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‘BURNING PIANO’ OU L’ART DE JOUER SUR UN PIANO EN FEU

Alors que la musique produite en ce début de 21e siècle annonce sa révolution via l’intelligence artificielle, celle du siècle précédant n’en est pas moins surprenante par les œuvres diverses, audacieuses et éphémères qui l’ont traversée, comme en témoigne cette performance artistique composée par l'américaine Annea Lockwood intitulée 'Burning Piano' qui consiste à jouer sur un piano auquel on a mis le feu.


LE MOUVEMENT FLEXUS, ANTI-ART ET DÉRISION

À partir des années 1960, la musique contemporaine devait expérimenter de nouvelles approches sonores en justifiant chacune d’elles au nom de l’art, inventant si nécessaire un langage pour expliquer la démarche, l’intention et l’idée même du créateur.

Ce qu’il est proposé de voir ici tient à la fois de la musique, puisqu’un piano est utilisé, mais aussi du domaine de l’art éphémère. C’est la compositrice Annea Lockwood qui est à l’origine de la pièce qui provoque la destruction d’un piano par le feu.

La « philosophie musicale » de cette musicienne s’inspire du mouvement d’art contemporain 'Fluxus' qui est apparu dans les années 1960 et qui s’interroge sur les questions soulevées par les différentes formes d’art, leur place dans la société et le rôle joué en retour par les artistes. Ce mouvement est à l’origine de concerts originaux que l’on peut qualifier de « divertissements anticonformistes et sans lendemain » ; une façon de rejeter l’establishment d’une minorité intellectuelle qui, mieux qui quiconque, définit ce que peut être considéré comme une œuvre d’art.

Imaginé par l'éditeur et galeriste américain Goerge Maciunas, le mouvement 'Flexus' est une sorte d'anti-art. Il s'inscrit notamment dans une lecture souvent satirique et burlesque des rapports ambigus qui lie l’art à la société. C’est un laboratoire de pensée et d’action. Le mouvement 'Flexus' est dans la mouvance des courants artistiques initiés par le compositeur John Cage, le peintre Marcel Duchamp et plus globalement par les dadaïstes et surréalistes. Il est donc « normal » pour la compositrice américaine Annea Lockwood, adepte de musique électronique et de sons naturels, d’interroger le public en le plaçant face à lui-même quand il voit un piano en flammes ou quand l'instrument est plongé dans de l'eau pour en retirer d'autres effets sonores (Piano Drowning).

© Capture écran de la vidéo 'Burning Piano 2008'


PIANO BURNING

Composée en 1968 par Annea Lockwood, l’œuvre intitulée ‘Piano Burning’ repose sur des données précises, des conditions indiquant que la performance « devrait être faite avec un piano droit ; la structure est bien plus belle que celle d'un grand piano quand on la regarde brûler. Le piano doit toujours être un instrument irrécupérable, sur lequel personne ne pourrait travailler, qu'aucun accordeur ou reconstructeur ne pourrait réparer. »

Déroulement (théorique) : L'exécution correcte de ‘Piano Burning’ tient autant de la performance artistique que physique. Le pianiste doit tremper un papier en combustion dans un liquide inflammable préalablement déposé à l’intérieur du piano pour que celui-ci prenne feu. Ensuite, le pianiste s’installe sur la banquette et commence à jouer l’œuvre et doit poursuivre aussi longtemps qu'il lui est possible.


À PROPOS DE LA VIDÉO ‘BURNING PIANO 2008’

Déjà interprétée en 1973 par le pianiste japonais Yōsuke Yamashita dans un court-métrage intitulé ‘Burning Piano’ et réalisé par le graphiste Kiyoshi Awazu, Yamashita devait renouveler l’expérience en 2008 à l’âge de 66 ans. La vidéo nous montre le pianiste s'approcher du piano en étant vêtu d’une combinaison protectrice contre le feu, s’installant au piano et commençant à jouer tandis que petit à petit la fumée et les flammes s’échappent du piano.

Les images très impressionnantes ont été filmées au bord d’une plage du Japon, avec un public se tenant à bonne distance. Yōsuke Yamashita joue durant quelques minutes sur le piano jusqu’à ne plus percevoir de sons en provenance de l’instrument. À l’écoute, il est étonnant de constater que le son du piano meurt progressivement sans qu’aucune corde ne claque sous l’intensité de la chaleur. Seul le crépitement du feu finit par absorber la dynamique sonore du piano.

À l’issue du spectacle, Yamashita devait déclarer : « Je ne pensais pas risquer ma vie, mais j'étouffais presque à cause de la fumée qui pénétrait continuellement dans mes yeux et mon nez. J'avais décidé de continuer à jouer jusqu'à ce que le piano cesse de produire des sons. Même si je ne le pensais pas, cela a fini par être une bataille à la vie, à la mort entre le piano et moi. ».

Piano Web (10/2020)


YOSUKE YAMASHITA : 'BURNING PIANO 2008'

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