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BLUES, SOUL, REGGAE, RAP, WORLD MUSIC...


LE RHYTHM AND BLUES ET SON HISTOIRE

À la fin des années 40, à une époque où le racisme est encore profondément enraciné, et bien avant que les musiciens Blancs ne lancent sur les ondes le rock’n’roll, la musique rhythm and blues chantée par les Noirs va être l’un des tout premier courant musical à vouloir faire tomber les barrières sociales…


LE RHYTHM'N'BLUES, SOURCE DU ROCK'N'ROLL

Apanage des orchestres noirs, le rhythm'n'blues est un terme générique désignant un style de musique issu du blues et du gospel. Joué par des musiciens noirs au début des années 1940, ce style est d'abord appelé "race music" ("musique de noirs"). En 1949, conjointement à un article de Jerry Wexler dans le magazine américain Billboard qui en pose les bases, le hit-parade de la "race music" devient le hit-parade du rhythm'n'blues ; une musique mariant au mot "rhythm" - qui désigne un tempo accéléré - avec "blues", qui rappelle la sacro-sainte règle des 12 mesures.

Cependant, le rhythm'n'blues signifie moins une nouvelle forme d'expression musicale qui la cristallisation des barrières sociales dans l'Amérique des années 1940. Jeunes Blancs et jeunes Noirs écoutent des musiques de plus en plus proches, mais ils ne le savent pas. Le rhythm'n'blues sera le vecteur qui permettra à la musique noire d'irriguer la musique populaire blanche et de favoriser l'éclosion du rock'n'roll. Les maisons de disques accompagneront fortement ce mouvement, passant, en l'occurrence, du statut de labels indépendants spécialisés (comme Chess à Chicago ou Speciality à Los Angeles), à celui de puissantes majors (comme Atlantic).

On distingue souvent trois courants dans le rhythm'n'blues : celui de New York et de Los Angeles, à base de petites formations et de chant "hurlé" dans la tradition des "blues shouters" ; celui du Sud et du Middle West, qui marque la synthèse du blues rural et de la guitare électrique ; enfin, celui des groupes vocaux, proches du doo-wop.

© Gottlieb, William P (wikipedia) - Louis Jordan (Paramount Theater de New York - 1946)

L'artiste qui incarne le mieux le rhythm'n'blues, dans ses origines comme dans ses influences, est sans conteste Louis Jordan. Saxophoniste venu du jazz, dans la tradition swing, il pratique à partir des années 1940, une musique appuyée sur le blues et développant des mélodies bien charpentées, mais sur un mode répétitif et syncopé, qui est l'essence même du rhythm'n'blues. Jordan chante fréquemment des textes salaces, mais dans un argot noir impénétrable au public blanc, qui peut ainsi les écouter sans risquer la condamnation des ligues de vertu.

D'autres artistes vont aussi préparer le chemin : Fats Domino, pianiste dans la tradition boogie, ragtime et dixieland ; Big Joe Turner et sa voix puissante de baryton hurleur. Plusieurs de leurs chansons seront reprises par des artistes blancs (Ain't That A Shame, de Fats Domino, par Pat Boone, Shake, Rattle and Roll par Bill Haley et Elvis Presley).


FATS DOMINO

Certains prétendent que son arrangeur Dave Bartholomew inventa le rock'n'roll, lorsqu'il collabora avec Fats Domino pour "The fat man", en 1949. Pas moins !

Pianiste, chanteur, compositeur et chef d'orchestre noir américain, Fats Domino est né le 26 février 1928 à la Nouvelle-Orléans. Antoine "Fats" Domino fit ses débuts très jeune dans sa ville natale, puis forma un orchestre qui devint rapidement célèbre grâce à son style boogie-jazz très dansant. Employé à 3 dollars la semaine au Hideaway Bar à New Orleans, il y est découvert en 1949 par le PDG d'Imperial Records, Lew Chudd, qui lui signe aussitôt un contrat.

© Gerd Bluethmann (wikipedia) - Fats Domino (disques Warner Bros. -1957)

Extraordinaire pianiste à la technique sans défaut et au goût subtil, il maîtrisait plusieurs styles qu'il combinait : blues, ragtime et boogie-woogie. C'est ainsi que plusieurs années avant l'apparition du mot rock'n'roll, il avait composé une multitude de chansons "rock" dont certaines sont devenues d'immortels classiques : The fat man (1950), Rockin' Chair (1951), Goin' home (1952), Rosemary (1953), Ain't that a shame (1955), Blueberry hill, I'm in love again (1956), Blue Monday (1957), I'm ready (1959), pour ne citer qu'eux.

Les années 1960 furent moins prolifiques pour Fats Domino, qui préféra passer son temps dans son superbe palace à la Nouvelle-Orléans, avec son épouse et leurs huit enfants. Néanmoins, comme Fats Domino résidait 3 mois par an au Flamingo Hôtel de Las Vegas, il continuait à entretenir sa renommée et dès 1970, il enregistra à nouveau sa version de Lady Madonna (The Beatles). Le musicien s'embarqua ensuite régulièrement dans de plus ou moins triomphales tournées en Europe. En 1995, lors de sa tournée avec Ray Charles et Little Richard, il attrape la pneumonie à deux reprises. Perdant sa voix, il met fin à la tournée. Ce sera sa dernière visite en Europe. En 1998, le président Bill Clinton, par l'intermédiaire de sa fille aînée Antoinette, lui remettra la médaille nationale des arts.

Compositeur prodigue et autodidacte, milliardaire du disque, Fats Domino est resté l'un des artistes les plus sympathiques et les plus importants de la Rock Music.


LES TROIS BROWN : ROY, CHARLES ET RUTH

Dès le début, le rhythm'n'blues va construire une sorte de pont entre nouvelles musiques populaires noires et blanches. Il en sera ainsi, par exemple, des trois Brown qui, outre un patronyme commun, partageront le même destin : artistes de rhythm'n'blues largement repris par les musiciens blancs. En 1948, Roy Brown se fait connaître avec le titre, Ô combien précurseur Good Rockin' Tonight (repris plus tard par Elvis Presley).

Ancien boxeur, Roy Brown est un noir qui aimait tout autant Frank Sinatra et Bing Crosby, que le blues et le gospel. De ce mélange sortiront les prémices du rock'n'roll. À peu près au même moment, un autre Brown, Charles cette fois, fait un tabac en 1945 avec Driftin' Blues. Certaines de ses compositions mélancoliques, inspirées par Nat King Cole, seront reprises plus tard par Elvis, puis par les Eagles. Enfin, Ruth Brown, qui sera baptisée "Miss Rhythm", gagnera son premier concours à l'Apollo Theater avec une chanson de Bing Crosby et fera la fortune, une décennie plus tard, de Cliff Richard, le 'Elvis anglais', lorsque celui-ci reprendra plusieurs de ses morceaux. Par ailleurs, alors que Chuck Berry et Little Richard inventent le rock'n'roll, Bo Diddley impose son blues hypnotique, marqué par les grands artistes de Chicago, mais si novateur qu'il marquera durablement bien des artistes noirs ainsi que des rockers blancs.


L'ARRIVÉE DES "SOUL MEN"

Durant les années 1950, deux artistes noirs, étiquetés alors rhythm'n'blues, vont connaître un tel succès auprès de tous les publics que la notion de rhythm'n'blues va perdre quelque peu de sa spécificité. Il s'agit de Ray Charles et de Sam Cooke. I Got A Woman, Lonely Avenue, Hit The Road Jack pour Ray Charles ou You Send Me et Chain Gang pour Sam Cooke vont à la fois confirmer ce qui fait la spécificité de la musique noire, c'est-à-dire une émotion venant de l'Afrique et de l'esclavage. Ces deux artistes vont poser les bases d'un nouveau genre, englobant le rhythm'n'blues et la soul music. On passe alors à une autre histoire, celle des Noirs américains des années 1960 et 1970, ceux des labels 'Tamla Motown' ou 'Stax', qui espèrent un meilleur avenir, comme James Brown, qui affirme être "proud to be black" ("fier d'être noir").


SAM COOKE

Sam Cooke fut à sa façon le père de la soul-music actuelle. Né le 22 janvier 1935, à Chicago, Sam Cooke développe très tôt un talent pour le chant religieux. À l'aube de sa majorité, il rejoint la formation des Soul Stirrers, groupe de gospel où figure Johnny Taylor, puis des Pilgrim Travellers où figure Lou Rawls. Il devient une star aux yeux de la communauté noire américaine et abandonne le pseudonyme de Dale Cook pour Sam Cooke et enregistre You send me en 1957, son premier hit, sur le label Keen.

Ce morceau reste six semaines en tête des ventes de rhythm'n'blues et lui permet d'enregistrer son premier album, éponyme. Jusqu'en 1960, Sam Cooke enregistre ses œuvres les plus populaires : Only sixteen, Crazy she calls me, Wonderful World

À partir de 1960, Sam Cooke devient un habitué des hit-parades. Son style, souvent basé sur des interprétations de ballades, hésite entre le gospel et la musique pop naissante. Face à ces hésitations, il décide, lors de l'enregistrement de son 7e album (Night beat) de minimiser l'approche musicale et de mettre plus en avant ses qualités vocales.

© RCA Victor Records - Sam Cooke (1965)

Particulièrement sensible au mouvement de la jeunesse, Sam Cooke enregistre A Change is Gonna Come (1963), considérée par beaucoup comme son chef-d'œuvre. En 1964, au moment de son décès (il est abattu dans un motel californien le 11 décembre 1964), Sam Cooke a déjà vendu 15 millions de disques. Sa mort faussement élucidée a largement encouragé la polémique et choqua profondément la communauté afro-américaine de l'époque.

Sam Cooke a eu une influence décisive sur de nombreux chanteurs noirs américains : Otis Reding (A change is gonna come, Shake), Bobby Womack, Arthur Conley (qui change Do you like good music en Sweet soul music), et artistes blancs anglais comme Rod Stewart (Twistin', The night away) et les Rolling Stones (Little Red Rooster que Sam Cooke enregistre avec Billy Preston à l'orgue).

Par C. Eudeline (Cadence Info - 09/2018)

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