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MUSIQUE DE FILMS

GEORGES DELERUE, BIOGRAPHIE/PORTRAIT DU COMPOSITEUR NOUVELLE VAGUE

« Georges Delerue est un homme très intéressant parce qu’il est le plus cinéphile des musiciens ; il est l’un des seuls à comprendre parfaitement bien ce qu’on a voulu faire dans le film Tirez sur le pianiste… Il a écrit une musique que je trouve épatante. » (Cinéma 64). C’est dans ses termes que s’exprimera François Truffaut, l’ami fidèle et éternellement reconnaissant.


UNE ATTIRANCE PARTICULIÈRE POUR LE 7e ART

Georges Delerue fait partie des compositeurs qui ont écrit pour le cinéma de la nouvelle vague, période située de la fin des années 50 au milieu des années 60 (Le mépris de Jean-Luc Godard - 1964). Comme de nombreux compositeurs travaillant pour le cinéma, Georges Delerue a d’abord été profondément attiré par cet art. Le jeune musicien se dirige très tôt vers un enseignement académique, celui du Conservatoire de Paris. Il sera notamment formé par un précurseur de la musique de films, Darius Milhaud.

Durant ses études au conservatoire, Delerue ambitionne d'écrire de la musique de films, mais malheureusement pour lui, à cette époque, dans les classes de composition, de contrepoint, on ne parle pas de la technique concernant la musique de cinéma (aujourd'hui encore rarement !). Sa formation pour le 7e art sera celle d’un autodidacte. Ainsi s'est-il trouvé catapulté, si j'ose dire, dans le milieu cinématographique après avoir travaillé un peu dans le théâtre avec Villard tout au début, et ensuite avec Ermantier et Ferraud (festival d'Avignon "Danton" - 1948), ce qui lui permet une approche plus directe avec la musique de scène.

La première musique que Georges Delerue réalise pour le cinéma est un court-métrage, un documentaire basé sur les problèmes du plan "Marshall". Les minutages qu'on lui impose lui créent quelques problèmes et l'amène à rencontrer un organiste de la Gaumont. Georges Delerue a donc les conseils d'un homme de métier, qui n'est pas, lui, du conservatoire. On remarque ainsi qu'un chef d'orchestre qui sort d'une haute école de musique est capable de diriger un opéra ou un ballet, mais en face d'une musique de films, avec des points bien précis, un chronomètre à la main gauche et une image devant soi, Georges Delerue en est incapable car il ne pratique pas les "trucs" qu'exige ce métier.

Ah ces fameux "trucs" !… c'est en premier lieu, le problème du minutage ; ainsi s'aperçoit-on que la plupart des compositeurs de musique de films marquent un repos musical juste avant les changements de plan, de façon à pouvoir arriver pile sur le synchronisme ; un autre "truc", pour les films publicitaires où le rythme est bien établi (le synchronisme doit-être de l'ordre de la demi-seconde), à ce moment-là vous faites sur la pellicule des croix toutes les 24 images, c'est-à-dire toutes les secondes et vous battez votre musique en fonction… vous avez une musique écrite à 60 la noire et vous articulez les différentes valeurs des notes à la suite de ça. Bien sûr en dehors de ces "trucs" interviennent aussi les problèmes psychologiques de contact avec les intéressés, tout cela étant une question d'instinct.


GEORGES DELERUE ET SES MUSIQUES

Dans les années 50, le compositeur va entrer par la petite porte, modestement, en composant de nombreuses musiques de court métrage, notamment dans le domaine du documentaire (Pyramides, Carnac, Invalides, Châteaux de la Loire…) À cette époque, il écrit aussi quelques belles musiques de ballet et de scène comme Renaud et Armide, d’après Cocteau et Our World, dont la partition lui vaudra à New York, un 'Emmy Award' (1967).

Compositeur privilégié du cinéma Nouvelle Vague, Georges Delerue va avoir l’occasion de travailler avec quelques pointures : Godard, Resnais, Truffaut, Agnès Varda, Georges Lautner et Robbe-Grillet. Le musicien, qui a un sens de la mélodie très développé, est le digne continuateur de l’œuvre laissée par Maurice Jaubert. Tout en conservant son identité musicale première, il devient l’un des rares musiciens à être sollicité par le cinéma Hollywoodien, au point de s'installer dans la capitale du cinéma américain dans les dernières années de sa vie, s’éloignant à tout jamais d’un cinéma français qui avait fini par le décevoir.

Aux États-Unis, des metteurs en scène comme Mike Nichols, John Huston font appels à ses services. Avec Fred Zinnemann, il réalise la musique du film Julia et avec Andrzej Zulawski, L'important, c'est d'aimer, la partition qu'il préfère.

Capable d'aborder des sujets fort différents, dans le film Le conformiste de Bertolucci, il compose une musique profondément psychologique où l'image ne se suffit pas à elle seule. Georges Delerue n'a jamais recherché une musique empreinte directement de mélodie, mais plutôt un climat très dramatique, un peu comme Pierre Jansen pour les films de Claude Chabrol. On note cependant quelques exceptions comme dans L'homme de Rio réalisé par Philippe de Broca où il concède une musique basée sur des mélodies Sud-Américaines.


GEORGES DELERUE - THÈME DE CAMILLE (du film 'Le mépris')

LE STYLE GEORGES DELERUE

Georges Delerue se sert énormément des cordes. On y trouve un certain équilibre, que ce soit dans le simple quatuor à cordes très souvent utilisé par lui ou l'orchestre à cordes, vraiment riche avec toutes ses possibilités. Quelquefois, une simple ligne mélodique pour un instrument solo donne une dimension beaucoup plus grande à l'image : Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier avec l'utilisation de la flûte et de la harpe en instrument soliste.

Georges Delerue est un musicien qui peut se vanter d'avoir assumé n'importe quelle musique de films, du jazz en passant par la musique de la renaissance ; en fait c'est un exercice de style extraordinaire, encore faut-il savoir l'exprimer, car le compositeur doit tout couvrir depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque la plus futuriste. En 1967, Georges Delerue décrira sa profession en ces termes : « Nous sommes, nous, les musiciens de musique de films, dans un ghetto, nous sommes rejetés par les hautes instances de la musique dite classique. Nous sommes considérés comme des baladins, comme des musiciens à fric… donc nous allons à la facilité. Je pense que nous avons la chance de travailler plus que certains compositeurs et je ne vais pas m'en plaindre. Nous sommes obligés de faire ce métier très honnêtement et pour moi, la musique de films est actuellement ce qu'était la musique de l'opéra comique au siècle dernier. »

Georges Delerue a écrit une œuvre considérable, alternant entre commandes « alimentaires » et projets d’envergures. Disparu en 1992, le compositeur aura été à la croisée des chemins en vivant la lente désagrégation de sa profession pour des raisons essentiellement économiques.


GEORGES DELERUE - FILMOGRAPHIE

  • 1952 - Le Chapeau de Paille de l'Italie de René Clair
  • 1952 - Les Deux Timides de René Clair
  • 1952 - Casanova d'Alexandre Volkoff
  • 1957 - The Witches of Salem
  • 1957 - Le corbusier de Pierre Kast
  • 1959 - Hiroshima mon amour d'Alain Resnais
  • 1959 - Le Bel Âge de Pierre Kast
  • 1959 - Hiroshima mon amour d'Alain Resnais
  • 1960 - Classe tous Risques de Claude Sautet
  • 1960 - Tirez sur le pianiste de François Truffaut
  • 1960 - La Française et l'amour de Michel Boisrond
  • 1961 - Jules et Jim de François Truffaut
  • 1961 - Le Crime ne paie pas de Gérard Oury
  • 1961 - L' Affaire Nina B de Robert Siodmak
  • 1962 - Cartouche de Philippe de Broca
  • 1962 - L'Amour a vingt ans de Shintaro Ishihara
  • 1962 - Antoine et Colette de François Truffaut
  • 1963 - L’homme de Rio de Philippe de Broca
  • 1963 - The Joker
  • 1963 - Le Mépris de Jean-Luc Godard
  • 1963 - Chair de poule de Julien Duvivier
  • 1963 - L'Abominable homme des douanes de Marc Allégret
  • 1963 - L'Ainé des Ferchaux de Jean-Pierre Melville
  • 1963 - L'Autre femme de Francois Villiers
  • 1963 - Du grabuge chez les veuves de Jacques Poitrenaud
  • 1963 - Du rififi à Tokyo de Jacques Deray
  • 1963 - Vacances portugaises de Pierre Kast
  • 1963 - Cent mille dollars au soleil de Henri Verneuil
  • 1964 - Le corniaud de Gérard Oury
  • 1964 - Des Pissenlits par la racine de Georges Lautner
  • 1964 - La Peau douce de François Truffaut
  • 1964 - Mata-Hari, agent H de Jean-Louis Richard
  • 1964 - L'Insoumis d'Alain Cavalier
  • 1964 - Un monsieur de compagnie de Philippe de Broca
  • 1964 - L'Âge ingrat de Gilles Grangier
  • 1965 - Viva Maria de Louis Malle
  • 1965 - Les Tribulations d'un Chinois en Chine de Philippe de Broca
  • 1966 - Un homme pour l'éternité de Fred Zinnemann
  • 1966 - Le Vieil homme et l'enfant de Claude Berri
  • 1966 - Le Roi de cœur de Philippe de Broca
  • 1967 - Oscar d'Edouard Molinaro
  • 1967 - Jeudi on chantera comme dimanche de Luc de Heusch
  • 1967 - Anne of the Thousand Days de Charles Jarrott
  • 1968 - Les Cracks d'Alex Joffé
  • 1968 - The Two of Us
  • 1968 - Le Cerveau de Gérard Oury
  • 1968 - Le Diable par la queue de Philippe de Broca
  • 1969 - Heureux qui comme Ulysse de Henri Colpi
  • 1969 - Jacquou le croquant de Stellio Lorenzi (T.V.)
  • 1969 - Love de Ken Russell
  • 1969 - Hibernatus d'Édouard Molinaro
  • 1969 - Les Caprices de Marie de Philippe de Broca
  • 1969 - Anne of the Thousand Days de Charles Jarrott
  • 1970 - Le Conformiste de Bernardo Bertolucci
  • 1971 - Les Deux Anglaises et le Continent de François Truffaut
  • 1971 - Les Cavaliers de John Frankenheimer
  • 1972 - Une belle fille comme moi de François Truffaut
  • 1972 - Malpertuis de Harry Kumel
  • 1972 - Les rois maudits de Claude Barma (T.V.)
  • 1973 - Calmos de Bertand Blier
  • 1973 - La Nuit américaine de François Truffaut
  • 1974 - La Gifle de Claude Pinoteau
  • 1974 - L'Important c'est d'aimer d'Andrzej Zulawski
  • 1974 - Chacal de Fred Zinnemann
  • 1975 - Jamais plus toujours de Yannick Bellon
  • 1975 - L'Incorrigible de Philippe de Broca
  • 1976 - Police Python 357 d'Alain Corneau
  • 1976 - Calmos de Bertrand Blier
  • 1976 - Comme un boomerang de José Giovanni
  • 1977 - Julia de Fred Zinnemann
  • 1977 - Tendre poulet de Philippe de Broca
  • 1977 - Va voir maman, papa travaille de François Leterrier
  • 1977 - Julie pot de colle de Philippe de Broca
  • 1977 - Le Point de mire de Jean-Claude Tramont
  • 1978 - L’amour en fuite de François Truffaut
  • 1978 - Tendre poulet de Philippe de Broca
  • 1978 - Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier
  • 1979 - Le cavaleur de Philippe de Broca
  • 1979 - Le Mouton noir de Jean-Pierre Moscardo
  • 1979 - Love on the Run
  • 1980 - Le dernier métro de François Truffaut
  • 1981 - La passante du sans-souci de Jacques Rouffio
  • 1981 - Documenteur d'Agnès Varda
  • 1981 - Garde à vue de Claude Miller
  • 1981 - Riches et célèbres de George Cukor
  • 1981 - Sanglantes confessions de Ulu Grosbard
  • 1981 - La Femme d'à côté de François Truffaut
  • 1981 - La Passante du Sans-Souci de Jacques Rouffio
  • 1981 - I love you, je t'aime de George Roy Hill
  • 1981 - La Vie continue de Moshé Mizrahi
  • 1982 - Josepha
  • 1982 - A little Sex de Bruce Paltrow
  • 1982 - Guy de Maupassant de Michel Drach
  • 1982 - Partners de James Burrows
  • 1983 - Le Retour de l'étalon noir de Robert Dalva
  • 1983 - Liberty Belle de Pascal Kané
  • 1983 - L'Été meurtrier de Jean Becker
  • 1983 - L'Africain de Philippe de Broca
  • 1983 - Vivement dimanche ! de François Truffaut
  • 1983 - Le Bon Plaisir de Francis Girod
  • 1983 - Le Mystère Silkwood de Mike Nichols
  • 1983 - Un homme, une femme et un enfant de Dick Richards
  • 1984 - Les Morfalous de Henri Verneuil
  • 1984 - Femmes de personne de Christopher Frank
  • 1985 - Maxie de Paul Aaron
  • 1985 - Conseil de famille de Costa-Gavras
  • 1985 - Agnès de Dieu de Norman Jewison
  • 1985 - Salvador d'Oliver Stone
  • 1986 - Platoon d'Oliver Stone
  • 1986 - Un homme amoureux de Diane Kurys
  • 1986 - Crimes du cœur de Bruce Beresford
  • 1986 - Descente aux enfers de Francis Girod
  • 1987 - Chouans ! de Philippe de Broca
  • 1987 - The Lonely Passion of Judith Hearne de Jack Clayton
  • 1988 - Le Complot d'Agnieszka Holland
  • 1988 - Une femme en péril de Peter Yates
  • 1988 - Biloxi Blues de Mike Nichols
  • 1988 - Jumeaux d'Ivan Reitman
  • 1988 - Au fil de la vie de Garry Marshall
  • 1989 - Son alibi de Bruce Beresford
  • 1989 - Casanova d'Alexandre Volkoff10
  • 1989 - La Révolution française de Robert Enrico et Richard T. Heffron
  • 1989 - Potins de femmes d'Herbert Ross
  • 1990 - Joe contre le volcan de John Patrick Shanley
  • 1990 - Mister Johnson de Bruce Beresford
  • 1991 - La Reine blanche de Jean-Loup Hubert
  • 1991 - La P'tite arnaqueuse de John Hughes
  • 1991 - Black Robe de Bruce Beresford
  • 1992 - Man Trouble de Bob Rafelson
  • 1992 - Céline de Jean-Claude Brisseau
  • 1992 - Diên Biên Phu de Pierre Schoendoerffer
  • 1992 - L'Amour en trop de Bruce Beresford

GEORGES DELERUE : CENT MILLE DOLLARS AU SOLEIL (suite)

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