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MUSIQUE DE FILMS

LE POP ART, MOUVEMENT LIBÉRATEUR DE LA MUSIQUE ET DU CINÉMA

En considérant le cinéma et la musique comme des éléments reliés aux mouvements pop, nous ne devons jamais oublier les circonstances qui ont provoqué ce rapprochement, étant donné que le terme pop n'accompagne pas nécessairement, comme qualificatif, le cinéma, mais plutôt la musique dans son langage courant. Cette page décrit les principales raisons qui ont déclenché cette rencontre artistique majeure du 20e siècle.


DE L’INFLUENCE DU CINÉMA DES ANNÉES CINQUANTE

Même si le 'Pop Art' est un mouvement qui trouve son origine en Angleterre au milieu des années 50 sous l'impulsion de l'artiste peintre et sculpteur écossais Edouardo Paolozzi et du britannique Richard Hamilton, ce sont les États-Unis qui vont lui apporter une réalité palpable en présentant l'art comme un produit de consommation courante, voire éphémère.

Tout commence vraiment avec le cinéma. S'il fallait choisir un film, West Side Story pourrait en être l'archétype. Cette comédie sentimentale avec baisers au clair de lune projette sur grand écran une forme de brutalité entre voyous, parmi lesquels se trouve un couple qui vit un destin à la façon de Roméo et Juliette.

Sortie en 1961, cette sombre comédie musicale prend à témoin la question de l’immigration portoricaine et des rixes entre gangs. Elle est la résultante des années cinquante, celles de l'ère Truman, de McCarthy et du malaise né de la chasse aux sorcières que le théâtre de Miller a illustrée. C'est l'époque où Marilyn Monroe vit dans le désarroi et se trouve sans défense en face d'une société qui fait d'elle un objet sexuel de consommation, sans possibilité de développer sa personnalité en dehors de cet archétype. Tout le contraire de Grâce Kelly qui, en tombant amoureuse et en fuyant les studios californiens, se métamorphosera en princesse de Monaco.

Les teenagers des années 50 se souviennent qu’aux États-Unis, notamment dans la bourgeoisie, qu’une ambiance de tabous et de défenses, de secrets, de répression et d'autorité patriarcale existait. En ce temps-là, le vêtement n'est pas un symbole de la liberté comme il le sera dans les années soixante, à l'ère des blue-jeans et des fleurs dans les cheveux. Les « postiches » sont considérés comme une forme de tromperie illégitime, dont les femmes se servent pour attirer les hommes. La mode est encore restrictive, conventionnelle, prisonnière de son intention de modeler les corps à l'image des mythes de l'époque.

À droite, Marilyn Monroe séductrice et Tom Ewell à l'imagination galopante dans 'Sept ans de réflexion' (1955 - source 'Popular Library'), et à gauche Marlon Brando rebelle dans 'L'équipée sauvage' (1953 - source 'Ciné macro')

Comment d’ailleurs évoquer l’Amérique des années cinquante sans mentionner, en effet, l’importance des mythes qui l’ont traversée ? Magnifiées dans le retranchement des studios de production, de belles femmes unissaient le sex-appeal le plus évident et le plus élémentaire à la musculature masculine d'hommes au torse nu : Marlon Brando et Victor Mature, d’un côté, Marilyn Monroe et Jayne Mansfield de l’autre. L’arrivée de ses stars, symboles des années cinquante, coïncide malheureusement avec d’autres images moins flatteuses, celles de la répression, des inhibitions et des désirs inavoués.

La musique des juke-boxes encore douce, chaude et sentimentale est ébranlée avec l'apparition du rock. À la musique élaborée dans le style Glenn Miller jusqu’à Only You des Platters succèdent des atmosphères d'hystérie féminine avec des chansons interrompues par de sanglotantes convulsions. En avril 1954, Bill Haley lance son Rock Around the Clock et fait exploser les chiffres de ventes avec 15 millions d’exemplaires vendus. Le Roll Over Beethoven de Chuck Berry devient le slogan du rock, tandis que les hanches d'Elvis Presley bougent frénétiquement et place le public en face de quelque chose de physique : le sexe. Fini alors la fiction romantique au clair de lune de West Side Story. Le rock'n’roll, qu’il soit tapageur dans les chaumières, lancinant ou agressif sur scène, participe de la vélocité d’artistes comme James Brown, alias ‘Mr Dynamite’, de la souffrance de Johnnie Ray, de l'énergie de Little Richard ou de la sexualité de Presley.

Quelques années plus tard, l'apparition de la culture pop - celle-là même qui magnifiera et élèvera à la hauteur de l'art tout ce qui lui a été antérieur -, prend donc naissance dans une époque partiellement marquée par des répressions, des restrictions et des fraudes. L'exhibitionnisme introduit par Johnnie Ray, la sentimentalité élaborée du ‘country and western’ et la force primitive et sexuelle du rhythm and blues seront les principaux ingrédients qui vont engendrer la musique pop.


ÉLÉMENTS CINÉMATOGRAPHIQUES POP

Même si l'on admet que Hollywood et l'industrie cinématographique sont des phénomènes propres à la culture de masse et le cinéma un art du plus grand nombre, il est difficile d’affirmer que les productions cinématographiques sorties de cette importante capitale du 7e art appartiennent au monde du pop, et cela, bien que Marilyn Monroe, Jayne Mansfield, Humphrey Bogart, Victor Mature et beaucoup d'autres acteurs de cinéma aient été qualifiés de mythes dans l’essor du cinéma pop. En fait, tous ces acteurs de premier plan n’ont eu de cesse d'être prisonnier de clichés, de comportements et d’idéaux caractérisés. Dans la course aux provocations visant à offenser la moindre des pudibonderies, ces stars de légende se préservaient ouvertement de n'être que des fantasmes inassouvis, des objets ou des jouets aux mains des compagnies cinématographiques et de l’establishment. Les éléments déclencheurs d'un cinéma qualifié de « pop art », il faut les chercher dans les films qui alimentent les années soixante.

Deux directions se présentent. La première s’illustre à travers l'existence de films basés sur le « comic », c'est-à-dire sur les dessins animés, dont le contenu idéologique s'apparente à de la « contre-culture » et dont l'archétype pourrait être Le sous-marin jaune des Beatles. La seconde direction, est un pop art qui s’exerce dans ce qui est appelé communément le cinéma underground où se trouve des personnalités telles qu'Andy Warhol ou Jack Smith.

LE SOUS-MARIN JAUNE

Sortie en 1968, Le sous-marin jaune est à la fois un récit destiné à la jeunesse et un voyage psychédélique. Les images du film, hautement kaléidoscopiques, cherchent à produire un effet psychique libérateur sur le spectateur. Le contenu de cette fiction rocambolesque rassemble tout un ensemble de symboles, mythes et archétypes issus d’un monde dans lequel le groupe de Liverpool œuvre depuis quelques mois.

Synopsis : Le sous-marin jaune raconte l'histoire de Pepperland, un pays plein de fleurs, de couleurs et de musique où les gens jouissent paisiblement de leur bien-être, mais qui est envahi par les ‘Blue meanies’ (gens à l'esprit plat). Ces envahisseurs représentent la peur et la mort. Usant de violence, ils font de Pepperland un pays fort triste. Venant de notre monde, le 'Sergent Pepper' arrive dans un sous-marin jaune et vient chercher les Beatles qui, grâce à leurs chansons, vont transformer les ‘Blue meanies’ en êtres doux et paisibles dans l’intention de refaire de Pepperland un paradis.

Le sous-marin jaune est une sorte de parabole soucieuse de dénoncer la société des années 60 avec son lot de violence et de sacrifices injustifiés (la guerre du Vietnam). La philosophie présentée ici est celle de la philosophie hippy qui, dans sa forme, illustre l’un des plus merveilleux contes que l'on puisse imaginer. À cette époque, Le Sous-marin jaune représente certainement ce que le cinéma des « comics » peut apporter de mieux dans l’univers de l’art Pop.


THE BEATLES : YELLOW SUBMARINE

LE CINÉMA UNDERGROUND

Le cinéma underground essentiellement américain occupe une place bien distincte dans le mouvement pop des années 60. Ses cinéastes en reconnaissent les origines à travers ‘Le Ballet mécanique’ de Léger et Marcel Duchamp, initiateurs de l'art pop.

Dans sa définition la plus classique, un film underground est un film réalisé par un seul individu, qui tente par ce moyen de faire connaître une opinion personnelle ; le film est produit généralement en marge des circuits commerciaux. L'entreprise exige très peu de moyens techniques et d'argent. Il diffère radicalement, par la forme et le contenu, du cinéma commercial.

Devant la grande quantité de films de cette sorte dans lesquels les qualificatifs ne manquent pas : expérimental, néo-dadaïsme, avant-gardisme, etc., quelques noms se distinguent : en premier lieu Andy Warhol, mais aussi Kenneth Angers, Stan Brackhage, Jonas Mekas, Jordan Belson, Stan Vanderbeek (un pionnier dans le développement des techniques d'animation) ou encore Jack Smith, l’initiateur du style « camp ».


LE CINÉMA D’ANDY WARHOL ET DES PIONNIERS DE L’UNDERGROUND

Figure clé du Pop Art, Andy Warhol est devenu parallèlement, et pour un court laps de temps, un précurseur dans le domaine de l'underground cinématographique new-yorkais.

En 1963, après avoir été dessinateur de mode, Andy Warhol achète une caméra et commence une carrière de cinéaste. Son œuvre comprend plusieurs étapes. Dans un premier temps, il entend démontrer que le cinéma peut nous rendre sensibles à l'écoulement du temps et il tourne des films comme L’Empire, dans lequel sa caméra reste fixe et nous montre huit heures de la vie de l'Empire State Building ; il réalise aussi Sommeil (Sleep) qui dure six heures, où le même processus est appliqué à un homme endormi. C’est pour Warhol une contre-réaction au « cinéma mainstream » qui l’ennuie. Comme en peinture, il s'agit d'intervenir le moins possible en laissant agir le temps. La philosophie orientaliste d’Andy Warhol semble claire dans ces propos : « Plus on regarde exactement la même chose, plus la signification disparaît, plus on se sent vide et mieux on se sent ».

© www.jackmitchell.com - Andy Warhol (1975)

Dans une seconde étape, Warhol produit quelques films sur des scénarios de Ronald Tavel : Horse, Vinyl, Screen Test, The Life of Juanita Castro, dans lesquels intervient un peu plus de mouvement, mais encore avec une très grande lenteur. Le noir et blanc cède alors sa place à la couleur. Recourant toujours à une caméra fixe, il tente d'utiliser ses films comme moyens d'inquiéter les spectateurs et de les amener à une nouvelle conception de l'art, quitte à parodier des classiques de cinéma ou des documentaires.


Puis le « cinéma-vérité » entre en action et compte des films comme Beauty Numher Two, une confuse histoire pseudo-sexuelle, Prison, Poor Little Rich Girl, My Hustler et The Kitchen, dans lesquels le réalisateur remet en question le star-system hollywoodien. Warhol aura également recours à des moyens techniques qui lui permettront de présenter des films en double image sur écran. Le plus connu est Chelsea Girls, qui montre une suite de chambres de l'hôtel Chelsea, à Manhattan. La dernière étape, en collaboration avec Paul Morrisey, appartient au cinéma commercial et comprend des films comme Trash, Heat ou Flesh.

Warhol a tourné entre 60 et 70 films de 1963 à 1968. Son esthétique cinématographique aura eu pour but de détruire la structure narrative du cinéma et de rendre évidente l'ambiguïté de l'art. Toutefois, il est vrai que, la plupart du temps, et pour le plus grand nombre de spectateurs, c'est surtout l'ennui qui émane de ses tentatives. Mais le fait qu'Andy Warhol soit une des personnalités en vue aussi bien de l'art pop que du cinéma underground justifie que l’on s’y intéresse.

Néanmoins, la démarche symbolique et contre-culturelle d’Andy Warhol ne doit pas éclipser les images violentes, oniriques et imaginatives du précurseur Kenneth Angers. D’abord avec le film Fireworks (1947) puis avec Scorpio Rising (1962) et son ambiance de musique rock ; à cette époque l'un des rares films qui attaque les institutions dans ce qu’elles ont de plus négatifs.

N’oublions pas non plus le « cinéma-vérité » de Jonas Mekas (The Brig – 1964) dont l’action se déroule dans une prison avec des interprètes venus du Living Théâtre, et Jordan Belson dont la particularité est d’avoir réalisé un cinéma expérimental qualifié de « cosmique » et qui, à base d’expériences optiques, pourrait se décrire comme un art cinétique. Par exemple, dans Momentum, le réalisateur montre le Soleil en tant qu'atome et d'un point de vue hallucinogène, psychédélique et magique. À la façon d’Andy Warhol, Belson développe la conscience, favorise la méditation orientale et la philosophie zen. Mandata, Allures, Shamadi, Momentum sont ses films les plus connus.

Par Elian Jougla (Cadence Info - 01/2020)

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