TECHNIQUE ET MAO



ROBERT MOOG ET SES ATTACHES À LA SÉRIE DES CASIO CZ

Les synthétiseurs Casio de la série CZ sont apparus au milieu des années 1980. L'un des plus illustres pionniers de la musique électronique, Robert Moog, estimait, au-delà de ses propres innovations, que les instruments numériques de la série CZ fabriqués par Cazio ne reniaient nullement leur attachement à la synthèse analogique, au point que le constructeur en fera écho dans la presse. De là, à nous y intéresser également, il n'y a qu'un pas !


UN COMBAT ANALOGIQUE CONTRE NUMÉRIQUE

La décennie des années 80 sera significative de l'arrivée des synthétiseurs numériques. Casio, comme Roland ou Yamaha, sera emporté par ce désir de courir après la perfection sonore, et ce, quels que soient les enjeux techniques pour y parvenir, programmation comprise.

Pourquoi Robert Moog trouvait-il captivant l'approche technique des synthétiseurs Casio ? En tant que « jeu de construction sonore », les CZ de Casio possèdent des paramètres de contrôle qui ne sont pas si éloignés, du moins dans l'esprit, des vénérables machines vintages. Par ailleurs, en dépit de leurs défauts bien connus, travailler avec de modestes synthétiseurs analogiques a toujours été une excellente école pour comprendre la portée de la synthèse sonore avant de poursuivre sur des instruments plus sophistiqués.

© Ivan Pope flickr.com – Bob Moog

La définition de la synthèse soustractive vue par Robert Moog semble claire. La voici : « Un générateur de sons analogiques, au sens large du terme, comprend un ou plusieurs oscillateurs qui produisent des ondes, un ou plusieurs filtres qui éliminent certaines fréquences et en accentuent d'autres, tandis qu'un amplificateur détermine le niveau général. Tous ces composants ou modules sont affectés par des signaux de commandes qui produisent modulations et enveloppes et qui définissent l'évolution d'une sonorité de son début jusqu'à son terme. » (source "guitare/clavier" octobre 1986)

Les pages que nous avons consacrées à la synthèse analogique sur "pianoweb" inspectent en détails les différents paliers qui permettent à un son électronique de prendre vie. La hauteur, la qualité (le grain sonore) et le volume sont des données que l'on retrouve dans tous les sons produits. Ainsi, grosso modo, en nous inspirant de la présentation de R. Moog, le signal de commande d'un oscillateur détermine le pitch (la hauteur), le filtre agit sur la brillance (le grain), et l'amplificateur (le volume) s'occupe des variations du gain général. Cela permet surtout à un musicien, quel que soit le synthétiseur analogique utilisé, de guider ses pas pour recréer un son existant ou pour en sortir un du néant.

R. Moog poursuit ses commentaires en évoquant à présent le versant numérique... « La technique numérique nous donne la possibilité de produire des ondes extrêmement complexes, ainsi que des changements tout aussi élaborés dans leur modulation et amplitude. Cependant, dans le traitement, on perd de plus en plus la possibilité de changer, rapidement et facilement, les propriétés de base d'un son pour obtenir exactement le timbre dont on a besoin. Tout algorithme de production sonore qui réduit la création d'un son à quelques paramètres globaux offre le potentiel de combiner la précision du numérique à la facilité de commande de l'analogique. L'algorithme employé par les Casio CZ en est un très bon exemple. »

© Tom Cowap wikimedia – Le CZ-101 a été le premier et le plus vendu des synthétiseurs de la gamme (plus de 68 000 ont été fabriqués). Pour maintenir une offre commerciale alléchante, le fabricant proposait un clavier de 49 touches seulement (soit quatre octaves). La particularité qui a concouru à son succès était sa capacité à se transformer en clavier bandoulière, un mode de jeu alors courant sur scène, mais aujourd'hui pratiquement disparu.


AU CŒUR DES CZ CASIO

Les CZ Casio sont au nombre de huit modèles : CZ-101, CZ-230S, CZ-1000, CZ-2000S, CZ-2600S, CZ-3000, CZ-5000 et CZ-1. Leur grand principe vient alors concurrencer la FM de Yamaha (la série des DX), et sera annoncé en fanfare par l'ingénieur Mark Fukuda sous l'énoncé "synthèse de distorsion de phase" (1). Cela signifiait que Casio utilisait la synthèse numérique sans filtre au lieu de la soustraction analogique traditionnelle, mais en remplaçant l'absent par une distorsion de phase élaboré.

Le véritable cœur de l'algorithme de modulation sonore des Casio CZ reste la commande de forme d'onde, au nombre de huit, harmoniquement riche. En plus des classiques dents de scie, carrées et à impulsions, la lignée des CZ a recours à des formes d'ondes subtiles, telles une double sinusoïdale, une demi-sinusoïdale et trois autres avec une résonance de filtre simulée : en dents de scie résonnantes, triangulaires et trapézoïdales.

© Cameron Parkins, pour Casio - wikimedia – Les huit formes d'onde de base du Casio CZ-1. Les formes d'onde non-résonnantes 1 à 5 peuvent cascader avec d'autres formes d'onde, ce qui permet d'obtenir trente-trois formes d'onde, les huit de base plus vingt-cinq en cascade.

R. Moog précise que « la chaîne sonore complète des CZ comprend deux branches identiques, chacune étant divisée en trois sections : un oscillateur dont les fréquences peuvent être modulées continuellement, un modulateur d'onde permanent, et un amplificateur doté d'un gain variable. Musicalement parlant, on obtient virtuellement le même genre de contrôle avec ces sections qu'avec la chaîne analogique VCO-VCF-VCA. »

1. La synthèse par distorsion de phase est une méthode de calcul introduite en 1984 par Casio dans sa gamme de synthétiseurs CZ. Dans ses grandes lignes, elle est similaire à la modulation de phase défendue par Yamaha sous le nom de "modulation de fréquence". Les deux approches ont en commun de modifier dynamiquement le contenu harmonique d'une onde porteuse sous l'influence d'une autre (modulateur), bien que les résultats obtenus par les deux méthodes soient assez distincts.

LÀ OÙ LES CZ CASIO PRENNENT LE DESSUS

La présence d'une enveloppe à huit segments (au lieu de quatre sur un classique synthé analogique, type ADSR) permet à l'utilisateur d'engendrer de subtiles variations sonores : écho, glissements de pitch, etc. Des effets qui vont bien au-delà des possibilités offertes par la simple enveloppe à trois segments : attaque, decay, release.

Dans l'intention d'obtenir des sons d'une autre nature que les synthétiseurs analogiques, la chaîne sonore des CZ est constitué de « deux branches » oscillateur/générateur d'onde/amplificateur. Elles sont indépendantes et permettent un réglage commun ou différencié. De cette façon, elles peuvent avoir les mêmes propriétés sonores ou pour une autre configuration, avoir chacune un comportement différent. Il est même envisageable de créer de brèves sonorités complexes qui, additionnées, se traduisent par un effet de percussion. Ensuite, rien n'empêche de désaccorder en sortie l'une des deux branches par palier d'1/60 de demi-ton, de manière à épaissir le son.

En résumé, la voix de base des CZ se traduit par un son à deux oscillateurs et six enveloppes. Précisons dans ce survol, que quatre voix peuvent être jouées simultanément sur les exemplaires CZ101 et 1000, comme le feraient huit voix qui utilisent un seul oscillateur... Et qu'il est également possible de superposer deux voix distinctes, ce qui donne quatre oscillateurs et 12 enveloppes ! De quoi obtenir des sons solos très riches, harmoniquement parlant.

© Cameron Parkins, pour Casio - wikimedia – Le Casio CZ-1.


LE RÔLE JOUÉ PAR LE MIDI

Robert Moog attire notre attention sur le développement apporté par l'interface MIDI : « Les Casio CZ offrent un mode mono MIDI, ce qui signifie qu'en utilisant un contrôleur externe approprié, chaque voix peut être jouée avec un son différent. Si vous désirez construire une voix solo très « épaisse », par exemple, vous pouvez faire en sorte que votre contrôleur transmette la même information Note-on, mais avec des commandes de preset différentes, sur quatre canaux MIDI consécutifs. » Rajoutons que les CZ ont une implémentation MIDI poussée puisqu'il est possible de changer les presets, de modifier le pitch-bend ou la durée du portamento.


EN CONCLUSION

Aucun synthé ne pouvant tout faire ou tout exécuter, les CZ souffrent de quelques faiblesses, ou plus exactement de possibilités absentes vis-à-vis des modèles analogiques, comme le LFO qui n'est pas de taille à contrôler l'onde numérique (DCW). Néanmoins, comme précisé par R. Moog, les CZ ont pour eux la capacité d'empiler deux sons différents via la fonction "Tone mix" résultant d'un fonctionnement monophonique, généralement nommé "unisson" sur les autres synthétiseurs polyphoniques.

Des modèles de la série CZ, le CZ-5000 avait retenu notre attention au point d'être décrit dans le site. VOIR ICI. Toutefois, le CZ-1 est certainement le modèle le plus avancé en proposant, entre autres, le doublement de la mémoire, la vélocité et la sensibilité à l'aftertouch au clavier ainsi qu'un écran rétroéclairé. Contrairement au CZ5000, il ne lui manquait plus que le séquenceur pour s'exprimer pleinement.

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 07/2023)


À CONSULTER

SON ANALOGIQUE, SON NUMÉRIQUE, QUELLE DIFFÉRENCE ?

LES CONTOURS DU SON ANALOGIQUE ET NUMÉRIQUE

DU SYNTHÉ ANALOGIQUE AU SYNTHÉ NUMÉRIQUE MODULAIRE


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