HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



QUAND EDDIE VAN HALEN S’EMPARAIT DES CLAVIERS

Décédé en octobre 2020, Eddie Van Halen représentait aux yeux de nombreux guitaristes une sorte de Dieu, le genre de musicien capable de bousculer les habitudes au-delà des frontières délimitées par le connu. Or, le virtuose avéré de la six cordes possédait une autre arme secrète qu'il révèlera au public avec la sortie de l'album 1984 : sa passion pour les synthétiseurs.


EDDIE VAN HALEN : PIANO ET GUITARE, MÊME COMBAT !

Dans la vie d'Eddie Van Halen, il existait une autre histoire, moins célèbre, mais bien réelle, celle d’un Eddie Van Halen sagement assis derrière un piano en train de jouer du Chopin pour une bande de vieux académiciens bourrus.

© Neil Zlozower (source : "The van halen keyboard songbook", une preuve que Van Halen ce n'est pas que de la guitare !)

En tant que pièce maîtresse instrumentale d’un quatuor de heavy metal, le nom de Van Halen évoque certainement une image peu victorienne si l’on songe à sa posture de destruction satanique dans laquelle il s'était imposé en véritable maestro. Aucun guitariste, depuis Jimi Hendrix, n'a autant transcendé les limites de son idiome en ayant redéfini de manière aussi radicale la technique de la guitare électrique.

Manifestant un comportement arrogant avec son groupe, l'idée que cet aimable délinquant se soit installé un jour au piano pour jouer un récital classique est difficile à croire. Pourtant, une écoute de l’album 1984 (chez Warner Bros.) révèle que le guitariste avait gardé secrète sa passion pour les claviers durant un bon moment.

Là où les premiers enregistrements du groupe s'articulaient autour d'une écrasante guitare et de vocaux dans toute leur gloire primitive, trois morceaux issus de 1984 présentaient des parties de synthétiseur proéminentes, toutes conçues, programmées et interprétées par Van Halen lui-même, avec une assurance qui laissait entendre que le musicien possédait une formation solide dans ce domaine.

Question : « Eddie ne serait-il pas passé par une éducation musicale des plus classiques ? »

Son père, musicien, avait décidé que lui et son frère aîné [le batteur Alex Van Halen] devaient se frotter sérieusement à l’étude du piano. Tout comme son frère, Eddie abordera l’instrument à six ans. Plus précisément, le père, mais aussi la mère, souhaitaient que leurs deux garçons deviennent des pianistes concertistes.

En 1962, lorsque la famille van Halen quitte les Pays-Bas pour Pasadena en Californie, les parents feront de leur mieux pour leur trouver un professeur rodé aux principes respectueux d’une excellente éducation musicale ; pas le genre d’enseignant que l’on trouve, grâce aux petites annonces, dans un magasin de musique. Le choix se portera sur Staf Kalvitis, un vieux pianiste russe. Grâce à son enseignement, Eddie se hissera à un niveau plus qu'honorable, suffisant pour remporter deux premiers prix consécutifs lors d'un concours annuel de piano organisé au “Long Beach City College”.


VAN HALEN : "DREAMS" (album '5150' - 1986)

Toutefois, Eddie ressentait, sans s’en cacher, que la vie de pianiste n'était pas faite pour lui. À priori, il n'appréciait pas trop la musique qu’on lui imposait : « J'adore la musique classique. C'est à peu près tout ce que j'écoute. Ce qui me déplaisait, c'était tout ce que je jouais au piano », rajoutant : « On ne m'a pas appris à improviser. Je devais tout faire d'après les livres de Czerny ou de Chopin, et je détestais la lecture de partitions. » (source "Keyboard, avril 1984")

À l’adolescence, délaissant le piano, c’est vers les percussions qu’il s’oriente jusqu’au jour où son frère, l’imitant, finira par le dépasser techniquement. La guitare deviendra alors l’instrument de substitution. Une véritable aubaine, car c’est à travers ce nouvel instrument qu’il découvre le plaisir d’apprendre tout seul, en véritable autodidacte. Les progrès ne se feront pas attendre. Toutefois, le clavier restera une ressource en termes d’idées et d'inspiration (Eddie estimait que la moitié de ses chansons avait été écrite grâce au piano).


L'UTILISATION DES SYNTHÉTISEURS

Le piano, il en est aussi question dans la technique qu’il a développée à la guitare, notamment le tapping. Cette technique, qui consiste à taper les cordes directement avec les doigts des deux mains, peut s’écouter dans les titres Eruption et Spanish Fly. Par ailleurs, la richesse de son jeu adopte également des contours arpégés en spirale qui se rapproche étrangement d’un développement de claviériste plutôt que celui d’un guitariste avec son manche. De fait, l’originalité de sa performance n’en est qu'amplement méritée.

Puis, il y aura cette passion pour les synthétiseurs. Lorsqu'il joue de la guitare, les claviers seront souvent présent, à l’image de l’album 1984, révélateur de leur usage. Dès l'introduction du disque, on peut entendre une courte improvisation de synthé sans accompagnement, avant de poursuivre avec Jump et ces puissants riffs de “synthé brass” pour lequel Eddie utilise un Oberheim OB-Xa enregistré directement en stéréo.

Encore plus parlant, parce que plus incisif et significatif de l’utilisation du synthé par Van Halen, le titre I’ll Wait, dans lequel le clavier est omniprésent et damne, par sa présence, le jeu de la guitare rythmique. Ce que l’on sait moins, c’est que cette passion pour les claviers électroniques poursuivra Van Halen au-delà du groupe, en composant des bandes sonores utilisant les synthétiseurs pour des téléfilms mettant en vedette sa femme, l'actrice Valérie Bertinelli.


VAN HALEN : "I'LL WAIT" (album '1984')

Outre les guitares, le studio d'Eddie possèdera dans les années 80 une admirable collection de claviers au top pour l’époque, parmi lesquels figureront un Prophet 10 de Sequential Circuits, un émulateur E-mu, un Oberheim OB-8 et OB-Xa (ses préférés), et un piano de concert Steinway.

Sur scène, Eddie employaient deux OB-8 au lieu du OB-Xa, tandis que le bassiste du groupe, Michael Anthony, utilisait occasionnellement un Minimoog pour quelques lignes de basse. Un jour, un journaliste lui demanda s’il se sentirait à l’aise avec un clavier bandoulière. Eddie répondra de façon amusée : « Des gars comme Jan Hammer jouent de la guitare au clavier. Moi, je joue de la guitare. De la même manière, les gens me demandent si j'utilise des guitares synthétiseurs. Je leur réponds : 'Non, je joue du synthétiseur ! »

Par Elian Jougla (Cadence Info - 12/2023)


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