HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



ORGUES ET PIANOS ÉLECTRIQUES DE LÉGENDE

Au cours de la seconde moitié du 20e siècle, certains claviers, comme l’orgue Hammond, le Fender Rhodes ou le Minimoog, sont devenus indissociables de quelques musiciens célèbres. Jimmy Smith, pour l’orgue Hammond, Stevie Wonder pour le Clavinet ou Chick Corea pour le Minimoog. Sous-estimés de leur temps, ces instruments sont devenus aujourd’hui des instruments de légende, des références dans l’histoire de la musique contemporaine.


DES INSTRUMENTS À CLAVIER NOVATEURS

Depuis l’arrivée de l’échantillonnage, de nombreux jeunes musiciens ont découvert leurs sonorités. Cependant, revue à la sauce numérique, cette mise en boîte de l’ère vintage offre une tout autre maniabilité, un tout autre feeling bien éloigné des originaux. Le principal avantage du numérique tient dans sa capacité de gommer les défauts techniques (peut-être même trop) et accessoirement d’apporter de nouvelles fonctionnalités.

Aujourd’hui, plus personne ou presque ne remet en question toute l’importance de ces instruments novateurs qui ont fait vibrer un grand nombre de pianistes vétérans. Témoins du passage d'un monde musical acoustique vers un autre plus électrique, ces claviers ont joué un rôle important en préfigurant la musique informatique future. Sans leur présence, tout un pan de la musique électronique d’aujourd’hui n’existerait pas. Adieu musique répétitive, électro, techno ou ambient !



L’ORGUE HAMMOND



L’orgue Hammond pourrait être considéré comme le vétéran des instruments vintages. Au départ, en étant transportable, il était une alternative à l’imposant orgue à tuyaux. Toutefois, son usage en tant qu’instrument de substitution n’allait pas durer très longtemps. Sa chaude sonorité, générée par des roues phoniques associées à une cabine Leslie, allait conquérir de nombreux musiciens de jazz et de rock à partir des années 50/60.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’orgue Hammond à roues phoniques a eu une existence assez brève. Sa production s’arrêta au milieu des années 70 après 40 ans de bons et loyaux services. Les oscillateurs électroniques puis la technologie numérique s’emparèrent alors de l’instrument pour tenter de l’imiter, sans forcément y parvenir.


L’ORGUE HAMMOND ET LES MUSICIENS

L’instrument était le bienvenu quand il fallait animer une terrasse de restaurant ou un pub branché. Pour les patrons des établissements, l’intérêt était avant tout économique, car un orgue Hammond, appuyé par le jeu du pédalier et accessoirement par une boîte à rythme, pouvait donner l’illusion d’entendre plusieurs musiciens jouer ensemble.

Jimmy Smith incarne la légende de l’orgue Hammond façon jazz, même si d’autres musiciens comme Jimmy McGriff ou Rhoda Scott ont apporté à leur manière d'autres façons d’explorer l’instrument.

Avant que ne se développe le marché du synthétiseur, l’orgue Hammond va rester un instrument indispensable à de nombreuses formations pop et rock des années 60 et 70. Des groupes de rock comme Procol Harum, Deep Purple ou Led Zeppelin vont ouvrir la voie, avant que Pink Floyd, Emerson Lake and Palmer et Genesis ne s’en emparent à leur tour.

L’orgue Hammond a trouvé refuge dans diverses musiques populaires grâce à son amplification puissante et à ses notes au sustain éternel. Sa sonorité illustre magnifiquement la musique de blues, tout comme la ballade et le slow. Cependant, il ne faut pas oublier son autre rôle : celui d’être un instrument rythmique au punch redoutable. Dans le reggae, il est capable de soutenir et de répondre idéalement au jeu tout en contretemps de la guitare, alors qu’associé à une musique soul ou funky, ses différents jeux de percussion sont là pour pousser l’organiste à aller toujours plus en avant.



LE VOX CONTINENTAL



D’un concept attractif, le Vox Continental était un orgue portable totalement électronique apparu en 1962. Beaucoup plus léger que le modèle Hammond à roues phoniques, il suscita un certain engouement auprès des groupes de musique rock. Une de ses particularités concerne le clavier dont la couleur des touches est inversée, comme certains modèles de clavecin. Le Vox Continental existait en simple et double clavier. Par la suite, des déclinaisons ont existé avec les modèles Jaguar et Corinthian.


LE VOX CONTINENTAL ET LES MUSICIENS

Le Vox Continental possédait une sonorité au grain très particulier que le trompettiste de jazz Miles Davis adoptera dans sa formation pendant une courte durée avant d’utiliser un modèle de la marque Farfisa dès ses premiers disques de jazz-rock. Quelques années auparavant, on pouvait déjà entendre la sonorité du Vox Continental dans le célèbre The House of the Rising Sun des Animals. D’autres musiciens de la scène rock l’ont également utilisé, notamment Ray Manzareck (The Doors), Elvis Costello et le groupe Madness.




LE WURLITZER



Grâce au célèbre What’d I Say de Ray Charles, le piano électrique Wurlitzer rentre par la grande porte. À la fin des années 50, la firme Wurlitzer, surtout connue pour être un fabricant de juke-boxes, a l’idée de construire un piano électrique très léger qui viendrait en remplacement du piano acoustique pour les groupes en tournée.

Le piano électrique Wurlitzer était doté d’une amplification à lampes et d’un effet de trémolo réglable en vitesse et profondeur. Le son de chaque note étant généré par une lamelle de métal et amplifié par un micro électromagnétique.

Si sa sonorité n’a aucun rapport avec celle d’un piano acoustique, elle revêt un timbre très agréable qui lui permet d’être utilisé dans de nombreuses musiques alors en vogue. Le Wurlitzer est capable de produire une sonorité douce ou agressive, voire sèche, suivant le jeu du pianiste.


LE WURLITZER ET LES MUSICIENS

De nombreux pianistes seront séduits par l’instrument malgré l’étroitesse de son clavier (64 touches). Sur scène, l’orgue portable (Farfisa ou Vox) était son concurrent direct. Outre quelques groupes comme Booker T. and the M.G.s ou The Small Faces, l’instrument sera surtout utilisé durant les années 70 : Pink Floyd (Money), The Carpenters, Steely Dan. Le piano électrique Wurlitzer aura une place à part avec le groupe Supertramp. Utilisé de façon agressive par le jeu rythmique de Rick Davis, le petit clavier servira de carte d’identité sonore au groupe et contribuera à son succès.



LE FENDER RHODES



Ambassadeur des pianos électriques, l’idée de fabrication du Fender Rhodes est née durant la seconde guerre mondiale. Cependant, il faudra attendre 1965 pour que les premiers modèles soient commercialisés.

À la différence du modèle Wurlitzer, outre un sustain plus long, le Fender Rhodes possède une tessiture plus importante (73 ou 88 notes) et une mécanique qui peut être réglée de différentes manières. Suivant l’emplacement du micro, le son obtenu peut être doux ou agressif, créant alors un effet de saturation caractéristique quand on joue agressivement.

Le son produit par un marteau qui vient frapper une tige métallique rigide est ensuite amplifié par un micro assez semblable à ceux que l’on trouve sur les guitares électriques. Chaque note est accordée au moyen d’une petite pièce de métal en spirale glissée le long de la tige.

S’il a existé un modèle avec amplification séparée (modèle suitcase) et équipé d’un trémolo qui deviendra stéréophonique (absolument renversant pour l’époque), c’est le modèle 73 notes qui se vendra le mieux, le poids en étant la raison première (le modèle Stage 73 avoisinant toutefois les 60 kg).

Alors que les premiers modèles sortis d'usine demandaient d’avoir des mains robustes pour en jouer, après quelques corrections techniques et la présence de touches plastifiées (modèle Mark II - 1979) le clavier est devenu plus souple et plus adapté à satisfaire la plupart des morphologies.


LE FENDER RHODES ET LES MUSICIENS

C’est surtout à travers la musique jazz que le Fender Rhodes s’imposera. Les pianistes Chick Corea et Herbie Hancock vont s’en servir non pas comme un instrument d’appoint ou venant remplacer le piano acoustique, mais comme un instrument de premier plan, allant jusqu’à développer un style de jeu dédié à son intention.

Le son du Rhodes ne peut être confondu avec un autre instrument. Sa sonorité se rependra durant les années 70 dans les productions musicales jazz, rock, mais également dans la chanson française et internationale. Tous les acteurs populaires de la musique commerciale utiliseront sa sonorité, même là où l’on ne l’attend pas (comme chez Yves Montand ou Jean Ferrat). Parmi la liste impressionnante de ses utilisateurs, citons : The Doors, Stevie Wonder, Joe Zawinul, Pink Floyd, Billy Joel et plus près de nous Radiohead ou Erykah Badu.



LE CLAVINET HOHNER



Sorte de clavecin électronique, le Clavinet Hohner est très proche mécaniquement de son ancêtre. Comme lui, il produit le son en pinçant la corde, mais offre également d’autres avantages, comme celui d’être amplifié, d’avoir plusieurs timbres et d’être sensible à l’attaque. La vibration sonore est recueillie suivant le même procédé que le Fender Rhodes. Plusieurs modèles verront le jour entre 1967 et 1977, toujours équipés d’un clavier de 60 touches.

Conçu à ses origines pour une utilisation familiale, son usage sur scène obligera le constructeur à produire des modèles plus robustes, capables de supporter le jeu scénique des pianistes de rock. En effet, le clavinet s’imposera rapidement au cœur de deux styles majeur des années 70 : le disco et le funk. Épaulé par certaines pédales, comme la wah wah ou le flanger, le clavinet aura souvent l’occasion de venir soutenir le jeu des guitares rythmiques.


LE CLAVINET HOHNER ET LES MUSICIENS

Un seul nom est à retenir : Stevie Wonder. Durant les années 70, de nombreux titres sont signés par l’artiste. L'instrument sera utilisé parfois avec raison (Superstition, Higher Ground), mais parfois avec excès (Heaven is 10 Zillion Light Years Away, l'arrangement sonore devenant alors quelque part assez confus). Stevie Wonder fabriquera un type de jeu qui saura exploiter les qualités percussives de l’instrument.

Souvent imité, rarement égalé, Stevie Wonder imposera sa technique personnelle, technique qui sera exploitée notamment dans les musiques funk et disco. Herbie Hancock l’utilisera avec une approche plus cadrée (The Headhunters – 1973).



LE YAMAHA CP-70



Pendant longtemps, lors des tournées, les musiciens rêvaient d’avoir un piano aisément transportable. À partir des années 70, la marque Baldwin proposa un petit piano acoustique transportable de cinq octaves, mais à cause de sa sonorité étriquée, l’instrument ne trouva pas satisfaction auprès des pianistes…

Quand est apparu le Yamaha CP-70, il était peut-être temps pour les pianistes de s’échapper de l’incontournable son du Rhodes ou du Wurlitzer, d’autant plus, que la sonorité de ces deux pianos électriques ne convenait pas à l’exploitation de certaines musiques. Sur scène était arrivée enfin l’alternative, peut-être la solution miracle !

Pour ne pas créer de confusion, Yamaha baptisa l’instrument du nom de ‘Electric Grand Piano’ pour bien signaler que le CP-70 n’était pas un instrument acoustique à part entière. Néanmoins, les grands principes du piano traditionnel étaient bien là : un cadre métallique, de véritables cordes filées et des marteaux.

Afin d’en faciliter le transport, le Yamaha CP-70 se séparait en deux. Une partie comprenait toute la mécanique (table d'harmonie, cadre, cordes) et l’autre le clavier avec les pieds. Cependant, comparativement au Baldwin qui pesait environ 80 Kg, le Yamaha CP-70 est vraiment d’un poids supérieur (environ 2 fois 60 kg).

Si le CP-70 a retenu l’attention de nombreux artistes, c’est que sa sonorité n’est pas celle d’un piano acoustique, ni celle d’un piano électrique. L’instrument a sa personnalité, sa sonorité, tout en ayant un toucher similaire au piano acoustique.

À partir des modèles suivants (CP70B et CP80B) Yamaha va proposer quelques améliorations, notamment des inserts d’effets permettant d’ajouter par exemple une réverbération ou une pédale d’effet. Quant aux derniers modèles CP70D et CP80D, ils offriront une implantation MIDI complète et un équaliseur graphique.


LE YAMAHA CP-70 ET LES MUSICIENS

On peut entendre aujourd’hui encore, sur scène, le Yamaha ‘Electric Grand Piano’, même si son heure de gloire s’est déroulée durant les années 70 et 80. Le pianiste George Duke l'a souvent utilisé. On peut l’entendre dans les albums A Brazilian Love Affair et Reach For It. D’autres artistes ont fait appel également à sa sonorité : Peter Gabriel, Simple Minds, Abba et plus récemment le groupe Keane.

par PATRICK MARTIAL


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