HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



HISTOIRE DU PIANO ACOUSTIQUE

Le piano est un symbole dans l’histoire des instruments en ayant enrichi le langage musical des deux derniers siècles. L'instrument a joué un rôle important dans la musique occidentale, tant au point de vue de la mélodie que de l’harmonie. La virtuosité, la composition, l’improvisation ont pu se développer, se diversifier aux quatre coins de la planète. Comme l'orgue ou le clavecin, il a permis à ses nombreux utilisateurs de se produire seul, en toute indépendance.


LA CITHARE POUR ORIGINE

Le piano est un instrument imposant et élaboré. Sa mécanique, constituée de petits marteaux, vient frapper des cordes métalliques afin de les faire vibrer. Ce mécanisme, connu de tous ceux qui ont utilisé un jour l'instrument, trouve ses origines dans les premières formes de la cithare. Sur cet instrument antique, les cordes étaient tendues sur un cadre en bois, le marteau du piano étant remplacé par les doigts de l’instrumentiste. Par la suite, une caisse de résonance et des barrettes amovibles furent ajoutées pour faire varier la hauteur du son. Aujourd’hui, les instruments dont la forme se rapproche le plus de la cithare antique sont le koto au Japon et le cymbalum en Hongrie.

En Europe, le psaltérion, proche cousin de la cithare, a été importé du Moyen-Orient au 11e siècle. De cet instrument naîtra le tympanon qui est le premier instrument de musique à cordes métalliques frappées par de petits marteaux. Cependant, il faudra attendre la fin du 17e siècle et les innovations apportées par le musicien Pantaleon Hebenstreit pour que le tympanon soit en mesure de faire varier le volume sonore.


ORIGINE DU CLAVIER

Parallèlement à ce développement technologique, un des ancêtres de l’orgue, l’organistrum, lui-même ancêtre de la chifonie (ou vielle à roue) fut certainement le premier instrument à cordes et à clavier (11e siècle). L'organistrum reprend le principe de la vielle à roue : au moyen d'une manivelle, une main actionne une roue qui frotte les cordes afin de produire un son continu, tandis que l'autre main actionne des leviers (ou clés) qui viennent s’appuyer sur les cordes en différents points de leur longueur pour changer la hauteur du son. Cependant, cette première version de l’orgue ne prendra véritablement sa forme définitive qu’au Moyen Âge.

Au début, des curseurs permettant de faire résonner les tuyaux étaient actionnés au moyen de leviers identiques. Au 13e siècle, ce système mécanique s'est transformé en un clavier constitué de touches pivotantes, véritable ancêtre du clavier que nous connaissons aujourd’hui. Deux siècles plus tard, des instruments à clavier monocordes et à plusieurs cordes voyaient le jour.

Constitué au départ de seulement quelques touches, le clavier s’étoffera en passant progressivement de deux octaves à quatre octaves et demie pour finalement dessiner le futur clavier du clavicorde et du clavecin. Plus tard, avec l’avènement du pianoforte, ce n’est plus quatre octaves et demie que le musicien aura sous ses doigts, mais un clavier doté de six octaves (fin du 18e siècle).


LES CLAVIERS À CORDES PINCÉES

Parallèlement à l’évolution du clavicorde, la famille des instruments à clavier et à cordes pincées va s’étendre. Ainsi vont naître le clavecin, le virginal et l’épinette. Ces trois instruments, qui diffèrent par leur forme, leur dimension, et par la disposition des cordes, provoquent l’élévation d’une pièce de bois (le sautereau) munie d’un plectre qui griffe la corde correspondante. Ensuite, lorsque le sautereau redescend, les vibrations sont stoppées par un étouffoir.

Si la technique est au point, le principal inconvénient de ces trois instruments provenait de leur manque de puissance sonore. Inadaptés au plein air ou à des grandes salles, les facteurs d'instruments devaient trouver le moyen de contourner cette insuffisance. L’adjonction d’un jeu de cordes supplémentaire résolue en partie le problème. C'est ainsi que certains clavecins furent dotés d’un jeu accordé à l’octave supérieure. Mais contrairement au tympanon et au clavicorde, le clavecin, malgré sa modernité, ne permettait pas de faire varier la dynamique de façon notable. L’arrivée du pianoforte avec sa mécanique basée sur les cordes frappées va apporter la réponse…


LE PIANOFORTE

À la fin du 17e siècle, l’orgue, le clavecin, l’épinette et le clavicorde représentaient la famille des instruments à clavier. Comparativement aux instruments à archet, aucun d'eux ne permettait de produire des nuances aussi expressives et subtiles. Bartolomeo Cristofori, facteur de clavecins et conservateur d’instruments à la cour de Florence, va être l’artisan du premier modèle de pianoforte. S’il n’a pas construit un grand nombre d’instruments, en revanche il a résolu les problèmes techniques liés à la frappe des cordes par des marteaux. Le ‘gravicembalo col piano e force’, que l'on peut traduire par ‘clavecin jouant doucement et fort', deviendra le forte-piano, pour finalement s’appeler pianoforte.

Au départ son invention ne rencontre pas de succès, toutefois Cristofori va continuer à perfectionner son instrument en rajoutant notamment le mécanisme ‘una corda’ qui est celui de la pédale gauche des pianos actuels (mais actionné à la main grâce à une tirette sur le pianoforte). Lors de ses recherches, le facteur va remarquer que les cordes plus épaisses et plus tendues pouvaient être plus sonores. Pour mettre en pratique cette observation, il fallait donc renforcer la structure de l’instrument et modifier la fixation des chevilles sur le sommier en bois qui les supportait. Ce qu’il fit. Cependant, le véritable bond en avant proviendra de l’invention du mécanisme de l’échappement, dont le principe est le suivant : le simple abaissement de la touche entraîne deux mouvements distincts du marteau, un mouvement vers le haut pour frapper la corde suivi d’un mouvement descendant, de telle sorte que la corde puisse vibrer. L’astuce était d’obtenir que le marteau ‘s’échappe’ du reste du mécanisme pour pouvoir rebondir sur la corde et retomber à cause de la pesanteur… même, et surtout si la touche reste enfoncée.

Si le timbre du pianoforte est bien éloigné du piano moderne, il offre pour l’époque quelques avantages dont celui d’être plus puissant que le clavicorde, tout en ayant un toucher très léger à cause de la petite taille de ses marteaux.


LE PIANO, AILLEURS EN EUROPE

En Allemagne, le facteur d’instruments Gottfried Silbermann va s’inspirer des travaux conduits par Cristofori pour mettre au point sa propre version du mécanisme : le prellmechanik. Silbermann propose alors son invention au grand compositeur de l’époque, un certain Johann Sebastien Bach. Le compositeur trouve l’instrument intéressant, mais critique la lourdeur de la mécanique et la faiblesse des aigus. Malgré tout, Silbermann ne désespère pas, et c’est auprès du roi Frédéric le Grand, grand mélomane et compositeur à ses heures, que le facteur trouve enfin le succès.

Le pianoforte est au fondement des styles pianistiques exploités par Mozart, Haydn et Beethoven. Grâce aux nombreuses musiques écrites pour cet instrument, le pianoforte va s’implanter au point de tenir un rôle prédominant dans le domaine de la composition et de l’improvisation jusqu'à la fin du 18e siècle. Le piano dit 'moderne' ne fera que confirmer et amplifier cette position dominatrice avec l’avènement du jazz au début du 20e siècle.

Le pianoforte subira de multiples modifications au fil du temps, dont celle du mécanisme d’échappement. En Angleterre, les facteurs Americus Backers et Johannes Zumpe vont n’avoir de cesse de perfectionner le travail conduit par Cristofori. Zumpe, le premier, concevra un pianoforte carré à mécanique simplifiée. C’est-à-dire sans échappement. Plus facile à fabriquer et moins cher, le pianoforte se démocratise et pénètre au cœur de la classe moyenne.

Un autre facteur d’instruments, John Broadwood, mettra au point un système d’étouffoir disposé sous les cordes et non au-dessus. Ce système est encore présent sur les pianos actuels. De même, il inventera un système de soutien des sons actionné au moyen d’une pédale (ancêtre de la pédale forte). Or, malgré toutes ces innovations, le gros problème demeure la puissance sonore. L’augmentation de la longueur et de la tension des cordes devient alors inévitable…

Broadwood réalise ainsi un support constitué de barres métalliques fixées au-dessus de la table d’harmonie (1821). Cet imposant piano carré sera ensuite remplacé par le piano droit, plus adapté à l’utilisation domestique.


LA FACTURE DU PIANO DE VIENNE À LONDRES

Vienne, la capitale de l’Autriche, est, au début du 19e siècle, le berceau de la musique. La facture du pianoforte y a sa place, tout comme à Londres. Néanmoins, les points de vue concernant l’utilisation de la mécanique divergent. Ainsi, la sonorité des pianofortes viennois est plus douce que leur homologue londonien. Cette différence n’est pas anodine, car elle va influencer notablement les grands compositeurs de l’époque, comme Beethoven et Mozart. Sur les modèles viennois, la structure du meuble est légère et les cordes doublées, tandis que sur les modèles anglais, la mécanique est plus lourde avec des marteaux montés sur un support séparé et les cordes triplées.

© LPLT - Pianoforte C. Arnoldi, Musée national des instruments de musique de Rome

Au fil du temps, de nombreux pianistes vont délaisser le pianoforte viennois pour choisir le modèle anglais, plus conforme à leur exigence... En quelques années, la facture du pianoforte prend son essor et s’oriente vers une production en grande quantité.

À Londres, le facteur d'instruments John Broadwood souhaite aller plus loin dans le développement technique de l'instrument. Entouré de savants, il décide de déplacer le point de frappe des cordes afin d’améliorer la qualité du timbre et de diviser le chevalet en deux parties distinctes. Ces quelques modifications vont permettre d’ajouter une demi-octave supplémentaire dans les graves et dans les aigus de l'instrument.


VERS UN PIANO ROMANTIQUE

Tandis que la Révolution éclate au cœur de Paris, le plus célèbre des facteurs français, Sébastien Erard, quitte la capitale pour s’installer en Angleterre. Constatant le déclin du piano carré, Erard concentre ses efforts sur le piano à queue. Grâce à lui, va naître l’échappement double, un mécanisme permettant de rejouer une note sans être obligé de relâcher complètement la touche. Grâce à cet ingénieux système, la répétition des notes devient plus rapide, ce qui va entraîner immanquablement une véritable révolution dans l'attitude des pianistes et des compositeurs. La littérature musicale va en être bouleversée.

Pianistiquement, le 19e siècle est marqué par le mouvement romantique qui privilégie la force des sentiments. Les œuvres et la façon de les interpréter sont bouleversées. Le public adhère à cette manière de transposer musicalement l’émotion. L’interprète s’intériorise et s’extériorise, passant d'un état à un autre, jouant le drame musical à la note près, quitte à casser quelques cordes au passage.

À cette époque, la qualité des cordes et leur fabrication n’égalaient pas celles d’aujourd’hui. Pour pouvoir obtenir les mêmes hauteurs de sons avec des cordes plus épaisses, une tension plus forte était nécessaire. Pour résoudre le problème, il fallait fabriquer un cadre plus résistant en disposant des arcs-boutants métalliques entre le sommier et le contre-sommier pour étayer la fosse à marteaux. Mais comme cela ne suffisait pas, Broadwood et Erard posèrent des barres de fer au-dessus de la table d’harmonie, parallèlement aux cordes et reliant la barre d’accroche au sommier. Certes, si la tension des cordes était devenue plus importante, elle avait entraîné également une mécanique plus imposante avec des marteaux plus lourds.

Comme par le passé, ces perfectionnements techniques eurent des conséquences sur le plan musical. La dynamique, l’étendue du clavier, l’apparition de la pédale forte, tous ces changements permirent à des compositeurs et pianistes virtuoses de s’exprimer pleinement. Sans cela, point de Chopin ou de Liszt aux gammes acrobatiques dans l’histoire de la musique !

C’est durant cette période que s’est constituée la première grande école européenne de piano sous l’impulsion de la pianiste concertiste Clara Schumann. Suivant de près ses conseils, les élèves improvisaient sur les pièces qu’ils étudiaient pour en comprendre tous leurs raffinements. Cette approche pédagogique fera école et continue de nos jours à être utilisée par certains professeurs.

Ainsi, grâce aux talents de ces nombreux interprètes virtuoses, le piano est devenu l’élément central des soirées romantiques. Toute une palette de plans sonores naissait, au point qu’un grand nombre de personnes ont vu, et voient encore dans le piano dit ‘romantique’, la quintessence même de l’instrument.


LE PIANO DROIT

Le piano droit est apparu vers 1800 après la disparition des pianos à queue verticaux, dits 'pianos girafes'. Le piano droit devait être peu encombrant, plus économique qu’un piano à queue, tout en préservant autant que possible les principales qualités de son grand frère. Prenant place dans les intérieurs peu spacieux, grâce à l'inventivité des facteurs, des modèles se sont déclinés en différentes formes plus ou moins évocatrices : piano buffet, piano commode…

À l’origine, plusieurs facteurs avaient songé à disposer la caisse du piano à même le sol, plutôt que de la monter sur des pieds. C’est à Thomas Loud que l’on doit la présence des cordes croisées dans les pianos droits. Cette mise en place offre l’avantage d’avoir des cordes plus longues tout en réduisant la hauteur de l’instrument. En 1842, en utilisant une simple bande de feutre, Robert Wornum met au point un système qui évite que le marteau vienne frapper une deuxième fois les cordes (ce système, sera amélioré plus tard en France par Pleyel). Et c'est en associant la disposition diagonale des cordes à la mécanique anglaise à double action que Wornum fera du piano droit l’instrument que nous connaissons aujourd'hui.


LE PIANO À QUEUE

Dans les années 1850, la famille Steinway invente le piano carré à cordes croisées et met au point un modèle de cadre métallique d'un seul tenant, capable de supporter une tension de cordes bien plus grande. Cette importante avancée technologique permet d’obtenir des sons bien plus amples et plus riches que par le passé. Les Steinway décident alors de se lancer dans la production à grande échelle. Les recherches que conduit Theodor Steinway depuis déjà quelque temps avec le physicien et acousticien Hermann Helmholtz en Allemagne seront reprises par les facteurs du monde entier. Un pas décisif pour l’avenir du piano à queue a été franchi. La firme Steinway devient alors la plus réputée du monde, grâce à ses compétences, mais aussi grâce aux concertistes de renommée internationale qui donnent le plus souvent leur accord pour ne pas jouer sur d’autres pianos.

À la fin du 19e siècle, la firme Steinway n’est pas la seule grande firme. Face à elle, Broadway & Sons, Bösendorfer et Berstein sont des concurrents sérieux. Ainsi, Bösendorfer fournissait des pianos pour la cour impériale de Vienne. La marque avait même fabriqué un modèle de piano avec neuf demi-tons supplémentaires dans le grave. Quant à la firme de Julius Blüthner, elle a inventé le système ‘aliquot’, qui consiste à ajouter à chaque note du registre supérieur une corde supplémentaire qui n’est pas frappée, mais qui vibre par sympathie, permettant ainsi d’obtenir des harmoniques supplémentaires.


LE PIANO AUJOURD’HUI

Avec l'arrivée des instruments électrifiés dans les années 50/60, les pianos acoustiques durent s'adapter aux tendances. Les pianos américains comme Baldwin seront les premiers à satisfaire les exigences sonores de l'époque, comme l’éclaircissement du timbre (brillance). L’industrie du disque et le comportement du public, influencé par les enregistrements qu’il écoute, feront pencher la balance. Les premiers pianos japonais Yamaha et Kawai suivront le même chemin.

Mais de nos jours, cette tendance semble révolue, d’autant plus que les pianos haut de gamme peuvent être réglés en fonction des préférences musicales de chacun. Avec le recul, une certaine nostalgie sonore pointe pourtant le bout de son nez. D’anciens modèles et des marques aujourd’hui disparus sont recherchés pour leur timbre particulier : le modèle D de Steinway ou les pianos Blüthner, Gaveau et Rameau pour leur cohésion sonore propre à satisfaire l'amateur du répertoire classique.

Heureusement pour les constructeurs, il existe des modèles de piano contemporain qui ont la cote. Par exemple, les pianos Steinway, Bösendorfer ou Yamaha ont souvent pour vitrine médiatique la télévision et les scènes internationales. Pour eux, c’est un énorme avantage, car pour être à la hauteur de ces trois marques que le public connait bien, les autres constructeurs bataillent à coup d’innovation ou de design pour s’en sortir économiquement. Exemple avec le modèle Pleyel Lirico. Les pianos droits sont également concernés. Ici aussi, les trois grandes marques se disputent le haut du pavé. Bösendorfer en tête avec son modèle 130 qui est encore aujourd'hui une référence.

Par PATRICK MARTIAL

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