LES QUESTIONS DU CANDIDE



AVOIR DES DOULEURS EN JOUANT DU PIANO

De temps en temps, nous recevons des questions liées aux douleurs ressenties en jouant du piano. Si le problème n’est pas nouveau, le silence qui l’entoure semble indiquer que la question, sans être tabou, demeure secondaire. Pourtant, les pianistes ayant rencontré un jour des douleurs dans les doigts, un engourdissement des bras ou une raideur à la nuque sont nombreux. La douleur serait-elle alors un mal nécessaire pour atteindre la technique des hautes sphères ?


CERNONS LA DOULEUR

Voici la première question que tout le monde devrait se poser avant d’aborder un instrument : « Est-ce que ma morphologie est capable de s’adapter à l’instrument que je souhaite pratiquer ? »

Dans le monde de la musique, le talent n’attend pas le nombre des années. Or, notre corps a de son côté d’autres préoccupations, dont la plus importante est celle de s’allonger, de s’étirer durant sa jeunesse et de vieillir à l’âge adulte dans de bonnes conditions. Étant donné que notre corps à une « mémoire », il conserve toutes les exagérations qu’on lui fait subir pour nous les ressortir des années plus tard : mauvaise position, geste répété, etc. entraînant des handicap plus ou moins sérieux. L’apprentissage d’un instrument de musique doit ainsi se prévaloir comme n’importe quelle autre pratique d’un minimum de précautions quand son usage devient intensif.

© pixabay.com - La vigilance de l’enseignant est primordiale. Son rôle est de prévenir.

Si un jeune danseur travaille sans autre intermédiaire que son corps, jusqu'à sa taille adulte un pianiste est face à un paradoxe : il doit faire son apprentissage musical sur un instrument taillé pour les adultes. Aujourd’hui encore personne ou presque n’y trouve à redire, pas même les pianistes professionnels, ce qui est un comble ! Des générations de bambins continueront de souffrir dès le départ de cette ineptie, de cette injustice qui conduit parfois à abandonner malgré la volonté de quelques pédagogues à vouloir faire « comme si ce n’était pas grave » et que l’on peut traduire sournoisement par « j’y suis bien passé »

Le pire du mal étant la fatalité, il est important de rappeler cette loi physique (parfois si injuste que des inventeurs d'un autre temps imagineront l’inimaginable) selon laquelle ce n’est pas à l’instrument de s’adapter à son utilisateur, mais tout le contraire. Ce constat, si criant de vérité, a depuis conduit des pédagogues à produire des tas d’exercices dit « pratiques » pour conformer les doigts à la forme et à la résistance d’enfoncement des touches… et dont les conséquences parfois/souvent néfastes – je le rappelle - ne se révèlent généralement que très tardivement chez la personne par des maux persistants.

Comme vous voyez, la question est épineuse et peut être lourde de conséquences. Le travail intensif d’un instrument – plusieurs heures par jour - devrait être aborder à la façon d’un sportif pratiquant, avec la même bienveillance et les mêmes précautions d’usage... ce qui toutefois ne vous place à l'abri d'un "accident de parcours" mais réduit quand même les risques.

Chaque instrument possède sa propre « prise en main ». Préalablement, une « mise en garde » à défaut d’une interdiction devrait être évoquée si l’enseignant juge que la morphologie de l’élève n’est pas adaptée. C’est une question d’honnêteté mais aussi de responsabilité. Le problème morphologique concerne tous les instruments. Le violoniste, le trompettiste, le guitariste comme le batteur ou le pianiste peuvent être confrontés un jour à des problèmes de douleurs directement liés à leur pratique quotidienne mais aussi, et surtout, en raison de leur « faiblesse morphologique naturelle » Cette faiblesse doit être diagnostiquée, révélée et transmise à l’intéressé avec bien sûr les précautions d’usage pour ne pas le froisser ou le blesser. Toute insuffisance physique liée à l’instrument devient un frein à l’épanouissement et à l’accès à un niveau supérieur. Aller contre ça, c’est aller contre soi-même.

Si le trompettiste cherche à préserver le bon état de ses lèvres (comme celle de sa dentition), le violoniste veillera à ce que l’épaule qui maintient l’instrument des heures durant ne vienne pas un jour le rappeler à l’ordre, c’est-à-dire d’avoir eu un maintien non pas académique comme celui qui consiste à respecter le « parfait manuel d’éducation musicale », mais répondant à une attitude corporelle respectueuse de sa personne, de son physique. De son côté, le pianiste aura aussi ses propres difficultés. Pour celui qui aura de petites mains, une déformation n’est pas à exclure. Le pouce aura tendance à s’ouvrir davantage vers l’extérieur au repos ; une simple conséquence directement liée au jeu exercé sur le clavier : arpège, accord en dixième par exemple.

Lire : La taille des mains au piano, tests et dispositions naturelles.

© pixabay.com - L'intervalle d'octave est un minimum pour affronter une grande partie du patrimoine pianistique. Sur la photo, vous remarquerez la position du pouce au bord de la touche, preuve que l'extension maximale est atteinte et que nous sommes en présence d'une main adulte de taille moyenne.


COMBATTRE LE MAL À LA RACINE

Savez-vous que de nombreux musiciens professionnels souffrent de douleurs musculaires ?

Communément appelé « troubles musculo-squelettiques », nous discernons principalement la tendinite, bien connu des sportifs - qui peut se soigner avec des séances d’ultrasons -, mais pas seulement et, bien plus ennuyeux, le « kyste synovial » qui apparaît chez le pianiste sur le dos de la main, au poignet ou à la base des doigts. Cette grosseur est suffisamment douloureuse pour n’avoir qu’un seul désir, celui d’arrêter l’instrument. Le « hic », contrairement à la tendinite, c’est que son apparition est tardive et que sa marge de guérison après opération reste hypothétique si l’on continue à pratiquer l’instrument avec la même intensité.

La plupart des douleurs sont dues à une pratique forcenée, à des gestes et des mouvements mal contrôlés ou à un clavier trop dur vis-à-vis de sa préparation musculaire. Tous ces facteurs occasionnent des tensions parasites, souvent source de raideur, de picotements. À ceci s’ajoute le stress, les angoisses, autant de manifestations psychologiques qui accélèrent, voire aggrave la sensation douloureuse.

Sans une préparation adéquate, le risque est bien réel. Bien souvent le problème de la douleur surgit qu’au moment des faits, quand c’est trop tard, que le mal est déjà là et que l’on ne sait pas toujours comment faire pour le combattre efficacement. Si le repos est souvent conseillé, il ne s’accorde pas toujours avec la vie du musicien. Dans le cas d’une douleur modérée, la tentation de poursuivre la pratique instrumentale prend le dessus. Grave erreur ! Une douleur diffuse mais légère peut devenir à la longue un problème psychologique handicapant, un blocage allant jusqu’à développer un manque de confiance en soi au moment de poser les doigts sur l’instrument.

Toute forme de douleur a une origine et celle-ci ne doit jamais être minorée ! Dans un premier temps, il est important de connaître sa source : est-ce mécanique, c’est-à-dire physique ou est-ce une manifestation purement émotionnelle ? Généralement, quand la douleur persiste, et même quand elle se déclare qu’épisodiquement, la sagesse serait de ne pas attendre et d’aller consulter. Pour vous y aider, il existe des professeurs de médecine spécialisés dans les maux liés à la pratique instrumentale.

© pixabay.com - L’arrivée des synthétiseurs et de leurs claviers à ressort ont révélé dans le monde du piano le rôle joué par le toucher, sa dureté et sa réponse à l’enfoncement. Lire : Le toucher, du piano acoustique au synthétiseur.


VERS UN AVENIR PLUS RADIEUX

Comparativement à un passé récent qui ne faisait pas grand cas des problèmes liés à la morphologie, nous assistons aujourd’hui à une plus grande écoute vis-à-vis des handicaps soulevés par les jeunes musiciens. Les professeurs collaborent de plus en plus avec des professionnels du corps médical, notamment les ostéopathes et les kinésithérapeutes. Armé de quelques notions élémentaires, l'enseignant peut ainsi éviter certaines erreurs de placement, de position et d’exercices inutiles, voire dangereux à court et moyen terme.

Étant responsable de l’avenir artistique de son élève, tout professeur de musique doit d’être avant tout un observateur plutôt qu’un critique forcené manquant de souplesse. Les parents doivent être également vigilant au respect du corps de leur enfant. Sans entrer dans le détail des positionnements, qui varient d'un instrument à l'autre, une douleur est un signal qui doit les alerter. Si la pratique est d’une demi-heure par jour, le risque est minime. En revanche, un travail plus intensif peut conduire à l'aggravation d’un problème naissant et imposer une interruption rapide des études.

Lors de l’enfance et de l’adolescence, le corps est en phase évolutive. Le risque est bien présent et il ne faut pas le négliger. Hélas, de nombreuses pathologies se révèlent quand la foi en la musique s’est enracinée chez l’élève. C’est alors une déchirure. De nos jours, les pathologies liés à la pratique musicale sont répertoriés, connues. La vigilance voudrait que l’on rejette violemment tout enseignement qui ne tiendrait pas compte des règles de fonctionnement du corps et du psychisme. Tenez en compte pour votre enfant, mais aussi pour vous-même si vous commencer à pratiquer tardivement la musique, personne n’étant par nature à l’abri d’un 'accident de parcours'.

par ELIAN JOUGLA

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