PÉDAGOGIE



LA MUSIQUE, UN ART POUR SE LIBÉRER

De nos jours, apprendre un instrument est devenu accessible pour un nombre conséquent de personnes. Les écoles de musique se sont démultipliées et elles offrent, pour la plupart, la possibilité de partager la musique à plusieurs. À l'intérieur de leurs murs, seule une minorité de prétendants sont réellement armés pour devenir d'authentiques musiciens. La véritable raison n'est pas nécessairement à rechercher vers l'apprentissage et l'acquit, mais plutôt du côté de la connaissance de soi…


MUSIQUE ET DÉVOTION

La musique se laisse conquérir sans offrir de résistance. Tout dépend de la personne qui la pratique, son niveau de motivation et comment elle la ressent. Étroitement liée à l’alchimie des sons, elle prend possession du corps et de la pensée sans nous obliger, sans nous donner d’orientation sur les choix à prendre. Elle s’adresse à tout un chacun. Sa forme est libre, sans attache, alors que nous tentons couramment de la contrôler, de la codifier en faisant appel à des connaissances dans l’espoir qu'elle réponde à nos désirs. Or, sa puissante créativité qui l’enrobe de singularité vit dans une sorte de dévotion, transportant ses qualités indicibles et ineffables, indépendamment de la matière (l’instrument pour ne pas le nommer).

Bien peu de musiciens en apprentissage la perçoivent de la sorte. Pourtant, pour chaque personne en mesure de l’étudier comme un art, en toute indépendance et délivrée de toute pression, la musique peut devenir non seulement une « roue de secours », une aide précieuse, mais aussi une ressource spirituelle, un domaine d'élévation suffisamment puissant pour s’échapper, ne serait-ce qu'un court instant, de notre société vouée corps et âme à la possession et au matérialisme. L'étude de la musique est donc essentielle dans ce qu’elle peut transmettre à l'être qui souhaite approfondir ce qui relève du domaine de la pensée, de l'esprit.


ATTEINDRE LA LIBÉRATION INTÉRIEURE

La musique possède une dimension universelle, une aura, une attraction vers la lumière qui facilite la prise en main de soi. L’étudier, c’est s’engager dans une aventure parcourue de signaux, d’appels, et il convient de s’y préparer et de les recevoir pour estimer à sa juste valeur la portée de chaque découverte et avancée qu'elle nous livre.

Généralement, quand la prise de conscience intervient, déclenchée le plus souvent indépendamment de l’acquit, une sensation de bien-être, une soif d'aller de l'avant se produit sans notion de temps ou de difficulté, un émoi qui peut être comparé dans une certaine mesure à un état de grâce. À l'inverse, mais plus rarement, la prise de conscience peut révéler une sensation de découragement. Faute de ne pas avoir ressenti la libération intérieure par ses agissements ou sa négligence envers soi-même, voire pour ne pas avoir suivi les traces de celui qui sait, une remise à plat s'impose et entraine avec elle un choc d'estime de soi, surtout quand le musicien a déjà derrière lui des années d’apprentissages. Pour être clair, il est tout à fait envisageable, même pour une personne éprise de bonne volonté, de pratiquer un instrument durant des années, et contre toute attente de passer à côté de l'essentiel !

Les difficultés que le musicien croise sur sa route sont nombreuses et de nature à mettre en éveil autant d'aptitudes physiques que d’exigences mentales. Surmontables pour la plupart quand l'encadrement est à la hauteur, l’instrumentiste doit continuellement être prêt à les recevoir et à les accepter. L’étude de la musique est sans relâche un pari sur l’avenir. De zones d’ombres en sorties de tunnel, elle constitue une succession d’étapes, de transitions et de passages dans lesquels les intentions et les idées n’ont de cesse de s'opposer, de se transformer et d’évoluer.

On croît bien volontiers, professeurs et élèves confondus, que détenir des connaissances permet d’atteindre un niveau supérieur de conscience, et que la maîtrise technique autorise l’obtention d'un répertoire plus vaste. Si, dans la plupart des expériences, cela se révèle exact, pour autant l'acquit est-il suffisant pour être pleinement satisfait ?

Habituellement, le renoncement à progresser – ou pire, l'abandon – interviennent quand la sensibilité du musicien est mise en éveil et qu'il se trouve dos au mur, dans l’impuissance de répondre correctement à une suite de difficultés. Cela signifie qu’un musicien autodidacte et libéré de toute comparaison aura autant de chance d’éprouver de la reconnaissance envers la musique, si ce n'est plus, qu'un musicien studieux qui, faute d'une bonne orientation personnelle et d'avertissements préalables, doutera de la suite à venir.


DÉFINIR DES OBJECTIFS RÉALISTES

Plus que dans tout autre domaine, la musique est capable de soulever des réactions, des points de vue, des avis, tout simplement parce que sa première « nourriture » est la communication des sons, ceux des vibrations sensibles.

En musique, ouvrir une porte appelle très fréquemment l’ouverture d’autres portes. Elle offre à l’homme la possibilité de fusionner sa propre réalisation intérieure dans une dimension philosophique et spirituelle. La musique est autant un « acte récréatif » qu'un moyen de se libérer de nombreuses contraintes et souffrances psychologiques, de relativiser sur ses mécanismes, et de prendre conscience de sa position dans l’univers quand le bon sujet parvient à son point culminant.

La technique instrumentale apporte bien peu à celui qui l’étudie s’il n’est pas apte à se lancer dans l’inconnu et à s’évader de la contrainte physique de son corps et de son cortège d’idées reçues qui parcoure son histoire. Son apprentissage est couramment basé sur un savant calcul qui conduit à des connaissances et des développements techniques, mais plus rarement sur des réflexions personnelles qui engagent tout l’être.

Lorsqu’on étudie un instrument, il n’existe pas d’aboutissement ultime, il n’existe que des paliers personnels. Alors que la connaissance scientifique et la technique instrumentale suivent généralement le même chemin, l'acquit a pour seule défense de ne pas créer des individus uniformisés. Il nous en préserve fort heureusement ! C'est pour cette raison que chaque génération voit naître de nouveaux musiciens accomplis dotés d'une forte personnalité et dont l'individualité parfois attachante est à même de redéfinir la musique comme un art sans limites.


LA PART D'IGNORANCE

La musique est une discipline à « l’orgueil indépendant ». La majorité des écoles de musique ont beau s'accorder pour ériger une éducation formatée afin d'obtenir des instrumentistes disciplinées et efficaces, il est bien rare qu'en retour, elles soient en mesure de produire un nombre accru de musiciens imaginatifs et créatifs. La connaissance de soi qui est parfaitement ignorée, mise de côté, est habituellement la cause première de ce manque.

Quand on consulte la biographie de nombreux compositeurs, la plupart du temps, on remarque que consécutivement à des « études sérieuses », tout reste encore à faire, et que la place accordée à la créativité, dans ce qu'elle a d'essentiel à faire évoluer notre rapport à la musique, se « négocie » fréquemment avec des remises en question, comme si l'ignorance frappait à la porte.

La technique instrumentale, même si elle se révèle indispensable afin d’atteindre un certain niveau de conscience pour faciliter l’acte créatif, est bien peu de chose si le corps, les mécanismes de la pensée et ses véritables intentions ne s'accordent pas. Pour cela, il appartiendrait à chaque musicien, indépendant ou engagé, de choisir un chemin dans lequel il pourrait s'enrichir tout en s’exprimant librement, à l'image de la source qui le nourrit spirituellement.

En dernier lieu, la musique est communication, et comment peut-on communiquer réellement si le sentiment ressenti, même infime, sonne faux en soi ou si c'est un calcul qui sert de guide ? La technique instrumentale prend trop souvent le pas sur tout le reste, créant une spirale dans laquelle la performance et les défis s’opposent à l’essor du jeu instinctif. Ce jeu-là, que personnifie à juste titre le musicien autodidacte, s’éloigne de ce pas. La spontanéité disparaît, emportant les soi-disant « défauts », tandis que le jeu académique s'installe avec la foi du musicien repenti.

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 03/2024)

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