HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



IL ÉTAIT UNE FOIS LA MUSIQUE SUR ORDINATEUR (HISTOIRE)

À partir des années 80, alors que la micro-informatique n’est pas aussi répandue qu’aujourd’hui, celle-ci va apporter aux musiciens un sentiment d’autonomie en les assistant dans le domaine de la musique. Pour le commun des mortels, au-delà de son usage familier en bureautique, la micro-informatique reste un domaine complexe qui s’adresse surtout à des experts familiers des langages codés...


REJOUER DES SONS AUTOMATIQUEMENT, UNE VIEILLE HISTOIRE !

Le premier objectif de la musique assistée par ordinateur sera de parvenir à programmer des sons, pour ensuite les transformer en données et les jouer sans intervention humaine. Cette idée-là n’est pas nouvelle. Elle est même ancienne. En remontant dans le temps, l’homme voulait déjà que la musique se prenne en main toute seule. Les automates ne sont-ils pas un bel exemple avec leurs engrenages mécaniques ? Et que dire du côté chic des boîtes à musique ! Ne feront-elles pas fureur ? Même le piano prendra le relais à la fin du 19e siècle en devenant mécanique, parce qu’il était en mesure de « déchiffrer » et d’interpréter tout seul des partitions sur rouleaux.

Le grand saut dans l'inconnu viendra surtout avec l’électricité, ce qui mettra sur la touche les procédés mécaniques. La mystérieuse électricité engrangera d’abord l’éclairage des rues, des maisons, avant d’animer les salles obscures de cinéma. Cette affolante histoire des temps modernes s’accompagnera également des premiers instruments électromécaniques. Leur mise en valeur devait se poursuivre à l’ère des premières miniaturisations, de l’électronique à tout va, et des machines d'enregistrement et de reproduction sonore comme le magnétophone.

Arrivent alors les années 50 et les premiers ordinateurs qui sont d’immenses armoires qui précédent de leur calcul ce que le synthétiseur cherchera à imiter plus tard avec l'arrivée du numérique et de ses processeurs. Les claviers électromécaniques, comme l'orgue Hammond, cèdent la place à des instruments de plus en plus aux ordres du tout électronique. Seul le clavier et quelques boutons y échappent. Une chaîne ininterrompue d’inventions, de la plus sage à la plus farfelue, voit le jour. Rien ne sera plus pareil. Vingt ans plus tard, les adeptes des instruments à clavier électronique comprendront que la programmation est une étape majeure dans le rapport à la création. La MAO qui suivra, avec son lot de promesses, provoquera de son côté une totale refonte dans la manière d'aborder la composition.

© pixabay.com - Le processeur, il va tout bousculer !

Du point de vue du musicien, cette association historique avec l'informatique a pour défaut d'être trop parfaite sur le papier. Mathématiques ! Auraient pu s'écrier Pythagore ou Euclide. L’ordinateur, les signes de fatigue, il ne les connaît pas. Il apporte la précision des calculs et il est doté d'une mémoire infaillible, mais en échange, il gère les sons de façon totalement déshumanisée. Il obéit et calcule inlassablement des données, des paramètres, pour ensuite les restituer à la demande. "C'est démentiel !", pouvait-on lire dans quelques revues des années 60.

En effet, comment l’homme pouvait-il résister à une telle technologie ? La bien nommée micro-informatique est la première des technologies à bousculer en profondeur les habitudes du musicien, sauf que ce "nouveau monde" est loin d'être parfait !

Les synthétiseurs analogiques constituent un frein au développement des premières musiques informatisées. La source du problème provient de l’absence de communication directe avec l’ordinateur. Le principe fondateur était pourtant déjà tracé : la musique électronique avait pour mission de faire naître des nouveaux sons, tout en laissant entrevoir d’inusités concepts en matière de composition : gammes, accords, etc., l’ensemble résultant d’un automatisme à toute épreuve. Il ne fallait plus raisonner en notes, mais en sons ou plus exactement en évènements.

La révolution apportée par la musique assistée par ordinateur a surtout permis au musicien d'avoir un changement radical dans son rapport au son et à la création. Quand Chopin évoque dans ses œuvres un sentiment précis, il emploie des notes et des accords qu’il a méticuleusement choisis. De son côté, le synthétiseur agit autrement. Il joue sur le son pour faire naître le sentiment. Il crée de la musique figurative, d’atmosphère ; une valeur que les constructeurs comprennent rapidement et qu'ils vont s'efforcer d'apporter avec plus ou moins de bienveillance.


LA COMMUNICATION ENTRE SYNTHÉTISEURS

Alors que l’arrivée de la polyphonie s’impose à la fin des années 70, d’abord à 4 voies puis à 8 voies, un grand coup de pied dans la fourmilière des tenants du secteur va être donné par la grande firme américaine Sequential Circuits, en imposant sur le marché le premier synthétiseur programmable d’une utilisation relativement simple, le Prophet 5.

Toutefois, malgré la présence des premières banques sonores et de la polyphonie, l’évolution du synthétiseur est confrontée à un manque de concertation entre les marques leaders, ce qui conduit l’utilisateur à consulter davantage le mode d’emploi que l’instrument lui-même. Chaque constructeur enjoint ses normes pour des questions d’enjeux commerciaux et pour éviter aussi une concurrence trop directe. Le problème devient encore plus cornélien si l’on songe que tout ce matériel était destiné à communiquer ensemble !

Au début des années 80, le MIDI devait apporter la solution, du moins il apportait une première réponse à la standardisation des normes grâce à son interface en In, Out et Thru. Son arrivée a surtout permis à la musique assistée par ordinateur de faire un grand pas en avant en reliant les deux cerveaux, l’ordinateur et le synthétiseur, sans saute d'humeur. Bien des problèmes ont été résolus grâce à l’utilisation du “Musical International Digital Interface”. Ce genre de connexion conduira également à la réalisation de logiciels d’aide à la composition par d'ingénieux concepteurs de programme informatique.


DE LA FM À L'ÉCHANTILLONNAGE

Au début des années 80, avant l’arrivée des premiers échantillonneurs “grand public”, les claviéristes découvrent la synthèse FM. Une véritable révolution tant au point de vue sonore que dans la façon de programmer. La modulation de fréquence permet la création de sons très diversifiés avec un grain sonore très identifiable et dont le résultat est dû à des formules trigonométriques. Après des résultats plutôt moyens dans le domaine de la synthèse analogique, l’arrivée de la FM, par la pureté des sons obtenus et leur réalisme, poussera de nombreux claviéristes à entrer dans la course à la reproduction d’instruments acoustiques.

© Niels Heidenreich (Wilipedia) - Le synthétiseur FM Yamaha DX7IID

Puis, grâce aux progrès liés à la miniaturisation provoquée par les premiers processeurs, les musiciens se mettent à rêver… Et le rêve s’installe : créer des sons de toutes pièces, voire reproduire des sons d’instruments acoustiques. Les Anglo-Saxons et les Japonais comprennent le formidable enjeu qui se dessine à l’horizon. Les Français sont à la remorque et le resteront malgré d’audacieuses avancées et la présence de constructeurs audacieux (la société française RSF, créée par Ruben et Serge Fernandez à la fin des années 70, est le parfait exemple).

La théorie de ce rêve est la suivante : enregistrer un signal sonore analogiquement, puis le convertir en un signal numérique qui sera à son tour reconverti en signal analogique pour être entendu par un haut-parleur. Sur ce principe, les premières expériences révèleront que tous les instruments ne réagissent pas de la même manière. Certains offrent des discontinuités spectrales dues à leurs particularités mécaniques. Ils font apparaître des formants, c’est-à-dire des zones de fréquences renforcées quelle que soit la hauteur de la note jouée ; un défi que les premiers échantillonneurs tenteront de relever.

L'attrait pour cette nouvelle technologie nommée l'échantillonnage ou "sampling" ne se traduit pas seulement à travers ses capacités à reproduire des sons naturels, chez certains musiciens, elle s’explique aussi par une méconnaissance de ce que peut apporter la recherche sonore dans le domaine des musiques électroniques. Contrairement à un synthétiseur, le "sampleur" apparaît comme un moyen pratique de créer des sons sans trop se prendre la tête.

D'autre part, cet enregistreur des temps modernes est un outil fort utile en capturant et en reproduisant toute sorte de sons à une époque où le concept du home studio se propage à vitesse grand V. Désormais, dotée d'une configuration matérielle personnalisée avec aux commandes un MAC ou un PC, le musicien possède une totale autonomie et prise en main de sa production, de l'écriture à l'enregistrement jusqu'au mixage.


QUAND L’ORDINATEUR PREND LES COMMANDES

Contrairement au synthétiseur, qui est volontairement limité en utilisant des fonctions dédiées (ce qui est un avantage, car il permet à n’importe qui, ou presque, de savoir l’utiliser), l'ordinateur se pose en conquérant en proposant un système "ouvert", configurable.

L'apparition des premiers systèmes de notation musicale sur ordinateur témoigne de cette "ouverture" en assistant notamment le musicien autodidacte face à la contrainte des écritures. Le solfège, si indispensable pour comprendre certaines subtilités, prend alors un nouveau tournant et commence à s’étudier avec des programmes dédiés. Puis, toujours dans l’intention d’assister le musicien dans sa tâche, le centre opérationnel fera naître d'autres options utiles comme l’assistance à la programmation de sons complexes.

La standardisation de l’interface MIDI et la conception de périphériques de commande ouvrent une nouvelle façon de travailler la musique et suscitent l’élaboration d'œuvres créées chez soi en toute autonomie. Dans ce domaine, le 1040 ST de la marque japonaise Atari sera le premier à tirer son épingle du jeu par sa simplicité, son coût et son avant-gardisme, n’hésitant pas à concurrencer les imposants Windows et Mac.

© Stefan Didam (wikipedia) - Le micro-ordinateur 'Atari 1040 STE'

Conjointement à l’évolution des premiers synthétiseurs digitaux, le micro-ordinateur s’impose comme le cœur de tout un réseau d’instruments électroniques. Grâce à la connectique MIDI, les synthétiseurs dialoguent avec l’ordinateur. Branché à l’unité centrale, synthétiseur et boîte à rythmes se plient de bonne grâce à ses ordres. En un clin d'œil, tout tourne autour des possibilités du séquenceur. Composé à son origine de pistes exclusivement MIDI, il intègre désormais l'audio.

Toujours plus puissantes, les capacités de calcul permettent à l'ordinateur de transformer la vision des musiques de demain. Son emploi s'élargit sans cesse, s'amplifie, pour devenir un auxiliaire capital dans la mise en œuvre de tout un chapelet de musiques électroniques. En outre, l’ordinateur, et à travers lui le séquenceur, offre aux musiciens un relais efficace pour élaborer des musiques hautement complexes ; si complexes qu'elles dépassent le cadre même de la technique instrumentale pure.

En s'imposant, le micro-ordinateur venait de remplir sa mission : soulager le travail du musicien et lui permettre d’injecter seulement ce qu’il désire et rien d'autre. Deux bonnes raisons qui justifient à elles seules son succès planétaire.

LES PREMIÈRES COMPOSITIONS SUR ORDINATEUR

Malgré son offre généreuse, la musique sur ordinateur est restée longtemps confidentielle au cœur des studios de recherche. Le grand public ignorait ce qui se tramait derrière les murs. Les musiciens férus de sons électroniques livraient un combat pour faire naître d’autres approches dans le domaine de la création.

Les années cinquante se définissent encore à travers la musique sérielle ; une musique conquérante, révolutionnaire depuis qu’elle a grandi avec l’électronique vingt ans auparavant. Cette musique-là tente par tous les moyens de proposer des œuvres audacieuses, atonales, en partant de sons naturels à la succession rigoureusement préétablie et invariable appelée série. Puis l’usage du magnétophone produira une nouvelle onde de choc avec la “musique concrète” et ses moyens électro-acoustiques. La plupart des “trucages” feront date : couper et monter des bandes comme on le fait au cinéma, mais avec le son à la place de l’image, passer la bande à l’envers, jouer sur les vitesses de défilement, etc.

En 1956, Illiac (du nom donné à l'ordinateur) devient la première musique entièrement conçue par ordinateur. La performance tient autant du contrôle de la hauteur des notes que des sonorités produites. Le compositeur et l'ordinateur font cause commune. L’un et l’autre se nourrissent encore des règles traditionnelles de la musique alors que l'insatisfaction frappe déjà à la porte du laboratoire. Le désir de repousser les limites devient comme une évidence. La première sera de faire naître de nouvelles règles pour pallier la froideur de l’ordinateur, la seconde, de réagir comme les grands compositeurs classiques d'autrefois en s’affranchissant des règles contraignantes de la composition.

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 03/2022)


À CONSULTER

LA CONQUÊTE DE LA MUSIQUE ASSISTÉE PAR ORDINATEUR (MAC, PC ET ATARI)

APPRENDRE LA MUSIQUE GRÂCE À L'ORDINATEUR

COMPRENDRE LE 'MIDI : LE FONCTIONNEMENT IN, OUT ET THRU


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