PÉDAGOGIE



APPRENDRE LA MUSIQUE AVEC ORDINATEUR ET PROGRAMMES VIRTUELS

Aujourd'hui, dans le domaine de la MAO (Musique Assistée par Ordinateur), le parc sans cesse croissant des programmes éducatifs occupe une place non négligeable. Outre les CD-ROM et autres DVD, la démocratisation de l'Internet à haut débit a suscité la naissance de nombreux sites spécialisés, entraînant dans leur sillage de nouveaux comportements et de nouvelles addictions.


ÉTUDIER LA MUSIQUE DANS UN MONDE VIRTUEL

Pour les mordus de MAO, aborder l’étude de la musique en s’entourant d’outils informatiques est dans la logique des choses. Pour ces utilisateurs qui passent le plus clair de leur temps derrière l’écran, ce genre d’enseignement offre divers avantages dont celui de la flexibilité. On étudie à son rythme et au moment où l’on souhaite.

En MAO, nous avons le choix entre trois supports : les physiques, comme le CD-ROM et le DVD, les virtuels, correspondant aux programmes installés sur ordinateur, et les sites d’enseignement sur Internet avec ou sans 'cyberprofesseur'. Dans la pratique, ces trois formes d’apprentissage peuvent se révéler complémentaires, chacune possédant ses avantages et ses inconvénients. Toutefois, pour éviter certaines confusions dans les connaissances, la personne débutante aura tout intérêt à n'utiliser qu'un seul support pédagogique. Pour découvrir la méthode d'apprentissage qui lui convient le mieux, elle choisira un même sujet qu'elle testera sur les différents supports. Cette façon de procéder est de loin la meilleure que je connaisse.

LES CD-ROM ET DVD

Les CD-ROM et DVD ont généralement la côte. Ce sont des objets faciles à utiliser, et ils ne requièrent pas de connaissances particulières pour les exploiter avantageusement. Les CD-ROM/DVD proposent généralement des contenus bien délimités avec de temps en temps quelques ‘ouvertures’ vers le site Internet de l’éditeur pour prolonger et accroître le travail conduit en amont. Les références aux auteurs sont bien visibles, ce qui confère à l’objet un certain sérieux. Parfois, le CD-ROM/DVD se décline en plusieurs volumes constituant une véritable encyclopédie du savoir. Ce genre de collection existe dans de nombreux styles de musique contemporaine : blues, jazz, rock, etc.


LES PROGRAMMES MUSICAUX SUR ORDINATEUR

Les programmes installés sur ordinateur s’adressent plutôt aux manipulateurs de souris. Ils offrent des possibilités bien plus grandes que la seule utilisation du CD-ROM/DVD. Généralement, les programmes sur ordinateur utilisent les possibilités de l’informatique pour offrir une plus grande liberté d’action. Rien n’empêche l’utilisateur de tester ses connaissances ou ses réflexes à travers différents jeux. C’est là, un des multiples avantages de l’interactivité apportée par l'ordinateur.


L'ENSEIGNEMENT DE LA MUSIQUE SUR INTERNET

Tout en offrant une très grande diversité, l’enseignement sur Internet est certainement le support le plus critiquable. En effet, les solutions proposées côtoient souvent l’utile et l’inutile, l’honnête et le malhonnête, le sérieux et le pas sérieux. Même si la flexibilité et la gratuité orientent certaines personnes à choisir cette forme d’apprentissage, on ne peut condamner celui ou celle qui demeure sceptique face à des sites aux programmes mal définis. Toutefois, avec ses 15 ans d'âge, l’enseignement en ligne est encore jeune. Devant lui se dresse un grand avenir. Dans quelques années, quand le très haut débit se substituera au haut débit et que les problèmes de latence d’images appartiendront au passé, nul doute que des changements importants se produiront sur la Toile.



LE FOND ET LA FORME

L’un des premiers objectifs d’un programme éducatif, qu’il soit proposé sur Internet ou sur CD-ROM/DVD, est de transmettre des connaissances en utilisant des moyens généralement ignorés par l’enseignement traditionnel : vidéos, jeux interactifs, schémas animés, etc. Il doit proposer dans la mesure du possible un aspect divertissant ou novateur tout en se basant sur des valeurs éducatives fondées. Le plus souvent, il faut faire vite oublier ce qui pourrait agacer ou ennuyer, et proposer à la place des solutions plus accrocheuses. Ce sera, par exemple, une série de questions tests pour obtenir un avis sur son niveau ou la possibilité de jouer à plusieurs à la façon d’une compétition.

La principale clientèle étant le musicien débutant, certains éditeurs et concepteurs de programmes n’hésitent pas à manipuler le champ de vision de la connaissance musicale et de sa pratique en éludant certains points sensibles jugés trop techniques ou trop complexes. Les explications sur le contenu des cours sont bien là, mais la dimension musicale avec ses aspects philosophiques et spirituels est rarement prise en compte. Ces valeurs pouvant être soumises à controverse, elles sont ignorées, malgré les lourdes conséquences qu’elles peuvent entraîner.

Les programmes d’apprentissage musical en MAO agissent le plus souvent comme des méthodes, en proposant une approche basée essentiellement sur de la technique. Ils développent plutôt des réflexes mécaniques que des attitudes réfléchies. On vous explique comment faire, comment devenir un être performant, mais pas où la pratique vous conduira. Si vous décidez de poursuivre tel ou tel programme, c’est sous votre seule responsabilité.

Ces différentes prises de position démontrent à quel point il est difficile de trouver un point d’accroche entre réalité et virtualité. La frilosité règne. Quand il s’agit de mettre en pratique des notions musicales, certaines questions surgissent : Que faut-il penser d’un programme si celui-ci conduit son utilisateur dans une dimension qui ne reflète pas ce qu’il découvrira réellement dans la pratique instrumentale ? S’il n’est pas assisté par un professeur, est-ce que l’utilisateur sera en mesure de faire la part de l’acquis virtuel pour le projeter dans du concret ?... Rien n’est moins sûr !

Les programmes éducatifs en MAO qui ne datent pas d’aujourd’hui – pour ne citer qu’un exemple, ‘Amadeus’ était un programme sur disquette pour ordinateurs Atari au début des années 80 – n’ont toujours pas apporté de réponse crédible. Ils sont plutôt considérés avec méfiance par l’enseignement traditionnel, qui voit dans ces formes d’apprentissage une sorte de danger mettant en péril certaines valeurs éducatives. Le malaise provient aussi de leur utilisation, qui est parfois inadapté au profil de l’utilisateur : trop technique ou à l’inverse trop simple.

L’ENSEIGNEMENT EN LIGNE AVEC CYBERPROFESSEUR

Face aux CD-ROM et DVD qui ne sont pas en mesure de contrôler l’acquis et où l’utilisateur devient son propre juge, certains sites d’enseignement en ligne ont su rebondir à ce manque en proposant une assistance par courriel ou/et par visioconférence. Cette offre est loin d’être négligeable, car elle permet de créer une passerelle entre deux modes d’apprentissage, l’un virtuel – où l’on apprend tout seul - et l’autre bien réel – où la communication est nécessaire. L’apprentissage musical en MAO traditionnellement replié sur lui-même, s’ouvre alors aux informations venues de l’extérieur. L’élève MAO en difficulté n’est plus seul. La présence du ‘cyberprofesseur’ avec ses conseils avisés instaurent le lien indispensable. La dimension musicale est renforcée en prenant pied dans la réalité.

Déjà mis en place depuis quelques années dans quelques pays (Canada, États-Unis) l’enseignement avec ‘cyberprofesseur’ rencontre un certain succès – consulter : L’enseignement musical à distance - Dans ce cas de figure, les programmes pédagogiques sur support informatique ne sont que des outils secondaires servant d’appui à la pédagogie conduite par le ‘cyberprofesseur’.

Dans quelques années, il y a de fortes chances pour que la pratique des cours traditionnels à domicile disparaisse peu à peu pour laisser place à cette forme d’apprentissage à mi-chemin du virtuel et du réel. Face au stress de la vie quotidienne, au manque de temps, aux loisirs qui se multiplient, l’enseignement musical à distance a toutes les chances de s’implanter durablement. Bien que la proximité ne soit que virtuelle, le professeur sera là, par écran interposé, apte à conduire, à expliquer et à développer ses cours comme si vous l’aviez à côté de vous.

LE CONTENU DES PROGRAMMES MUSICAUX ÉDUCATIFS

Généralement, le ton est donné dès le sommaire. Le style et la forme de présentation, plus ou moins austère, donnent une indication de ce qui va suivre. De cette observation, nous pouvons diviser les programmes d’éducation musicale en deux clans : ceux qui viennent se substituer aux méthodes d’apprentissage classique de la musique et ceux qui sensibilisent l’individu à la musique. Les premiers, les plus téméraires, affrontent les écueils de la connaissance théorique et des exercices techniques - quitte à faire ressortir l’aspect scolaire - tandis que les autres conceptualisent avant tout la notion de divertissement musical par une accroche plus commerciale.

Sorte de récréation des temps modernes, les programmes éducatifs virtuels cherchent à répandre la notion de facilité, du tout, tout de suite. Par exemple, les disciplines refuges de la musique que sont la musicologie, l’harmonie, la pratique du rythme ou la lecture de notes, sont souvent là, rassemblées ou disséminées à travers plusieurs chapitres. Ensuite, pour séduire le plus grand nombre, l’attitude commerciale penchent plutôt vers des œuvres populaires. Rien d'étonnant à cela, me direz-vous. Les partitions sont de plus accompagnées de schémas, de photographies, voire de vidéos qui vous expliquent pas à pas les principales difficultés.

Les programmes proposés puevent être spécialisés ou ‘à la carte’ : ‘Découvrez le blues en 10 leçons’, ‘Apprenez la musique classique auprès des grands maîtres’, ‘50 exercices pour avoir une oreille juste’, ‘Jouer les grands solos du rock’, ‘Apprenez l’accompagnement au piano’, etc. Tels pourraient être le slogan commercial de quelques CD-ROM/DVD. Si le cœur vous en dit, il est donc facile de se constituer une bibliothèque virtuelle consacrée à la connaissance musicale et à sa pratique. Face à cette abondance, en cas de lassitude, il vous suffit de lancer un autre programme, et vous voici transporté dans un autre univers.

Tout cela est bien alléchant, n’est-ce pas ? Pourtant, cette liberté déconcertante n’est pas exempte de reproche en perturbant notre comportement ou en modifiant nos propres valeurs. Mais le défi est lancé, même s’il a un goût amer.

Face aux enjeux techniques qui construisent le musicien, comme les écritures et la pratique instrumentale, les programmes MAO surfent sur des valeurs pédagogiques avec un pied dans la réalité et l’autre dans les rêves… Or, les rêves du musicien d’aujourd’hui sont devenus des rêves de circonstance… La musique s’est tellement (mal) démocratisée qu’il faut toujours l’alimenter davantage pour qu’elle ne sombre pas dans une sorte de banalisation ou de routine. Aujourd’hui, on fabrique du neuf avec du vieux et personne ne s’en inquiète vraiment. La musique et les musiciens se croisent virtuellement sur la Toile sans se rencontrer. Quant à la MAO, qui pouvait être un nouvel eldorado dans le domaine de la création, est devenu un moyen technique sans âme et souvent sous-exploité.


LE POURQUOI DES PROGRAMMES MUSICAUX VIRTUELS

Dans les années 80, l’arrivée de la musique assistée par ordinateur va permettre à de nombreux compositeurs d’explorer de nouvelles façons de travailler la musique. Cette nouvelle approche fondamentale de la construction musicale du 20e siècle est longtemps restée l’œuvre de quelques passionnés d’informatique. Dans ce domaine, le cordon ombilical qui relie le créateur à l’enseignant a été inexistant pendant maintes années. Pourtant, les pistes pédagogiques étaient bien là. Un monde s’ouvrait, mais le monde de l’enseignement semblait vouloir l’ignorer.

Timidement, quelques musiciens et enseignants venus d’horizons divers se sont engouffrés dans ce nouvel espace, mais sans toujours tirer parti des avantages offerts, se contentant le plus souvent de reproduire ou d’adapter des schémas pédagogiques préexistants. Incité par de puissants enjeux commerciaux et dans l’objectif de satisfaire un maximum de personnes, l’enseignement virtuel a toujours conforté, à sa façon, ce qui existe déjà. La révolution musicale n’est pas pour demain, même si l’abondance des programmes est bien là !

Il ne faut pas bien sûr condamner les initiatives. Faire évoluer l’enseignement est même une priorité. Quand un professeur facilite le travail technique, qu’il amplifie le plaisir et qu’il ouvre de nouveaux horizons dans la tête de son élève, il est dans le vrai. Cependant, il doit toujours être conscient que garder le cap est essentiel pour lui comme pour son élève, et qu’il ne doit en aucun cas perdre le fil conducteur qui le relie aux notions fondamentales de l’apprentissage dans un monde bien réel.

Si je me pose cette question : 'Les programmes pédagogiques MAO sont-ils indispensables pour une meilleure compréhension de la musique ?'… Face à la quantité impressionnante de CD-ROM/DVD et de sites d’enseignement en ligne, il m’est facile de répondre par l’affirmative. Néanmoins, en y réfléchissant, et en faisant un rapide tour d’horizon des solutions proposées, vous ne verrez jamais la notion de ‘construction’ du musicien prise en compte de façon sérieuse.

Dans la plupart des cas, la concertation entre pédagogue, enseignant, concepteur et éditeur est d’une portée limitée. L’élan fédérateur est souvent brisé par l’anonyme loi de l’offre et de la demande. En conséquence, il est difficile de conceptualiser les programmes musicaux MAO comme étant des voies pédagogiques et artistiques autonomes. Les enjeux économiques modifient fatalement certaines ambitions, certaines idées qui ne verront peut-être jamais le jour. Dans le monde MAO, ce ne sont pas les technologiques qui freinent l’élan, mais seulement le calcul des retombés économiques.

Actuellement, les programmes musicaux virtuels ne sont que des charnières qui nous conduisent aux portes de la connaissance musicale. Ce ne sont que des relais qui nous promènent ou qui nous font surfer sur les fondamentaux de la musique. Incapables de se suffire à eux-mêmes, ils peuvent toutefois servir de point d’appui pour venir en complément de connaissances et de pratiques acquises par des voies plus traditionnelles. Dans ce cas, ils peuvent rassembler, dynamiser et fidéliser les musiciens autour de la connaissance musicale et de sa pratique. Ce qui, sur le fond, n’est déjà pas si mal !



L’ÉDUCATION MUSICALE VIRTUELLE… À LA CARTE

Au départ, le désir d’apprendre à jouer du piano ou de tout autre instrument dépend avant tout de l’image que l’on a de la musique et de son apprentissage. Le parcours sera étroitement lié à l’objectif : jouer seul entre quatre murs, sur une île déserte ou à plusieurs sur une scène. Cependant, lors des premiers pas, l’objectif fait encore partie des rêves et n’a pas de prise sur la réalité. En musique comme dans toutes les autres formes d’art, il est impossible de connaître par avance les enjeux. On ne peut que les imaginer. Si l’enseignant est absent et que le futur musicien recherche un moyen de substitution, les programmes MAO agiront comme un véritable aimant... La tentation sera de se dire : ‘Cela a l’air facile, alors pourquoi ne pas essayer ?

Toutefois, l’apprentissage des connaissances musicales et de leur pratique est beaucoup plus complexe qu’un simple mano à mano entre deux mondes qui s’affrontent, l’un réel et l’autre virtuel. Dans un tel contexte, la bonne attitude ne consiste pas à savoir qui a raison ou qui a tort, car, quel que soit l’enseignement pratiqué, il existe toujours en amont un individu avec sa personnalité, sa culture et ses idées.

Dans le domaine de l’éducation musicale, nous pourrions évoquer l’importance de la sensibilité et du caractère, mais aussi celui du corps, avec sa morphologie et sa souplesse naturelle. L’esprit et le corps forment un tout indissociable. Ils déterminent toujours une attitude qui met en lumière la relation directe de l’individu avec l’instrument pratiqué.

Comme l’enseignement MAO ne peut pas contrôler le terrain physique, c’est donc dans le domaine cérébral qu’il tente de faire sa place et que parfois il y réussit : travail de la mémoire, des automatismes… Les exercices audio et vidéo peuvent être répétés indéfiniment, là où un professeur aurait abandonné depuis longtemps.

Pour la personne qui utilise exclusivement les moyens informatiques, la contrainte des cours chez le professeur n’étant pas imposée, celui-ci a toute liberté pour conduire ‘à la carte’ son parcours musical, en bien comme en mal. Certes, les programmes MAO proposent des cours progressifs, une méthodologie à appliquer pour obtenir le meilleur résultat possible, mais c’est toujours l’utilisateur qui a le dernier mot. C’est donc très différent d’une approche traditionnelle qui, fatalement, oblige à une résistance plus grande. En premier lieu, celle du contact humain avec le professeur et qui peut entraîner des points de vue différents, voire des conflits.

Affronter le terrain de cette réalité-là, c’est peut-être ce que redoutent consciemment ou inconsciemment les utilisateurs des programmes virtuels. Ce ne sont pas toujours les moyens financiers ou les côtés pratiques qui emportent la décision. Ce qui est sûr, c’est qu’avec la propagation de ce type d’enseignement, c’est l’enrichissement humain, mais surtout la communication, si essentielle à la musique, qui se fragilise.

Par ELIAN JOUGLA



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