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MUSIQUE DE FILMS

ANTOINE DUHAMEL, UN COMPOSITEUR AUDACIEUX ET ANTICONFORMISTE

Des jeunes cinéastes, notamment américains, lui vouent un véritable culte. Antoine Duhamel reste la figure emblématique d'un cinéma de rupture, au ton nouveau, celui de la nouvelle vague. La musique de films est une activité qu'il abordera tardivement, à plus de 30 ans, en travaillant avec de jeunes et brillants metteurs en scène. Les musiques qu'il signera pour Jean-Luc Godard, François Truffaut, puis plus tard pour Bertand Tarvenier, feront de lui un compositeur recherché et estimé.


ANTOINE DUHAMEL, L'AVANT-GARDISTE DU CINÉMA 'NOUVELLE VAGUE'

Fils de l'écrivain Georges Duhamel et de l'actrice Blanche Albane, ce compositeur de formation "Schönbergienne" étudie la musique auprès d'Olivier Messiaen au Conservatoire national supérieur de musique de Paris avant de se perfectionner au contact du chef d'orchestre René Leibowitz. Restant un élève inconditionnel de ce dernier, il poursuit néanmoins des études de musicologie, mais aussi de psychologie à la Sorbonne.

Quand il aborde la musique de films, le jeune Duhamel se trouve rapidement dans un état d'isolement du fait qu'il ne se plie pas aux mêmes conditions de travail que les autres musiciens de films français. Dans les années 1957 à 1959, il débute dans la publicité avec l'aide de son ami Claude Royer, puis dans le dessin animé avant de se lancer véritablement à fond dans la musique de films au début des années 60.

© Roman Bonnefoy (wikipedia) - Antoine Duhamel à la Cinémathèque française (06/2008)

Antoine Duhamel, dès ses débuts, est marqué par une époque où la grande mode en matière de musique de films est d'utiliser des musiques préexistantes (ex : Vie privée de Louis Malle avec l'utilisation du requiem de Verdi). Cette observation coïncide aussi avec un cinéma d'auteur enclin à des remises en question, ce qui lui servira de réflexion supplémentaire à la question posée par le rôle joué par la musique à l'écran.

Quand Antoine Duhamel commence à travailler avec Jean-Luc Godard pour À bout de souffle avec Martial Solal au piano et Pierrot le fou, une liberté psychanalytique va s'installer entre le metteur en scène et le compositeur, dans le sens où Godard ne lui imposera aucune idée d'avance. En revanche, au moment du montage, c'est le réalisateur qui s'occupera toujours du minutage des séquences musicales. Par exemple, pour La traversée de la Loire, en raison même du peu de temps qui s'écoule entre l'enregistrement de la musique et de son application, Godard étale lui-même en petites séquences la musique du film dans l'ordre (composée alors d'un seul thème de 9 minutes) ; ce qui fait que la musique d'Antoine Duhamel se trouve éclatée, mais réelle dans sa continuité. Cette forme d'application se retrouve encore de nos jours dans certains films.

Pendant les années 1968 à 1970, Antoine Duhamel traverse une période difficile. En 1970, il vient de terminer son 4e film avec François Truffaut, Domicile conjugal, mais comme avec le film de Boisset Le condé, il se heurte aux producteurs et distributeurs, proposant une musique très profonde et avant-gardiste (il ne sortira de ce film, après censure, que les thèmes les plus suaves) ; mais pour le film M… comme Mathieu de Jean-François Aden, il réalise la musique en total accord avec les producteurs et le metteur en scène. Cependant, le film ne sortira pas.

Alors devant cette malchance, Antoine Duhamel écrit en désespoir de cause Ubu à l'opéra, un théâtre musical écrit en 1974. La même année, il réalise avec son vieil ami Philippe Coudrier, en proie à ce moment-là à des expériences nouvelles (en relation très amicale avec le saxophoniste de jazz avant-gardiste Anthony Braxton et François Méchali, contrebassiste du Cohelmec ensemble), un film en hommage au musicien de jazz Charles Mingus : Par amour du jazz.

Par la suite, dans le film Que la fête commence de Bertrand Tavernier, il transcrit les musiques du régent Philippe d'Orléans. Une autre occasion originale lui est proposée avec le film L'acrobate de Jean-Daniel Pollet où Antoine Duhamel écrit un tango qui doit servir à des scènes de danses. Mais alors qu'il aurait été plus pratique de composer la musique avant le tournage pour l'exécution des danses, la musique est construite après les prises de vue, d'où l'impression que les gestes des danseurs sont forcés et très caricaturaux. Fasciné depuis longtemps par la démarche de la musique de films avant tournage, l'expérience de ce film lui a prouvé que c'était très difficile, un scénario ne donnant pas un reflet assez complet ou suffisant de ce que serait un film à sa réalisation finale.


ANTOINE DUHAMEL : LE THÈME D'ANTOINE (Baisers volés - 1968)

ANTOINE DUHAMEL, UN COMPOSITEUR AMBITIEUX AUX GOÛTS ÉCLECTIQUES

Si Antoine Duhamel a l'occasion de travailler avec Jean-Luc Godard, François Truffaut ou Bertand Tavernier, on aurait tort de résumer son parcours à cette seule activité. Antoine Duhamel était non seulement un compositeur anticonformiste doté d'un éclectisme certain, mais surtout un compositeur soucieux d'être pris au sérieux en ne reculant pas face à la difficulté. Sa carrière en témoigne, car le compositeur écrira de nombreuses œuvres ambitieuses : ballet (Carmenmania), opéra (Gambara), musique de chambre (Méditerranée), musique religieuse (Leçons de ténèbres du Mercredi saint).

Assoiffé par une curiosité presque maladive, Antoine Duhamel aura à maintes reprises l'occasion de défendre son statut de compositeur en explorant toutes les formes du possible, usant des formations les plus atypiques et inattendues, du violon seul jusqu'à l’orchestre symphonique et ce, jusqu'à son dernier souffle survenu en 2014. Citons, à titre d'exemple : Symphonie Death watch pour voix, guitare, orchestre à cordes, piano et timbales ; Hommage à Mingus pour cinq saxophones ; Divertissement à la bulgare pour clarinette et marimba. ; ou encore 24 Images de mon cinéma pour voix et sept instruments.

Quatre distinctions émailleront sa longue carrière : une nomination au 'César de la meilleure musique écrite pour un film' (Que la fête commence de Bertrand Tavernier - 1976), une 'Étoile d'or du compositeur de musique originale de films' et un 'Ours d'argent' au Festival du Film de Berlin (Laissez-passer de Bertrand Tavernier - 2003) et le 'Prix Henri-Langlois d'honneur' comme compositeur en 2008.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 10/2018)


FILMOGRAPHIE ANTOINE DUHAMEL

2007 - L'Affaire Ben Barka de Jean-Pierre Sinapi
2006 - Jour après jour
2006 - Monsieur Max de Gabriel Aghion (TV)
2004 - L'Envoûtement de Shanghaï, de Fernando Trueba
2001 - Laissez-passer, de Bertrand Tavernier
2000 - Ceux d'en face, de Jean-Daniel Pollet
2000 - L'Affaire Marcorelle, de Serge Le Péron
1998 - Le Plus beau pays du monde, de Marcel Bluwal
1998 - La Fille de tes rêves, de Fernando Trueba
1997 - La Buena Vida, de David Trueba
1995 - Ridicule, de Patrice Leconte
1995 - Dieu sait quoi, de Jean-Daniel Pollet
1993 - Belle Epoque, de Fernando Trueba
1991 - L'Affût, de Yannick Bellon
1990 - Daddy Nostalgie, de Bertrand Tavernier
1990 - Le Rêve du singe fou, de Fernando Trueba
1980 - La Mort en direct, de Bertrand Tavernier
1980 - Le Rose et le blanc, de Robert Pansard-Bresson
1979 - Retour à la bien-aimee, de Jean-François Adam
1979 - Le Mors aux dents, de Laurent Heynemann
1979 - Mais où est donc Ornicar ?, de Bertrand van Effenterre
1978 - La Tortue sur le dos, de Luc Béraud
1978 - Mais ou et donc Ornicar, de Bertrand van Effenterre
1976 - La Question, de Laurent Heynemann
1976 - L'Acrobate, de Jean-Daniel Pollet
1974 - Que la fête commence, de Bertrand Tavernier
1974 - Si j'te cherche j'me trouve, de Roger Diamantis
1974 - Un condé, de Yves Boisset
1970 - Domicile conjugal, de François Truffaut
1970 - M comme Mathieu, de Jean-François Adam
1969 - La Sirène du Mississippi, de François Truffaut
1968 - Baisers volés, de François Truffaut
1968 - L'Échelle blanche, de Robert Freeman
1967 - Week-End, de Jean-Luc Godard
1967 - Le Marin de Gibraltar, de Tony Richardson
1966 - Made in USA, de Jean-Luc Godard
1966 - La Longue Marche, de Alexandre Astruc
1966 - La Voleuse, de Jean Chapot
1965 - Pierrot le Fou, de Jean-Luc Godard
1963 - Méditerranée, de Jean-Daniel Pollet
1963 - Léaud de hurle-dents, de Jacques Richard


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