LES QUESTIONS DU CANDIDE



DEVENIR MUSICIEN QUAND ON EST ADOLESCENT

Ils sont ados et s’appellent Paul, Jacques, Léa ou Françoise. Une passion les réunit, celle d’apprendre la musique et de pratiquer un instrument. Dans de nombreuses familles, jouer d’un instrument reste avant tout un loisir qui ne doit pas mettre en danger les devoirs scolaires. Il ne faut surtout pas que les règles misent en place par les parents soient contestées, sinon la musique change de camp et devient rapidement une source de conflit…


DEVENIR MUSICIEN QUAND TOUT S’Y OPPOSE

De nos jours, grâce aux efforts consentis par de nombreuses municipalités, écoles et associations, la pratique d’un instrument est devenue aussi banale qu’une activité sportive. Pourtant, l’apprentissage de la musique, peut-être à cause de son image encore rattachée à certaines valeurs éducatives bourgeoises, a bien du mal à trouver une réponse satisfaisante lorsque, à l’adolescence, le désir récréatif se transforme en des objectifs plus ambitieux. Dès lors, des désaccords naissent entre parents et ados.

En France, l’image de la musique et des arts en général trouve quelques difficultés à se libérer des idées toutes faites. Bien souvent, dès qu'un adolescent souhaite devenir musicien, il ne tarde pas à comprendre que sa passion doit rester sagement à sa place, qu’elle ne doit surtout pas déborder du cadre imposé par les parents. Cela est d’autant plus vrai quand un des parents a pratiqué un instrument dans sa jeunesse et qu’il s’appuie sur sa propre expérience pour en faire une généralité (notamment lorsque l’expérience a été négative en étant semée de faux espoirs). Or, s’il existe une vérité dans la musique, c’est qu’elle s’exprime et se vit différemment pour chaque individu. L’expérience artistique est toujours personnelle, et le parcours de chaque musicien toujours une histoire à cœur ouvert ; un chemin dans lequel les expériences présentes et passées projettent leurs témoignages heureux ou malheureux.


LA POSITION DES PARENTS

Rêver de devenir musicien peut vite devenir une réalité absolue dans la tête d’un adolescent. La musique est souvent une échappatoire qui rime avec liberté et indépendance ; une façon de prendre une certaine distance avec l’autorité, que celle-ci soit parentale ou scolaire.

Pour les parents, les bonnes notes occupent une dimension théâtralement nécessaire. Idem avec les examens dont la réussite n’est pourtant qu’un instantané dans une longue vie semée d’embûches et de remises en question. Ces critères garantissent toutefois, aux yeux des parents, que leurs enfants suivent le bon chemin.

Quand la pratique d’un instrument est acceptée, elle ne doit surtout pas empiéter sur les devoirs scolaires. Jouer de la musique ne doit pas rimer avec perte de temps ! Alors que le sport est synonyme de défoulement avec, paradoxalement, une part d'initiative acceptée, la musique demeure une distraction cérébrale plus ou moins éphémère et dont la portée n'est pas toujours comprise.

Manquant de clarté - bien plus que le sport -, la pratique d’un instrument est souvent au centre des débats en soulevant de nombreuses questions. Parfois, en total désaccord sur le sujet, les parents s’opposent. Avant même de commencer quoi que ce soit, le père ou la mère pose les conditions de l’exercice sans savoir en réalité ce qu’apportera, en matière d’épanouissement, une pratique instrumentale sur le long terme. « D’abord les études, le choix d’un vrai métier et ensuite avec la liberté et l’indépendance acquise, notre enfant fera ce qu’il veut de la musique ! »

Une opposition de génération prend forme, avec un nuage sombre qui entoure l’avenir des enfants et qui angoisse les parents. Parler dans l’intention de « faire du bien », de responsabiliser et de protéger guide les paroles et précèdent les actes. Nous les connaissons ces phrases : « Te donner des cours, c’est un sacrifice pour nous », « La musique, c’est un monde de requin ! », « Être musicien, ce n’est pas un métier », « Les études d’abord, la musique après », etc. Mais la phrase certainement la plus discutable est bien celle-ci : « Il n’y a pas d’avenir dans la musique », comme si un domaine artistique, quel qu'il soit, devait se traduire et se transmettre comme un défi économique dénué de sens. Certes, la voix est difficile et l’a toujours été, mais qu’elle est la vocation qui, aujourd’hui, garantit une « stabilité permanente » pour toute une vie ?

Quand un adolescent exprime son envie profonde de faire de la musique un métier, il projette non pas des objectifs précis avec des estimations et des chiffres - il en est incapable -, mais il concrétise dans sa tête l’aboutissement d’un rêve face à un avenir morose qu’il redoute tout autant que les parents, mais qu’il exprime autrement.

Qu’il ou elle rêve de devenir guitariste, pianiste ou batteur, le problème reste le même, tout s’apaise généralement quand un des parents accepte le « deal » : soutenir tout en demeurant vigilant. Chez l’ado, le message est explicite : « La musique, c’est ma vie. Mes parents devraient être fiers de moi et m’encourager, plutôt que de m’interdire. »


LE PROF DE MUSIQUE

C’est dans ces moments-là que le prof de musique entre en scène et joue un rôle important en canalisant chez l’ado son désir de devenir musicien. Si une complicité naît entre l’enseignant et son élève, et s’il fait preuve de partage et de simplicité, l’apprentissage de la musique trouvera des ailes sur lesquelles l’ado pourra s’appuyer. Pour autant, un enseignant responsable et qui connaît le métier de la musique aura le devoir de dire, au moment opportun, les quatre vérités à son élève. Il le fera autant par respect envers sa profession, qu’il le doit à son élève. La voix de la sagesse et de l’expérience, de celui qui sait ce que vivre de la musique signifie, qui le vit présentement ou qui l’a vécu par le passé, devra trouver les mots en face d’un ado débordant de bonnes intentions. Dans tous les cas, le dialogue doit devenir le maître mot en étant franc et direct.

Pour l’enseignant, avoir un élève motivé est un vrai plaisir, cependant, en musique rien n’est simple, tout au moins il est parfois difficile d’expliquer avec des mots simples ce qui n’a pas marché pour soi : « Pourquoi la chance ne m’a jamais accordé de rendez-vous ? », « Pourquoi ai-je arrêté de jouer sur scène ? »« Est-ce que mon manque d'ambition est la cause de mon échec ? », etc.

Face à un ‘gamin’ mordu de musique et qui se berce d’illusions, l’enseignant a souvent bien du mal à trouver des explications rationnelles qui font mouches et qui touchent au cœur. Les rêves d’adolescent sont tenaces ; c’est comme un mur qu’il faut abattre pour atteindre l’autre côté, là où la raison l’emporte.


LE BERCEMENT DES ILLUSIONS

Dans un monde qui vit dans l’immédiateté, la pratique d’un instrument offre son paradoxe : elle réclame comme hier de la disponibilité, du temps. Cette accessibilité, qui n'est pas vraiment en phase avec un adolescent pressé d’aboutir, doit toujours faire naître un dialogue constructif et apaisé entre l’enseignant, l'élève et les parents. Il doit permettre, en fonction de l’évolution musicale de l’ado et de ses capacités, de redéfinir les objectifs, et surtout de dédramatiser une situation quand la communication passe mal.

Aujourd’hui, il est évident que les moyens de communication (Internet, réseaux sociaux…) ont redéfini l’image de l’apprentissage musical en offrant un plus grand nombre de possibilités : vidéos, cours interactif, visioconférence… Cependant, le miroir aux alouettes est toujours là, bien présent, comme renforcé par l’arrivée de ces moyens très attractifs.

Petit à petit, la vision du cours à domicile s'est transformée tandis que les écoles de musique ont dû s’adapter à ces nouveaux challenges pleins de promesses. Or, personne ne doit oublier que les bases qui construisent et d’où peuvent sortir - éventuellement – les musiciens de demain, prennent toujours leur source sur le même terrain fertile, au contact de celles et ceux qui savent, qui ont de l'expérience et qui partagent leur amour de la musique comme si rien d’autre ne devait exister, sans artifice ni béquille, et avec une générosité qui ne souffre d’aucune faiblesse... ce que ne peuvent garantir, à coup sûr, les relais techniques actuels, aussi performants soient-ils !

par ELIAN JOUGLA


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