TECHNIQUE ET MAO



LE TOUCHER, DU PIANO ACOUSTIQUE AU SYNTHÉTISEUR

Le toucher est une réaction sensorielle qui résulte de la rencontre des doigts avec les touches. Il se situe entre le sens du tact et celui de l'ouïe. Il est, pour le musicien, le relais de la sensibilité et pour le fabricant, souvent "la bête noire".



INTRODUCTION AU BRUIT



Qui après bien des années de pratique instrumentale en amateur ou en professionnel n'a pas ressenti de périodes de lassitude face à son clavier ? En face de tel ou tel clavier, qui pourrait prétendre n'avoir jamais ressenti un plaisir ou un déplaisir ?

Le musicien, faute d'un langage technologique souvent complexe, utilise le plus souvent des images subjectives pour décrire les caractéristiques de son clavier. On peut classer ces images descriptives en quatre familles :

  • La correspondance entre le mouvement et le son
  • La personnalité
  • Le confort du jeu
  • La restitution sonore

Si l'ensemble de ces critères peuvent s'appliquer à un piano acoustique, ils sont plus difficiles à admettre quand il s'agit d'un clavier électrique ou numérique. Toutefois, ces critères d'appréciation peuvent néanmoins amener une réflexion plus avancée concernant ces derniers :


LA CORRESPONDANCE ENTRE LE MOUVEMENT ET LE SON

Il peut se traduire ainsi : présence de la corde sous le doigt ou si vous préférez, sensation de la fidélité de la transmission mécanique. Comme évoqué dans le chapitre 'comprendre le MIDI', l'utilisation du MIDI, aussi rapide soit-elle, peut-être la cause de retard de transmission dans les signaux. À ceci, s'ajoutent tout un tas de paramètres comme le volume, les filtres MIDI modifiant les vélocités, les timbres qui rendent difficile l'appréciation de la fidélité de transmission.


LA PERSONNALITÉ ET LE CONFORT DU JEU

Très fréquemment, les claviers électroniques sont montrés du doigt, souvent à juste titre ; basés sur un système mécanique à ressort, leurs touchers sont très différents. Ils sont le plus souvent trop mous, ce qui déstabilise le jeu du musicien habitué au toucher du piano acoustique, plus résistant. La plupart des claviers électroniques sur les synthétiseurs sont de piètre qualité, même sur des hauts de gamme, ce qui est assez scandaleux !

Des claviers comme le K2000 de Kurzweil ou le DX7 de Yamaha pour les synthétiseurs et l'Hammond pour l'orgue, offrant une certaine résistance à l'enfoncement, ont dans leur temps fait régulièrement l'unanimité chez les musiciens. D'ailleurs, aujourd'hui, certains musiciens n'hésitent pas à utiliser ces claviers vintages pour la scène, plus pour leurs qualités mécaniques que sonores.


LA RESTITUTION SONORE

Elle tend à se rapprocher du piano. De réels progrès ont été apportés concernant la qualité de l'échantillonnage, au niveau de la dynamique et de la sensibilité à l'enfoncement. Toutefois, n'oubliez pas que le but premier d'un synthétiseur est la création sonore et non pas la restitution sonore. Il est vrai que depuis une vingtaine d'année les synthétiseurs ont dérivé petit à petit vers le tout-en-un (synthétiseur workstation).

La quantité de sons embarqués sur les synthétiseurs d'aujourd'hui est tellement importante, que la plupart des musiciens ne travaillent plus le son à l'état pur (en partant du "point zéro"). Ils se contentent de combiner plusieurs échantillons préexistants ou plusieurs sonorités, pour "construire" de façon toute relative de nouveaux sons. L'époque des musiciens chercheurs a disparu et a fait place à des musiciens pressés d'aboutir à un résultat sonore, à défaut de trouver une sonorité originale.



L'INTERFACE MODERNE ET L'INSTRUMENTISTE



Le fait d'utiliser un clavier fait perdre au musicien tout contact direct avec le son, avec la source sonore. Un dispositif mécanique est là, comme relais, pour conduire son impulsion physique. Lorsque le dispositif mécanique et l'impulsion ne font qu'un, on peut considérer que l'interface entre l'instrumentiste et la source du son est inexistante. L'intrusion de la norme MIDI a ajouté, sinon transformé les paramètres de jeu, de mécanique, ils sont devenus informatiques. Si les moyens changent, les fonctions de jeu demeurent, car nous utilisons toujours pour le moment nos doigts pour interpréter et transmettre nos idées. La qualité de répétition, la sensation en fond de touche et le "rebond" sont autant de facteurs qui démontrent aisément le rôle spécifique d'interface du clavier.

Si le meilleur clavier du moment pilote un dispositif de production sonore numérique de qualité médiocre, celui-ci ne donnera pas forcément le même résultat musical qu'un modèle de base pilotant le "top du top" des générateurs de sons. Il ne fait donc aucun doute que les "réactions" d'un clavier ont toutes les chances d'influencer considérablement le jeu du musicien. D'ailleurs, si l'on écoute des disques des années 1960/70, des claviers comme l'orgue Hammond ou le Rhodes ont suscité des écritures et des phrasés bien spécifiques.


UN AUTRE TOUCHER POUR UNE AUTRE SENSIBILITÉ

Que penseraient Beethoven ou Mozart de nos claviers actuels ? Joueraient-ils sur un clavier à toucher ressort ?

Depuis l'époque du piano forte, les matériaux et la technologie ont évolué, alors pourquoi chercher un toucher de piano de référence immuable ? Les nouveaux styles de musique ne sont-ils pas nés de l'évolution des technologies ?

Malheureusement, la place accordée à la notion de toucher n'est pas assez développée dans l'enseignement musical. On voit dans la géométrie des touches un système à vaincre plutôt qu'un prolongement physique à comprendre, voire à détourner pour une meilleure efficacité. Pratiquement tous les pianistes, amateurs ou professionnels, ont été confrontés avec le toucher de leurs instruments quand ils se sont trouvés face à une difficulté pianistique insurmontable. Ce constat est d'autant plus vrai pour le pianiste débutant qui doit devenir, s'il ne veut pas abandonner ses études musicales, l'esclave de son instrument… pour mieux le dominer, par la suite.

Cette relation "esclave/dominateur" avec l'instrument est au cœur du résultat de la sensibilité musicale chez le musicien. Sa relation avec le toucher de son instrument en est pour partie responsable.

La majorité des pianistes oublie avec le temps cette notion, quand les difficultés techniques s'estompent. La relation "esclave/dominateur" avec l'instrument s'efface pour laisser place à une sorte de normalisation en donnant à celle-ci toute sa justification. C'est l'esprit de domination de "la machine" qui doit prévaloir. C'est à nous de nous adapter. Ceux qui n'y parviennent pas, abandonnent tôt ou tard… Et ils sont très nombreux !

Face à sa propre évolution, même quand celle-ci se veut porteuse de beauté, l'homme continue à construire des machines dont il sera toujours l'esclave.


LE TOUCHER AU PLURIEL…

Il faut toujours choisir un instrument avec un toucher mécanique qui vous correspond. Des pianistes aiment jouer sur des touches qui leur résistent, d'autres pas. Ce n'est pas forcément une question de goût, mais plutôt une question de capacité physique naturelle. Tous les pianistes n'ont pas des doigts forcément solides et ce ne sont pas des exercices pianistiques répétés qui résoudront le problème totalement... le naturel revenant au galop dès que la pratique s'arrête. L'ignorer serait une grave erreur. L'implication du toucher mécanique dans l'apprentissage technique de l'instrument est trop importante pour que l'enseignant l'ignore et l'installe en second plan dans sa pédagogie (sauf à n'avoir joué que sur son piano, ce qui peut expliquer certaines insuffisances chez certains d'entre eux).

Si le pianiste concertiste, personnage souvent soucieux de préserver sa compétence technique et son image, réclame souvent un piano de telle marque (voire avec un numéro de série précis) lors de ses prestations, la plupart des pianistes, ayant eu comme moi l'obligation de jouer sur différents claviers abonderont dans mon sens, à savoir : l'expérience de jouer sur différents types de clavier oblige à une remise en question de sa propre technique.

Aujourd'hui, les différents types de toucher (à ressort, lestés, lourds...) offrent la possibilité de trouver un toucher mécanique correspondant à chaque morphologie naturelle.


LA DURETÉ DU TOUCHER

Du système à ressort au double échappement des pianos à queue, cela va de 20 g jusqu'à 80/90 g pour les claviers les plus "durs".


LA DYNAMIQUE

Ce sont les synthétiseurs qui offrent la dynamique la plus importante, surtout avec l'utilisation des générateurs d'enveloppes issus des synthés de dernière génération. Ils sont tellement élaborés que programmer un son sur un synthétiseur d'aujourd'hui, en partant de "zéro", devient un véritable casse-tête. Ceux qui ont travaillé, jadis, sur la synthèse à "modulation de fréquence" me comprendront !


LA RÉACTION À L'ENFONCEMENT

Le toucher du piano est nettement supérieur, mais réclame une bonne technique pianistique si l'on souhaite utiliser toutes ses possibilités. À cause souvent de sa trop grande souplesse, le toucher à ressort offre des nuances de jeu plus difficiles à maîtriser, surtout quand le pianiste est débutant. Cela donne l'impression que les différents paliers de dynamique sont moins nombreux.

Le toucher mécanique lesté ou lourd présent sur certains claviers numériques est un bon compromis. En offrant une plus grande résistance à l'enfoncement de la touche, il permet un meilleur contrôle de la dynamique.


LA RÉACTION AU RELÂCHEMENT DE LA TOUCHE

Le clavier à ressort est le plus rapide. Sa mécanique est très simple. Elle est basée sur des contacts à lamelle disposés en étage qui servent à reproduire la dynamique sonore et d'un ressort placé sous la touche. Aucun autre système mécanique n'intervient.

Étant donné la souplesse du clavier à ressort et sa mécanique très directe, le pianiste jouant sur un synthétiseur doit avoir, avant tout, une technique très précise ; le simple effleurement sur la touche voisine risquant à tout moment de déclencher la sonorité de celle-ci.

Sur le piano, la mécanique est en revanche plus complexe. Les différentes pièces misent en action ralentissent le retour de la touche. C'est très visible sur les anciens piano équipés du système à baïonnette.



LE SYNTHÉTISEUR MIS À MAL


Aujourd'hui, nous avons la chance de pouvoir choisir entre différentes technologies : clavier à ressort, lourd ou à échappement. Chacune ayant leurs avantages, mais aussi leurs défauts. Comme les types de toucher se conjuguent au pluriel, choisir son clavier en se basant uniquement sur des comparaisons technologiques liées à celle d'un toucher standard type (celui du piano acoustique étant la référence) est à mon sens une erreur.

En fonction du choix musical auquel on se destine, le piano acoustique ne s'impose pas forcément. Si vous êtes attiré par la musique électronique, maîtriser correctement un piano acoustique ne vous servira pas à grand-chose. On ne construit pas un solo de synthé en ayant un piano entre les mains et inversement, c'est une question de toucher, mais également de sensibilité et d'environnement sonore dans lequel on se trouve.

Un guitariste qui joue très bien de la guitare classique peut devenir un piètre musicien quand il a entre ses mains une guitare électrique et inversement. Cette comparaison, facilement admise chez nos amis guitaristes, l'est beaucoup moins chez nous, les pianistes. La raison de cela est avant tout historique.

À son origine, dans les années 1950/60 les outils de recherche sonore était surtout proche du côté expérimental, ce qui n'était pas toujours bien compris (et accepté) de la majorité des musiciens. Le toucher des claviers - quand il y en avait - n'était pas au centre de leur préoccupation première, seul comptait le résultat sonore obtenu avec les machines. À l'inverse, la guitare électrique, grâce à l'arrivée de la musique rock, est devenue illico un instrument adulé par la jeune génération montante. Son intégration culturelle, sociale et éducative se fit tout naturellement.

Même si aujourd'hui le synthétiseur est devenu beaucoup plus populaire que dans les années 1950/60, il a perdu sa vocation première : celle de créer, d'inventer des sonorités. Avec la venue de l'échantillonnage, les repères se sont progressivement perdus et le synthétiseur d'aujourd'hui est devenu pour la plupart des gens un instrument de vulgarisation avant tout capable de supplanter les instruments acoustiques et en premier lieu, le piano.

Si de nombreux pianistes pensent encore que le synthétiseur est un instrument mineur par rapport au piano, ils ont tort. Celui qui s'est plongé pendant des mois, des années sur certains synthétiseurs de recherche sait que la maîtrise de ces instruments est souvent difficile. L'approche musicale et technique en est très différente. D'ailleurs, un véritable cours dans ce domaine implique pour l'élève la prise en compte de certaines connaissances concernant notamment l'acoustique et la synthèse (les ondes, les enveloppes, etc.), ainsi que le jeu spécifique lié à l'utilisation du clavier (manipulation des molettes, des effets lors d'un solo, par exemple).

Ce genre de cours est fort rare et la plupart des écoles de musique jouent sur la confusion des genres (pour celles qui désirent s'ouvrir à d'autres musiques que le classique), en remplaçant tout simplement le piano acoustique par le piano numérique… Et le tour est joué !

En réalité, faute de structure établie, le joueur de synthé apprend souvent tout seul le maniement de son instrument, le nez plongé dans la "doc", avec pour seul guide, encore et toujours son instinct !

Par ELIAN JOUGLA (Piano Web – 06/2004)


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