TECHNIQUE ET MAO



ENREGISTREMENT LIVE OU MULTIPISTE ? LEQUEL CHOISIR ?

Pour tout musicien qui commence à se « débrouiller  » avec son instrument, l'étape la plus passionnante est de voir émerger son « talent  » à travers des enregistrements. Pour cela, il existe deux solutions : gérer l'ensemble des opérations en solitaire ou s'associer avec d'autres intervenants dans un esprit collectif. L'une et l'autre de ces solutions ont leur avantage et inconvénients. Plus précisément, elles ne sont ni pires ni moins mauvaises, à condition de bien cibler les objectifs du projet.


ENREGISTREMENT MULTIPISTE OU EN « DIRECT LIVE  » ?

Pour un musicien, détenir un enregistrement de sa performance en « direct live  » est toujours une bonne façon de se grandir artistiquement, voire pour s'autocritiquer. Beaucoup de musiciens s'en contentent. Néanmoins, seul face à son instrument, la dimension émotionnelle reste limitée, comme repliée sur elle même, puisque ce type d'enregistrement vous renvoie immédiatement à votre unique esprit critique. Dans ce cas, la « récompense  » attendue s'évalue sur deux plans : le jugement porté sur l'interprétation et la qualité de la prise de son.

Concernant justement la prise de son, il va de soi que les conditions pour réussir une performance en « direct live  » dépendent du matériel, de l'acoustique du local et du preneur de son (ou de vous même). Capturer un instrument, en connaissant parfaitement ses limites et ses caractéristiques sonores ainsi que la qualité phonique du lieu, relève d'une pratique technique accessible pour qui a un minimum d'expérience. Par contre, tout se complique dès que plusieurs musiciens doivent jouer simultanément car, dans ce cas, tout repose sur la réalisation d'une balance (mise à niveau) capable d'écarter tout imprévu, par anticipation, en fonction du jeu de chaque individualité.

© Los Muertos Crew (pexels.com)

L'autre option très prisée dans le milieu professionnel est l'enregistrement multipiste. Contrairement à la prise de son en « direct live  », l'un des avantages majeurs de cette pratique est de parvenir à mieux contrôler les incidences sonores des instruments en les enregistrant les uns après les autres, ce qui garantit, normalement, un meilleur contrôle du rendu sonore au détriment de la spontanéité et de la dynamique de la prise de son collective.

Cette comparaison entre les deux modes d'enregistrement porte à s'interroger sur cette habitude dictée par l'essor du matériel d'enregistrement. En effet, l'usage du multipiste soulève constamment la question de savoir si l'enregistrement séparé des musiciens représente réellement un avantage. À ceci, je répondrai que la majorité des musiques se défendent mieux quand tous les musiciens jouent ensemble. Elle sera plus dynamique et naturelle qu'en ayant recours à de savants calculs conduits pas à pas et piste après piste.

Mes propos ne visent pas à condamner l'enregistrement séparé, car celui-ci offre quelques avantages. Dans un enregistrement réalisé en collectif, personne n'a le droit à l'erreur, même infime. Si la prise est ratée, tous les musiciens doivent rejouer leur partie ! Par contre, avec un enregistrement multipiste, on peut gérer, si on le souhaite, chaque « partition  » individuellement, doser chaque effet ou rattraper le niveau d'un instrument en particulier. Cette approche technique assure une sécurité supplémentaire pour le musicien, car il sait qu'il peut recommencer sa partie sans remettre en question celles déjà « mises en boîte  ».


L'ENREGISTREMENT EN « OVERDUBBING  »

Prenons un exemple avec un groupe comprenant cinq musiciens. Une piste est réservée pour le chant, deux pour la guitare, autant pour le clavier, une pour la basse et disons quatre pour la batterie.

Dans les cas les plus courants, la première étape consiste à enregistrer la batterie (ou les percussions), car ce sont des instruments qui fournissent la base rythmique aux autres éléments. On utilisera plusieurs pistes de façon à dissocier les différentes percussions afin de doser leur dynamique respective. Dans le cas où aucune percussion ne serait présente, il faut s'en remettre à un instrument qui définit le rythme, comme une guitare d'accompagnement qui imprime, par sa régularité rythmique, la cadence. Cela peut s'appliquer également à un piano pour les mêmes raisons.

La seconde étape consiste à enregistrer la basse (notez que dans certains cas, la batterie et la basse sont parfois enregistrées simultanément, en « direct live  », pour une question de feeling). Basse et batterie constituent un arrière-plan sonore étroitement imbriqué. C'est le moteur.

La suite est plus aléatoire. Le clavier, puis la guitare (ou inversement) sont enregistrés. Le choix est souvent dicté par les écritures de l'arrangement. Généralement, la voix intervient en dernier, bien que de temps en temps une prise de chant non définitive, en off, puisse intervenir pour guider les effets réalisés lors de l'accompagnement par le guitariste et le pianiste. Guitare et piano sont aussi considérés comme des instruments d'arrière-plan.

© Brett Sayles (pexels.com)

C'est une fois que ces étapes sont réalisées que prennent part à l'enregistrement les pistes de premier plan, à savoir la voix et les solos (mise en avant). On les garde fréquemment pour la fin, car cela garantit à l'interprète un maximum d'autonomie en se reposant sur un solide accompagnement préenregistré.

Cette pratique technique que je viens d'évoquer s'appelle l'overdubbing. Elle se pratique depuis l'apparition des magnétophones multipistes à la fin des années 1960. Aujourd'hui, l'overdubbing peut être réalisé à l'aide d'un ordinateur équipé d'une carte son et de logiciels tels qu'Audacity, Cubase ou Pro Tools. Théoriquement, il n'existe pas de limite technique à cette pratique, si ce n'est le nombre de pistes à sa disposition ; une limite qui tend à s'éloigner depuis l'apparition du numérique. Du temps où le nombre de pistes se résumait à huit ou seize, dans le meilleur des cas, les studios faisaient appel au tracking, en copiant une piste (ou une partie) sur une autre, pour libérer de nouvelles pistes ; le seul inconvénient étant l'impossibilité de retoucher les pistes individuellement une fois l'opération réalisée.

L'AUTRE ALTERNATIVE

Il existe aussi une solution intermédiaire qui consiste à utiliser la prise de son en « direct live  » associée à celle avantageuse du multipiste. Par exemple, on enregistre d'abord la section rythmique en live pour la spontanéité, puisque dans ce cas, les divers intervenants s'alimentent de la musique jouée par les autres. Puis, on finalise l'enregistrement avec les parties solistes : les chœurs, les solos, la voix. Ce procédé est des plus intéressants, car il préserve en grande partie la dynamique collective, absente lors de prises de son individuelles, tout en conservant une souplesse relative sur le résultat final.

Dans le domaine de la MAO qui se pratique généralement en home studio, il reste évident qu'un enregistrement reposant sur l'emploi exclusif d'instruments électroniques, tels qu'une boîte à rythmes et des synthétiseurs, évite les désagréments de la prise de son acoustique en étant raccordés directement à la console. Néanmoins, la part qui revient à la coloration de chaque son ainsi qu'au mixage dépendra toujours de l'acoustique du lieu et des écoutes.

Un petit détail qui a son importance : dans le cas d'une prise de son en « direct live  », la capture de la voix ou d'un instrument acoustique réclame au minimum un micro, ce qui entraîne inévitablement la capture de sons environnants indésirables. C'est pour cette raison qu'il existe dans les studios professionnels des cabines insonorisées ou des paravents pour isoler musiciens et chanteurs entre eux.


NE SOYEZ PAS DÉFAITISTE !

Que vous vous destiniez à un enregistrement en solitaire ou en groupe, les problèmes se référant à la prise de son demeurent pratiquement les mêmes puisqu'ils impliquent la nature humaine et que celle-ci, dans son défi à obtenir la perfection à tout prix, oublie en cours de route les sautes d'humeur de chacun, les impondérables, la logique de l'un qui n'est pas logique de l'autre ou encore le stress mal géré qui n'arrange rien !

© Brett Sayles (pexels.com)

Il suffit de pas grand-chose pour qu'un enregistrement bascule du mauvais côté. N'importe quel preneur de son vous le dira. Une configuration mal étudiée peut faire toute la différence. Le traitement acoustique, qui pourrait nous entraîner extrêmement loin, questionne souvent quand, par exemple, l'enregistrement d'un piano ou d'une voix déçoit. Un manque de présence ou à l'inverse un manque de définition de l'image sonore conduit à toutes les suppositions inimaginables. Ainsi, si le problème ne provient pas d'un mauvais paramétrage du matériel, l'important est alors de trouver les réflexions néfastes qui peuvent être la cause : mur, sol, plafond, meuble, vitre, etc. Une tâche bien délicate, généralement réservée à des spécialistes en acoustique.

De même que le son se déplace mieux dans un air frais, la température du lieu peut aussi engendrer quelques problèmes concernant la maintenance du matériel. Pour ces mêmes raisons, les propriétés acoustiques du local peuvent changer et réduire alors à néant les précédents réglages du matériel. Le froid, la chaleur, voire l'humidité, ont également des répercussions dans le jeu du musicien.

Pour autant, il ne faudrait surtout pas oublier, qu'au final, il existe bien plus de sonorités de piano, de guitare, de basse ou de batterie gravées sur disque qu'il subsiste de modèles et de marques. Ce constat, sans appel, démontre la richesse du sujet et sa complexité. La prise de son réclame de l'expérience, de la pratique, mais aussi de la compétence puisque, pour peu que l'oreille guide ses mains, le technicien son doit tenir compte, en plus des spécificités sonores de chaque instrument, de l'acoustique du lieu et des interactions du matériel dont il a la charge. Pas facile, tout ça !

par ELIAN JOUGLA (Piano Web – 03/2023)


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