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SON ANALOGIQUE ET SON NUMÉRIQUE, QUELLE DIFFÉRENCE ?

Parfois, en prenant du recul, nous comprenons bien mieux les progrès des technologies. Les commentaires qui suivent mettent en parallèle le système d'enregistrement analogique et numérique tel qu'il était au début des années 90. L'enregistrement numérique en est encore à ses balbutiements et c'est encore un moyen d'enregistrement très onéreux. Les disques durs de grandes capacités sont absents des plateformes informatiques et la cassette audio comme le disque vinyle ont encore le vent en poupe. Ces précisions sont importantes afin de mieux comprendre les propos de l'auteur et les réserves émises par celui-ci envers une technologie en devenir qui n'avait pas encore démontrée toutes ses possibilités novatrices.

À vous de vous faire votre opinion sur la question posée à travers cet extrait d'article : "DOIT-ON CHOISIR LE NUMERIQUE OU L'ANALOGIQUE ?"




DE L'ANALOGIQUE À L'OPTION NUMÉRIQUE

L'être humain doit se poser des questions. C'est l'une de ses dettes envers l'existence. Du temps de cro-magnon, c'était steak de dinosaure dans le filet ou rôti de diplocodus ?. Du temps de Shakespeare, c'était To be or not to be ?. Aujourd'hui, le musicien, l'ingénieur du son, le producteur, la maison de disque, doit répondre à une question qui lui mine la vie : "Numérique ou analogique ?".



LES FAITS : ENTRE L'ANALOGIQUE ET LE NUMÉRIQUE, Y A-T-IL DES POINTS COMMUNS ?

Réponse : pratiquement pas. Pour parvenir à des objectifs identiques, les deux techniques utilisent des moyens radicalement différents. Traitement du signal en continu avec l'analogique, traitement discontinu avec le numérique. L'idée du numérique pour l'audio est venue d'une tentative d'amélioration de l'enregistrement et de la reproduction. On connaît les problèmes de l'audio analogique : non-linéarité des circuits, déphasages, donc distorsion multiple, production de bruit de fond étranger à la source d'origine, inexactitude dans la reproduction en série des enregistrements.

Ce dernier aspect du problème se traduit par des disques vinyl dont la qualité varie suivant qu'ils sont produits au début ou à la fin du pressage : au début, les clicks des démoulages imparfaits et du préchauffage de la presse, à la fin, une qualité qui diminue avec l'usure des moules. Mais le problème concerne aussi les cassettes analogiques : la qualité dépend du suivi des réglages de chacune des machines de duplication, en ce qui concerne l'azimut, la prémagnétisation et la courbe de réponse.

Comment cela se passe-t-il en pratique ? Pas mal, finalement. Pas idéalement non plus, du fait de la part d'incertitude. On voit bien les avantages que le Compact Disc a pu apporter par rapport au disque vinyl : stabilité du support et lecture sans contact, donc moins sensible à l'usure, qualité constante, moins de matière première nécessaire, moindre volume de la discothèque personnelle, et surtout une fidélité difficile à contester avec les nouvelles technologies de conversion. Ce qui est vrai pour le disque l'est-il aussi pour l'enregistrement ?


LE NUMÉRIQUE... PAS SI SIMPLE !

Le numérique (ou digital, ça se complique dès le début, le même truc a déjà deux noms qui veulent dire la même chose), c'est compliqué. C'est plein de calculs qui se font à très grande vitesse dans des circuits électroniques où il est difficile de voir ce qui se passe avec les instruments de mesure habituels. Donc, par exemple, pas question de trouver la panne quand elle arrive, sauf en atelier hyper-spécialisé.

En face, l'analogique est relativement simple : avec un oscilloscope et un multimètre, on peut suivre facilement le trajet du signal. Un bon dépanneur radio-télé peut s'y retrouver. Le numérique, c'est sans compromis, ça marche ou ça ne marche pas. Entre les deux, c'est horrible. Avez-vous déjà essayé de dépasser le niveau maximum admis ?

En analogique, la saturation n'est pas apocalyptique, elle ne fait qu'augmenter progressivement la distorsion. Certains ingénieurs s'en servent même en studio pour donner un son spécial. Le numérique, c'est strict, rigide, carré, lourd. Le montage direct est soit impossible, dans le cas des systèmes à cassettes (DAT, PCM-1630, DCC), soit délicat avec les bandes sur bobine. Pas question de lire une bande à l'envers non plus, ou d'opérer une variation de vitesse trop importante. Et avant d'enregistrer une bande sur un multipistes, il faut la formater, c'est-à-dire effectuer un codage lors d'un passage complet à vitesse normale, avant de pouvoir commencer à travailler.


L'ANALOGIQUE ET SES RISQUES

L'analogique, c'est souple, rond, léger. On enregistre directement. On coupe, on colle à l'endroit, à l'envers, sans précautions spéciales. Une empreinte de doigt sur la bande ne l'empêche pas d'être relue et réenregistrée. Et l'analogique, ça marche ! Combien d'utilisateurs de certains magnétophones à cassettes numériques se sont arrachés les cheveux à cause de précieux enregistrements qu'ils ne pouvaient plus relire ? Que penser de cet utilisateur qui nous annonce qu'il essaye depuis six mois de relire des enregistrements d'un concert live sans y arriver ? Des fluctuations de hauteur se produisent au cours de la lecture et aucun technicien n'arrive à trouver l'origine du problème. Et c'est fabriqué par un grand constructeur, en qui on serait tenté d'avoir confiance !

Dans de telles conditions, sauf en étant parfaitement sûr de son matériel, comment prendre aujourd'hui le risque de réaliser un enregistrement précieux en numérique, sans faire en parallèle un enregistrement analogique ? Demandez ce qu'en pensent ceux qui ont perdu leur enregistrement parce qu'ils ont voulu le faire en numérique ! La perte d'un enregistrement est une chose, celle de la réputation en est une autre !


LE NUMÉRIQUE... L'ENFER DES FORMATS

EIAJ, AES/EBU, S/PDIF, SDIF 2, MEL 2, DASH, ProDigi, DCC, Mini Disc, Compact Disc. Vous êtes pris de vertige ? Normal. Continuons : 32 kHz, 44,1 kHz, 48 kHz, 16 bits, 18 bits, 20 bits. Les cassettes : PCM-1630, DAT, format Yamaha, Akai… L'incompatibilité des formats, la nécessité de se servir parfois du Word Sync, de Bit Sync, de synchroniser le code SMPTE avec l'horloge d'échantillonnage (nous éviterons ici d'entrer dans les détails)… Tout ceci fait que la technique audionumérique n'est pas simple à utiliser. De plus, c'est plus précis et demande plus d'attention : la poussière est plus dangereuse.

Par ailleurs, qui peut garantir qu'aujourd'hui la durée de vie des enregistrements audio numériques ? Cinq ans, dix ans, quinze ans, vingt ans ? On peut généralement relire une bande analogique même abîmée. En revanche, une bande numérique un peu détériorée, dans les mêmes conditions, risque fort de montrer une absence de signal (ce que l'on appelle un drop). Mais alors, qu'est-ce qui fait courir le monde après l'enregistrement digital ? La qualité ? Alors parlons-en.


UNE MEILLEURE QUALITÉ SONORE POUR QUI ?

Cette difficulté d'utilisation du numérique serait le passage obligé pour la pureté du son et pour une exceptionnelle qualité. Il est vrai que si l'on compare un magnétophone à cassettes analogiques et un magnétophone DAT récent, le doute n'est pas permis, même s'il faut dépenser deux ou trois fois le prix du premier pour avoir le second.

Problème insoluble des magnétophones à cassettes, les erreurs d'azimut qui proviennent de la quasi-impossibilité de régler précisément l'entrefer des têtes d'enregistrement et de lecture perpendiculairement à l'axe de défilement de la bande. Résultat : incompatibilité entre les magnétophones et mauvaise reproduction des fréquences aiguës, du fait du déphasage entre les canaux gauche et droit, l'un étant lu en avance par rapport à l'autre. Pas de problème sur le DAT, puisque les canaux gauche et droit sont enregistrés sur une seule piste en même temps.

En revanche, lorsqu'il s'agit de comparer multipistes analogiques et numériques, la différence est moins flagrante, surtout si le Dolby SR est utilisé. Qui aujourd'hui en effet pourrait prétendre qu'un enregistrement multipistes numérique est meilleur que le même enregistrement analogique en Dolby SR ?

Certains ingénieurs préfèrent même le son Dolby SR à celui des bandes numériques. Rappelons que le principe permet d'obtenir une dynamique supérieure à celui du numérique, tout en augmentant sensiblement la qualité de l'ensemble du spectre.

De nombreux albums très prestigieux sont donc sortis aux USA avec le label ADD, ce qui n'a pas empêché une excellente qualité de réalisation. Certains disques ont même porté au dos la mention : "La technique du Compact-Disc ne permettra pas de restituer toute la dynamique de l'enregistrement original, réalisé en Dolby SR ".


LE NUMÉRIQUE PROGRESSE AUSSI

Mais les défauts de jeunesse du numérique ont également été rectifiés. Certains ont osé rire quand certains audiophiles prétendaient qu'à ses débuts le son numérique était désagréable. On en connaît aujourd'hui les raisons : surtout une mauvaise qualité du filtrage nécessaire à cette technologie. L'oversampling et la technique bitstream ont remédié à ces problèmes en permettant un filtrage plus simple et de meilleure qualité.

Les distorsions et fluctuations de vitesse inhérentes à l'enregistrement analogique n'existe plus en numérique. Le son, il est vrai, en devient plus transparent. De plus, le problème des dégradations progressives des copies en analogique est évité grâce à la copie numérique directe. Mais ce n'est pas sur le problème du bruit de fond que le numérique est gagnant, puisqu'avec le Dolby SR, on a plutôt un meilleur rapport signal/bruit.

Le Dolby SR, son dérivé le Dolby S et le DBX ont permis de reculer l'échéance de la disparition des machines analogiques, échéance qui semble pourtant inéluctable : on trouve plus d'ingénieur qui travaillent au développement du numérique qu'à celui de l'analogique. Il est probable que les machines numériques vont de plus en plus se simplifier avec l'intégration de circuits électroniques et que leur prix de revient diminuera en conséquence. Il est même possible qu'un jour le prix d'une machine numérique devienne inférieur à celui d'une machine analogique équivalente. Dès lors, les jours de l'analogique seront comptés.


ANALOGIQUE OU NUMÉRIQUE... QUE CHOISIR ?

Le facteur prestige entre largement en ligne de compte dans les studios commerciaux. Le numérique, c'est plus cher, mais plus moderne, plus high-tech. L'analogique, ça marche bien, mais ça fait un peu démodé.

En France, la vague du numérique a déferlé sur les studios qui pouvaient investir, alors qu'aux États-Unis, au même moment, les propriétaires de studio restaient pragmatiques et proches du rapport qualité/prix. Posséder un magnétophone numérique n'est pas un critère absolu de qualité d'un enregistrement. Tant d'éléments entrent aussi dans le résultat final et tant de questions restent posées. Quelle est la qualité de la console ? Quelle est la qualité des micros et de leur utilisation ? Quelle est la qualité du câblage du studio ? Quelles sources seront-elles enregistrées ? Quel est le but recherché avec cet enregistrement ? Impressionner le client ? Être rapide et efficace ? Obtenir un meilleur son ? En fait, c'est dans le domaine de l'enregistrement sur disque dur que ressort aujourd'hui l'avantage du numérique sur l'analogique.

Le temps d'accès presque instantané aux différentes parties de l'enregistrement, et la synchronisation ultrarapide, en font une technique de choix pour la postproduction vidéo et le montage audionumérique.

Par MICHEL GEISS



ALORS, NUMÉRIQUE OU ANALOGIQUE ?

La meilleure réponse sera la vôtre. Finalement, à vous de choisir.


À PROPOS DE MICHEL GEISS

Michel Geiss, électronicien de formation, est un musicien et ingénieur du son français. Collaborateur de Jean-Michel Jarre qu'il a rencontré en 1974, il a notamment réalisé une boite à rythme, la Rythmi-Computer en 1976, et les séquenceurs Matrisequencer 250 en 1977 et DigiSequencer en 1992. Ces instruments électroniques ont été utilisés sur de nombreux albums de Jean-Michel Jarre dont ils ont contribués au succès.

En tant qu'ingénieur du son mastering, il a travaillé également avec bien d'autres artistes, tels que Michel Jonasz, Michel Sardou, La Compagnie Créole, Catherine Lara, Trust, Lio, Marc Lavoine, Patrick Bruel et Laurent Voulzy.


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