrebasse constituée d’une bassine renversée percée par un manche et sur lequel sont fixées des cordes de résonance, et le jug, une bouteille dans lauqelle on souffle pour en extraire des sons profonds. Les blues du Delta accompagnés de l’instrument roi et de quelques autres artifices conduiront l'auditoire vers une musique plus percutante, détrônant le traditionnel boogie-woogie. Là, dans quelques lieux enfumés, les pianistes martèleront l’ivoire plutôt que de le chatouiller... Et avec l'arrivée dans les années 50 du rock'n'roll et de l'amplification à outrance, le blues chavirera jusqu'à ne plus se reconnaître.


LE BLUES MODERNE

C’est durant la seconde guerre mondiale que le piano blues a vécue véritablement son essor. Des styles, plus ou moins bien définies, voient le jour. Le « jump blues » éclate dans les années 40 avec des musiciens novateurs comme Count Basie, légende du jazz que l’on réduit trop souvent au seul rôle de chef d’orchestre, et qui a pourtant fait figure de pionnier. À la Nouvelle-Orléans, Professeur Longhair mêlera à son jeu classique de blues des figures de danses latines et de rumba, pleines de facéties rythmiques. Il est considéré par les historiens comme étant le père du rhythm and blues de la Nouvelle-Orléans. Le chanteur à la voix d’outre-tombe influencera plusieurs musiciens dont Dr. John et Allen Toussaint.

À Saint-Louis, dans les années 50, le jeu de Johnny Johnson contribua de façon déterminante au son du rock’n’roll d’un certain Chuck Berry. Et comment ne pas évoquer Ray Charles, l’autre star du blues des années 50/60 qui mêla habilement à la grille de 12 mesures le bon vieux gospel. Sans le prévoir, il deviendra le père de la musique soul moderne, celle de Stevie Wonder ou de Marvin Gaye.

Aujourd’hui, il est presque impossible d’écouter des pianistes contemporains, quel que soit leur style, sans que l’on entende l’influence du blues dans leur jeu ; les plus jeunes recrues n’hésitant pas à lui rendre hommage à travers l'interprétation de quelques standards ou de compositions dédicacées.

Par PATRICK MARTIAL



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