HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



L'ÉCRITURE MUSICALE CLASSIQUE, HISTOIRE ET ÉVOLUTION

À son origine, si la musique classique est d’abord pratiqué collectivement en étant issue en grande partie des institutions religieuses, c’est l’apparition de la notation musicale vers la fin du premier millénaire qui va être décisive dans son évolution. L’expression écrite va permettre à de nombreux compositeurs d’asseoir leur influence et de traduire la musique en création individuelle. Dès lors, la notation musicale va n’avoir de cesse de remettre en cause les structures établies et de bousculer les idées enracinées ; de proposer des représentations avec des orchestres toujours plus importants, et de présenter des œuvres ambitieuses au seul service de la créativité.


LA NOTATION MUSICALE

À partir de la fin du premier millénaire, l’improvisation musicale encore très présente va progressivement être rejeté par l’apparition des premières écritures musicales, synonyme de connaissances, de cultures et sous-entendant une forme maîtrisée du langage musical. L’écriture va engendrer des façons de penser, de diriger et de conduire la musique susceptible d’être de bon goût. Son expansion provoquera une rupture momentanée avec les airs de cours et les musiques traditionnelles, du moins officiellement, car beaucoup de grands compositeurs continueront de les utiliser en « sous-main ».

L'écriture musicale va permettre également à des œuvres de devenir plus conséquentes. Grâce à elle, les problèmes liés à la mémorisation sont repoussés. D’autre part, la notation musicale étant un bon moyen pour organiser et planifier toute forme de créativité, elle poussera nombre de compositeurs à rêver de projets plus ambitieux. Enfin, peut-être le point le plus important : la musique notée sur partition résolve la crainte de l’oublie, tout en devenant utile dans le cadre de son enseignement.

Dans la civilisation occidentale, la « musique savante » hérite de la civilisation grecque et juive. Durant le millénaire qui précède l’ère chrétienne, les deux traditions coexistent. Ce seront les Grecs qui, les premiers, poseront les fondements de la relation entre la musique et les mathématiques en imaginant un système de notation musicale. Quand l’empire romain s’établira, il donnera à la musique des valeurs de divertissement, tandis qu’au même moment, dans les synagogues, la musique sera synonyme de chants religieux basés sur des versets de la Bible. Le monde chrétien va prolonger la tradition juive et la propager à travers ses chants grégoriens, eux-mêmes à la base des fondations de la musique « classique ».


IL ÉTAIT UNE FOIS LA MUSIQUE DU MOYEN ÂGE…

La caractéristique essentielle de la musique datant du Moyen Âge est d’exister sous deux formes : la musique religieuse et la musique profane. Les deux tendances s’appuient sur des psaumes chantés par une seule voix, entrecoupés d’hymnes repris en chœur. Autour de l’an 600 naît le plain-chant (ou chant grégorien), qui est un chant monodique, c’est-à-dire un chant reposant sur une seule note à la fois (mélodie) et dépourvu d’accord. Le texte est en latin, car il importe de comprendre la parole du Christ. Il faudra attendre la fin du premier millénaire pour qu’apparaissent les premiers chants polyphoniques.

Peu à peu, l’écriture polyphonique se complexifie et apporte, grâce à Guillaume de Machaut (1300–1377), une réelle indépendance vis-à-vis de la liturgie. La notation musicale s’enrichit de rythmes, tandis que les tessitures sonores s’élargissent.

En France, parallèlement à cet art en pleine mutation, se développe un art plus poétique et profane, celui des troubadours, au sud de la Loire et des trouvères au nord. La grande différence avec la musique grégorienne est de placer plus en évidence l’idée d’une construction musicale axée autour de la mesure (bien que les chants épousent encore le rythme des vers).


À L’ÉPOQUE DE LA RENAISSANCE

La naissance de l’imprimerie va jouer un rôle essentiel dans la diffusion des œuvres. À côté de la musique religieuse, toujours présente, la musique de Renaissance cherche à développer l’art profane. La France et l’Italie apportent de notables contributions artistiques. Palestrina en Italie, Josquin des Prés ou Clément Janequin pour la France, renouvellent l’inspiration artistique en rapprochant deux univers en apparence dissemblable : la musique et la poésie.

Au 11e siècle se développe le contrepoint. Le « note contre note » devient un art raffiné et recherché. Mais celui-ci est très différent de celui que nous connaissons aujourd’hui avec ses lignes mélodiques superposées et indépendantes. À la Renaissance, il fait beaucoup plus appel à l’idée de verticalité (harmonie) pour s’opposer à la musique contrapuntique. Dans la forme contrapuntique, il n’y a plus de voix principale et d’accompagnement séparé, mais plusieurs voix égales. Celles-ci sont liées les unes aux autres pour former des figures sonores capables de s’accompagner elles-mêmes. Quand l’une bouge, elle entraîne dans son sillon toutes les autres. L’auditeur assiste ainsi à d’incessantes variations mélodiques.

À la Renaissance naîtra le « madrigal », une forme musicale constituée d’une pièce pour voix accompagnée d’instruments (luth, harpe, flûte, percussions). Gesualdo, Gabrieli et Monteverdi seront les fleurons du style. Signalons au passage que les améliorations techniques apportées aux instruments à clavier, comme aux instruments à cordes, ouvrira la porte à bien d’autres audaces, ceux-là même qui conduiront à voir naître la musique baroque au 17e siècle.


LA MUSIQUE BAROQUE

Quand on évoque la musique baroque, deux noms émergent : Bach et Vivaldi. Bach est sans doute celui qui a réussi le mieux à trouver un juste équilibre entre l’écriture contrapuntique et celle du contrepoint. Son Art de la Fugue en est le parfait exemple. Pourtant, à ce moment-là, de nombreux compositeurs s’interrogent, car le style contrapuntique est jugé trop complexe. La mélodie accompagnée refait surface…

Durant la période baroque, qui s’étend approximativement de 1600 à 1750, c’est-à-dire jusqu’à la mort de J-S. Bach, prend place le système tonal. De façon définitive, la musique fait appel aux tonalités, socle de ce qui constituera les fondements de la musique classique.

Cette période, riche d’œuvre de premier plan, se caractérise par une expression musicale puissante et très ornementée (trille, gruppetto…). C’est aussi l’apparition de l’opéra, mais aussi de beaucoup d’autres formes vocales comme l’oratorio, la passion ou la cantate.

Sur le plan purement musical, le développement se porte essentiellement sur la fugue, le concerto et la sonate. Ces constructions architecturées serviront de point d’appui à des Monteverdi, Purcell, Haendel, Rameau ou Bach. Ces grands compositeurs de l’ère baroque marqueront leur époque par la couleur identifiable de leurs œuvres, notamment par la présence d’une basse continue.


LA PÉRIODE CLASSIQUE

La période dite «  classique » se situe, grosso modo, de 1750 jusqu’au début du 19e siècle. La musique classique est une période dominée par Mozart et Beethoven. La codification héritée de la période baroque laisse place à une musique plus accessible. Le langage musical se simplifie sans manquer d’élégance, de légèreté ou a contrario de puissance. Les concerts payants se développent également.

La musique de Bach étant jugée inutilement compliquée, les compositeurs vont chercher surtout à émouvoir et donner plus de poids à leurs mélodies. Les formes utilisées, comme la sonate, s’allongent tandis que la symphonie et le concerto émancipent la musique instrumentale.

Dès cette époque, une révolte gronde chez les compositeurs qui prennent conscience de leur statut et importance au sein de la haute société qui, finalement, ne cherche qu’à exploiter leur talent. Mozart se révoltera contre cette forme de tyrannie à laquelle prenait part aussi bien le clergé que la noblesse (les musiciens restaient généralement dépendants des institutions qui les employaient).


LA MUSIQUE ROMANTIQUE

La musique romantique n’est pas toujours synonyme de romantisme. La définition que nous accordons aujourd’hui au mot romantique est tout de même assez éloignée de la vision artistique des compositeurs de l’époque. Pour faire court, nous pourrions dire qu’un style qui manque de consistance et dont la nature est plutôt évasive pourrait être qualifié de romantique.

Le compositeur classique qui précède le romantique a construit ses œuvres d’après des règles esthétiques précises. On constate que malgré ces limites et un engagement personnel tout relatif, l’écriture ne manque pas de lyrisme. Le compositeur romantique, au contraire, expose au grand jour ses émotions comme un véritable moteur d’inspiration Le romantisme, qui incarne la victoire du sentiment sur la raison, trouve quelques racines dans l’existence d’une époque marquée par de nombreux actes révolutionnaires, actes qui se propageront à travers toute l’Europe au cours du 19e siècle.

Beethoven sera à la charnière de ces deux périodes, prit entre la passion consumée de l’ère classique et celle plus épique de l’ère romantique. Impressionné par la personnalité de Bonaparte qui écrase alors toute l’Europe, Beethoven lui dédicacera sa Troisième symphonie avant de le regretter quelques années plus tard quand l'homme des conquêtes sera sacré empereur.

Révolutionnaire, la musique romantique le sera aussi en écrasant les formes jusqu’ici employées. Les sentiments se veulent lyriques et sauvages comme embourbés dans autant de contrastes sonores saisissants. Nul doute que les œuvres pour piano de Chopin ou de Liszt n’ont pas toujours été écrites pour plaire à une noblesse installée. Et que dire de la Symphonie fantastique de Berlioz composée quelques années après la 9e de Beethoven ? Berlioz y dépeint son univers torturé, celui d’un jeune musicien à la sensibilité maladive et qui s’empoisonne avec de l’opium dans un accès de désespoir amoureux.

La hiérarchie des notes imposées par le système tonal n’est plus intangible. Si elle conserve une certaine stabilité jusqu’à la fin du 18e siècle, les régimes « démocratiques » qui commencent à s’installer à travers l’Europe affecteront tout autant le partisan, le révolutionnaire que le compositeur. Le principe de tension/détente qui explique bien des règles en harmonie, et que l’on traduit communément par dissonance/consonance, ne suffisent plus à satisfaire l’appétit féroce de quelques-uns. Le premier d’entre eux, Wagner, opérera une profonde révision de la dichotomie dissonance/consonance en brouillant les pistes. Pour l’auditeur, il en résultera un profond malaise, une sensation de tension permanente.


LA MUSIQUE DODÉCAPHONIQUE, LA MUSIQUE DE TOUS LES DANGERS

En raison de louables causes partant du principe que le système tonal est devenu trop complexe et que le rapport de hiérarchie entre les notes devient insondable, le compositeur Schönberg propose un autre étalonnage où chaque note deviendra égale à l’autre, c’est-à-dire qu’une note ne sera pas répétée tant que l’ensemble des autres n’aura pas été entendu. C’est le système dodécaphonique apparu dans les années 1920. Mystérieuse intuition qui naît pratiquement au même moment que la révolution russe, qui cherche justement à établir une égalité entre les « camarades ».

Tout au long du 20e siècle, le siècle de la révolution industrielle, la musique pousse à fond ses manettes : la musique dodécaphonique évolue vers une musique baptisée sérielle. Les idées architecturales fusent, la musique également en créant de nouvelles écritures. Les paramètres sonores peuvent à leur tour faire l’objet d’un traitement formalisé, même si parfois les pures intentions conduisent à des incertitudes. En effet, le système est contraignant et le sérialisme peut devenir paralysant pour son créateur. Pourtant, certains compositeurs parviennent à réaliser l’impensable dans ce jeu de « mécano » sonore et dissonant, tel Luciano Berio et son œuvre Sinfonia d’où s’échappera O King.


LES MUSIQUES DE DEMAIN

Le sérialisme, initié par Schönberg, Webern et Berg, donnera des ailes à d’autres compositeurs tels Stockhausen ou Boulez ; chacun y allant avec sa propre esthétique, ses propres ambitions et ses propres fresques sonores. Puis viendra le tour de la musique répétitive, celle voulue par Steve Reich, ou encore celle de la musique spectrale conduite par Gérard Grisey à partir des années 70.

La musique du 20e siècle jouera à tous les tons sa musique expérimentale : microtonale, aléatoire et électroacoustique. L’informatique musicale creuse son sillon et tous les ingrédients sont réunis pour échapper au système tonal… Nous assistons alors à un contraste saisissant, celui d’une musique avant-gardiste, audacieuse et vindicative, en totale opposition avec les rondeurs d’une musique populaire qui continue de s’abreuver auprès d’un système tonal éculé. Au tournant des années 60, la musique jazz n'échappera pas, elle non plus, à quelques folies passagères. Le "free" qui, un temps, a voulu frapper fort en rompant avec toutes les lignes harmoniques et rythmiques est depuis rentré étrangement dans le rang comme un mauvais élève.

Aujourd’hui, la pluralité des styles l’emporte au détriment de l’originalité. Le son compte plus que tout autre et aucun grain de sable ne doit venir enrayer la puissante machine numérique du 21e siècle ; celle qui joue avec nous et qui pousse de temps en temps notre cerveau à s’emballer.

De sa courte histoire naît déjà de drôles de paradoxes, car devant nous se dressent d’énormes possibilités technologiques qui ne demandent qu’à être exploitées dûment. Malheureusement, cette explosion de données, de valeurs mixées en + et en -, n’ont pas encore apporté de réponses réconfortantes dans le pur domaine de la création musicale. Notre flamme n’est pas éteinte, mais le temps n’a pas encore gravé son œuvre. Tout semble exister dans le superficiel, dans l’attente de découvrir quelque chose de plus profond, de plus révolutionnaire.

Le numérique nous permet de reproduire à la volée un acquit, des automatismes, mais pas une juste et pure vision de la créativité. Celle-ci est biaisée, comme voilée par tant de possibilités techniques. L’urgence est le maître mot, et il est bien difficile d’écrire dans les manuels ce que seront les musiques de demain, tant celles d’aujourd’hui manquent souvent de maîtrise et de sens. La pure créativité, c’est-à-dire celle qui confine à la découverte de nouveaux espaces vierges, beaucoup de musiciens l’espèrent. Il est même possible qu’elle ait déjà eu lieu, mais que faute d’attention, de recul ou d’objectivité, faute aussi de demande, nous n’ayons pas voulu la capturer.

Nous pouvons facilement condamner les musiques électro-acoustiques du 20e siècle pour ne pas avoir su nous donner les occasions de se familiariser avec elles, avec leurs sonorités, leurs principes, ni pour avoir su créer une passerelle solide avec les « musiques populaires ». Pour autant, il serait sage de ne pas les juger hâtivement avant d’avoir compris toute leur portée. D’ailleurs, si la critique semble parfois sévère, n’oublions pas qu’en leur temps, Bach, Beethoven et Mozart ont été jugé également par leurs contemporains. Le premier était trop compliqué, le second inaudible, quant au troisième, on lui reprocha sa surabondance de notes.

Par ELIAN JOUGLA


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