MATÉRIEL DE MUSIQUE



LE SYNTHÉTISEUR ANALOGIQUE ET SA FAMILLE D’INSTRUMENTS, DU PRESET AU MODULAIRE

Le synthétiseur analogique est une grande famille où chaque modèle possède de notables différences tant au point de vue de ses usages que de ses performances. Il est donc capital au moment d’acquérir le clavier convoité de choisir celui qui sera parfaitement s’adapter à ses ambitions musicales présentes et futures.


QUELQUES CRITÈRES INFLUANT LE CHOIX

Le prix : au-delà des différents modèles proposés dans le commerce, la fourchette du prix n'est qu'un indicateur, même s’il est vrai que le prix influe - logiquement - sur les possibilités techniques offertes par l'instrument.

Le souhait du client : l'instrument doit répondre au souhait du client. Inévitablement, après avoir jetté un coup d'œil sur l'étiquette, vient l’instant où il faut envisager le rôle occupé par le synthétiseur : utilisation scénique, utilisation en home-studio, sans oublier le cœur de la machine : type de synthèse, programmation, édition, polyphonie, etc. Une diversité qui rend l’achat encore plus difficile. Un véritable labyrinthe qui décourage plus qu’il encourage.

Évaluer l'instrument : lors de l’achat, il est assez difficile d’évaluer un synthétiseur analogique dans un magasin - et encore moins à travers des démos. Si le son est là pour flatter les oreilles, Il faut surtout porter son attention aux particularités de la programmation qui peuvent parfois se révéler difficiles (pour l’histoire, le passage au numérique, via le DX7 de Yamaha a été un cas d’école. De nombreux utilisateurs s’en souviennent encore !).

Ensuite, les exigences du studio sont différentes de celles de la scène. Le synthétiseur peut être considéré comme l’élément essentiel au son d’un groupe jouant sur scène ou comme un outil auxiliaire pour réaliser une orchestration en studio ou chez soi. Dans le premier cas, le synthé doit être d’un réglage facile, ce qui exige un accès immédiat aux différents timbres par l’usage de banques programmées. Par contre, en studio, les impératifs sont différents puisque le rapport au temps n’impose pas nécessairement une approche aussi immédiate du son (quoique !). C’est dans ce cadre que le mode édition est consulté, analysé, décortiqué, et qu'il entre en action pour fabriquer des sons originaux.

© Skitterphoto pixabay.com.com - La tendance actuelle est de construire des synthétiseurs polyvalent, scène et studio.

En poursuivant l’investigation par famille et usage, le critère de la polyphonie (nombre de notes pouvant être jouées simultanément) offre un “capital” souvent recherché par le claviériste, car il détermine un type de jeu pour un certain type d’orchestration et d’usage (bien qu’il existe des synthés monophoniques qui ont toujours la côte pour des emplois précis).

Le design : il n’est pas un critère de choix essentiel, sauf s'il constitue un frein à la bonne manipulation de l’instrument. Suivant le constructeur, l’appareil adoptera une structure verticale (synthés modulaires), tandis que les préset (banque de sons) auront leurs commandes disposées de façon qu’elles soient facilement accessibles (souvent alignées par rangés à l’horizontale ou via un menu ouvrant sur différentes sonorités ordonnées).


LE SYNTHÉTISEUR BASIQUE OU D’ÉTUDE

Le synthétiseur d’étude correspond à un appareil simple d’usage. Tous les paramètres sont réglables à la main et il est équipé d’une structure fondamentalement immuable. Quelques possibilités d’action sont néanmoins présentes sur certains modules, ce qui permet d’entrer en mode d’édition, mais de façon limitée. La structure de l’instrument est donc insuffisante pour assurer les évolutions de tous les paramètres du son entrant dans sa constitution.

Le synthétiseur d’étude, comme son nom l’indique, est parfait pour s’initier aux principes de la génération d’un son. Ce sont souvent des claviers peu onéreux (< à 1000 €). Précisons toutefois que ce genre de clavier ne rime pas avec gadget et qu’il peut trouver sa place sur scène aux côtés de synthétiseurs bien plus performants.

Avec un tel clavier, il est généralement possible de régler la dynamique, la transposition et l’accord (tune), d’organiser les banques, de modifier le mode de polyphonie (enrichissement du timbre par division), de transformer l’enveloppe du son (ADSR), de changer ou d’annuler les effets intégrés et, dans certains cas, de retoucher certains filtres (oscillateurs, LFO…).


LE SYNTHÉTISEUR ANALOGIQUE À PRÉSET

De tous les membres de la famille des synthétiseurs analogiques, c’est le plus simple d’emploi. Un préset est un son préprogrammé par le constructeur. Il suffit d'appuyer sur le son nommé : orgue, violon, cloche, etc., pour voir jaillir le timbre qui lui est associé. Chaque instrument évoqué est censé être reproduit à la perfection en reprenant ses harmoniques et son enveloppe (attack, decay, sustain, release). Précisons toutefois que cette fidélité à l’original dépend de la volonté du constructeur, mais également de l’amplification et du traitement du son externe qui lui sont adjoints.

Le synthétiseur préset est un clavier dont on a supprimé la majorité des boutons de réglage. Le mode d’édition est absent ou limité au minimum : transposition, organisation des banques, par exemple. Certains appareils présentent toutefois quelques similitudes avec les synthétiseurs d’étude en proposant des réglages manuels et quelques fonctions supplémentaires. Hammond sera un précurseur en incorporant à son orgue ce type de synthétiseur. À noter que l’extension du clavier à préset conduira certaines marques à créer des claviers dits d’ensemble (cordes, cuivres, chœurs…), qui ne sont pas à proprement parler des synthétiseurs, mais des orgues électroniques dans leur conception.

© Korg - Datant de 1973, le miniKorg 700 S est un parfait exemple du synthétiseur à préset taillé pour la scène (ici une version améliorée du miniKORG 700).


LE SYNTHÉTISEUR MODULAIRE

Le modulaire est l’ancêtre des synthétiseurs analogiques, ce qui ne signifie pas que son usage est actuellement dépassé. Contrairement au synthétiseur câblé qui est constitué d’une suite de blocs fonctionnels avec des liaisons immuables, chez le modulaire, les liaisons ne sont pas réalisées et doivent l’être aux moyens de câbles ou de fiches.

En multipliant le nombre de modules, le synthétiseur devient évolutif et adaptable pour des applications pratiques. Généralement, les constructeurs proposent des appareils comportant un certain nombre de modules (fonctions) disposés dans une boîte préalablement configurée.

L’un des plus beaux exemples est le VCS 3 de EMS, synthétiseur semi-modulaire et compact sur lequel Jean-Michel Jarre a souvent “bricolé”. Il comprend 3 oscillateurs, un modulateur en anneau, un filtre pouvant travailler en oscillateur, un générateur d’enveloppe, un modulateur d’amplitude, un système de réverbération, un filtre de sortie sur deux voies de sortie, un générateur de bruit et des amplificateurs de sortie commandés en tension. La liaison entre les modules est réalisée non pas par des câbles munis de jacks, mais avec des fiches introduites sur une matrice de programmation. Par la suite, d’autres modèles s’illustreront et viendront enrichir l'histoire de la synthèse analogique. Citons l’ARP 2600, le Moog 55 ou encore Roland avec son système 700.

Le mode de fabrication du son repose sur l’interconnexion des modules. Il existe deux principes fondamentaux :

Le premier est à l’image du VCS 3 de EMS en utilisant la matrice de programmation. Sa formule est assez facile à mettre en œuvre (une fois que le principe est assimilé).

La seconde, la programmation par câbles et jacks, est plus complexe mais les liaisons facilitent l’approche : on sait d’où vient le signal et où il arrive, alors que pour la matrice tout est caché dans le synthétiseur. La matrice offre toutefois un avantage supplémentaire qui est celui de la programmation instantanée. Toutes les fiches peuvent être rassemblées sur une grille qui autorise un câblage rapide.

© wikipedia - le MS20 de Korg (1978), un synthé semi-modulaire idéal pour se familiariser avec la programmation par câbles et jack.


LE SYNTHÉTISEUR CÂBLÉ

Dans cette catégorie nous avons aussi bien les claviers à préset, que les polyphoniques et même les synthétiseurs d'étude puisque, par définition, tous peuvent être des synthétiseurs câblés. Cependant, par rapport aux synthés d’étude, ils détiennent des performances plus étendues et des possibilités plus nombreuses, ce qui entraîne logiquement un prix plus élevé.

Avec le synthétiseur câblé, les modulateurs en anneau font leur apparition, les effets se multiplient, la polyphonie augmente et les possibilités de programmation s’accroissent. Dès lors, il devient plus difficile de les programmer. Leur seul avantage par rapport à des synthés typiquement modulaires est de ne pas exiger de raccordements manuels (jacks ou fiches).

Comme pour le synthé basique, la diversité des produits proposés sur le marché est telle que les modèles ne sont pas comparables entre eux ; ce serait comme mettre en balance des analogiques tels que l’ARP Odyssey avec un Korg 800 ou un Minimoog avec un SH-3A de Roland.


L’INDISPENSABLE POLYPHONIE

À l’origine, le parc des synthétiseurs analogiques était constitué par des instruments monophoniques dont la vertu était d’être performant dans le domaine de la recherche sonore. Pour les constructeurs, la difficulté était de taille, sachant qu’un synthétiseur polyphonique, c’est un peu comme avoir sous chacun de ses doigts un synthé en puissance.

Les premiers modèles sont apparus avec l’essor des synthétiseurs dans les années 70. L’un d’eux a été le Polymoog. Celui-ci reprend la conception de l’orgue avec des générateurs de notes associés à des circuits intégrés spécialement conçus pour traiter individuellement le signal de chaque note. La polyphonie est absolue, c'est-à-dire totale. Avec le Polymoog, on peut appuyer sur toutes les notes du clavier à la fois... bien qu'il n'y ait aucun intérêt à le faire !

© pixabay.com - Le Crumar DS2 (1978). Sa particularité est d'être un synthé mono avec une section de cordes polyphoniques 44 voix.

Chez Yamaha, les premiers polyphoniques adoptent une autre technique qui repose sur la multiplication de synthétiseurs indépendants, à l’exemple du CS 50 comprenant quatre synthétiseurs (VCO/VCF/VCA) pour arriver au CS 80 et ses 16 ensembles.

Le but du synthétiseur polyphonique est de lentement se rapprocher des possibilités offertes par le piano : une polyphonie totale. La norme, qui était de 4 voies dans les années 70, passera de 8 à 32 dans les années 80 (ce qui signifiait déjà que le claviériste pouvait utiliser la pédale de sustain sans trop se sentir limité dans son jeu). Puis, pendant un certain temps, la polyphonie s’est stabilisée à 64 voies avant de doubler dans les années 2000. Cette richesse n’a été bien sûr possible que grâce à des processeurs toujours plus puissants.

Le synthétiseur polyphonique s’est imposé pour répondre à la demande toujours plus pressante de compositeurs qui ne plaçait plus musicalement le synthé en orbite autour d’un noyau essentiellement acoustique, mais au cœur de leur orchestration. Depuis, tout retour en arrière n’est plus envisageable, même si de temps en temps quelques synthétiseurs monophoniques sortent encore sur le marché pour des utilisations ciblées.


EN CONCLUSION

Ce survol rapide, qui coiffe les différents membres de la famille des synthétiseurs analogiques dans ce qu’ils ont de plus représentatifs en termes d’évolution et d’usage, est à relativiser depuis que sont arrivés l’échantillonnage et les studios virtuels. Néanmoins, et malgré les changements de décors et d’habitudes, le synthétiseur analogique demeure toujours un atout quand il s’agit de travailler sur la synthèse d’un son. Contrairement au sampling, la synthèse n’implique pas la notion de reproduction d’un son, mais elle agit fortement pour ouvrir la voie à la création de nouveaux sons. En fonction de la recherche musicale choisie, il existe toujours un modèle capable d’exaucer les vœux de chacun. Pour cela, il est essentiel de bien comprendre la « philosophie » du synthétiseur convoité, tout en rappelant au candide que le plus difficile n’est pas de comprendre son mode de fonctionnement mais d’obtenir le son désiré !

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 08/2023)


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