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LE PIANO NUMÉRIQUE, SES CRITÈRES ET SES ENJEUX À TRAVERS TROIS MODÈLES REPRÉSENTATIFS

Quels sont les principaux enjeux des claviers numériques ? Sur quoi faut-il capitaliser ? Un toucher proposant la sensation d'un piano acoustique ? Un instrument libérant les idées du compositeur grâce à une station de travail audio numérique ou un clavier taillé pour la scène avec des réglages à la volée ? Les trois modèles sélectionnés sur cette page ne sont pas des plus récents, mais chacun réunit les différents axes d'utilisation et c'est cela qui nous intéresse ici : le toucher et le son pour le premier, la polyvalence pour le second, et la connectivité avec le dernier modèle.


QUELS SONT LES AXES PRIORITAIRES ?

Choisir un piano numérique varie en fonction de priorités personnelles. La qualité du clavier demeure cependant l'un des premiers paramètres techniques auquel il faut songer quand on cherche à acquérir un piano numérique, surtout si celui-ci centralise une grande partie de votre activité musicale. Il ne faut pas juger avant d'avoir testé et pris le temps de la réflexion. Concernant le toucher, sa dynamique et sa réponse reposent avant tout sur des sensations personnelles. Il n'existe aucun indicateur précis ou infaillible dans ce domaine. De plus, un instrument récent ne répondra pas nécessairement à un toucher dit de qualité ou à un toucher qui vous conviendra.

Si les spécifications techniques indiquent « touches pondérées », elles doivent nous alerter, car généralement la sensation et la réactivité d'un piano acoustique sont tout proches ; certains claviers numériques allant jusqu'à répartir le poids des touches suivant la hauteur, celles d'octave supérieure étant plus légères. La réponse au toucher va même plus loin qu'un piano traditionnel, puisque de nombreux claviers électroniques actuels permettent d'ajuster à sa guise la réactivité et la sensibilité de la frappe. Côté tessiture, le standard demeure le 88 touches, bien que l'option du 76 ou moins n'est pas à exclure. Tout dépend alors du rôle joué par l'instrument : prioritaire, accessoire, à demeure ou pour la scène...

Les claviers numériques sont toujours fermement accrochés à l'échantillonnage avec des techniques qui ne laissent rien au hasard. Yamaha, par exemple, échantillonne souvent ses pianos de concert haut de gamme. Fréquemment, la plupart des modèles axés sur la simulation de l'acoustique sont livrés avec peu de sons. C'est une attitude commerciale assez fréquente. Cependant, d'autres claviers cherchent à se rapprocher du synthétiseur. Destinés aux applications MIDI, ils se concentrent généralement sur un dispositif audio numérique, le DAW (Digital Audio Workstation), ce qui permet de jouer n'importe quel genre de sons et de les éditer, boîtes à rythmes comprises.

Ensuite, la polyphonie. Elle n'est plus vraiment un frein sur les pianos numériques actuels en dépassant régulièrement les 64 voies pour atteindre le double, et même davantage. Toutefois, sur les modèles se rapprochant du mode d'exploitation des synthés, cette capacité est plus limitée pour des raisons économiques qui tiennent essentiellement au nombre accru de sonorités (capacités d'échantillonnage) et à l'offre technique poussée en mode édition. Je rappelle aussi que la limitation polyphonique joue un rôle capital quand la pédale forte est utilisée puisque, dans ce cas précis, les notes s'additionnent tant qu'elle est maintenue. De plus, en intégrant des « sons en layer » dans un mix (piano + violons, par exemple), ce sont plusieurs voix simultanées qui sont exécutées en enfonçant une seule touche.

Enfin, on doit tenir compte des matériaux utilisés et du mode de fabrication qui joue dans la réputation d'un modèle. Certains pianos numériques sont conçus pour être des meubles à demeure. Les supports peuvent être en bois, mais en soulevant le « capot », c'est d'ordinaire du plastique rigide associé à des parties métalliques que l'on trouve. En vérité, les pianos numériques doivent allier un compromis acceptable entre la mobilité (le poids) et l'intégrité structurelle de leur conception. Par exemple, les modèles scéniques respectent normalement un cahier des charges précis pour supporter de fréquents déplacements. Néanmoins, l'électronique embarquée demeure toujours l'élément fragile, le maillon faible face aux chocs. Le flight-case sera toujours indispensable.


TROIS CLAVIERS ET TROIS USAGES

YAMAHA P515 : QUALITÉ SONORE ET TOUCHER

Commençons avec le Yamaha P515 88-Key Weighted Action. Pour cela plusieurs raisons. Il possède des touches en bois, une polyphonie de 256 notes et toutes les connexions indispensables (MIDI, USB, Bluetooth, compatibilité avec les DAW, genre Ableton Live et Sibelius). Seul son poids peut poser problème (35 kg) sauf, bien sûr, si l'instrument reste à demeure. Le mode d'action des touches est pondéré avec un échappement subtil qui permet de reproduire des trilles rapides sans faire état de quelconques problèmes en termes de réponse.

La qualité sonore est également au rendez-vous, puisque le constructeur a utilisé, ni plus ni moins, le son d'un Bösendorfer Imperial. Le P-515 comprend un système d'amplification suffisant pour une utilisation à domicile (15w + 5w) avec des haut-parleurs à deux voies large bande parfaitement correct. Tout en naviguant dans le haut de gamme, Yamaha n'a pas négligé les pianistes débutants en proposant une fonction de mémorisation de jeu avec des voyants rouges et bleus qui indiquent les touches à jouer, entre autres !

Année de sortie : 2018 – Prix constaté au 05/2023 : 1 650 €, sans support – 1 800 € avec support.

YAMAHA P515 (sound démo)
(source "Oostendorp Music")

KORG KROME EX 73 : PLURALITÉ DES SONS ET POLYVALENCE

Avec le Korg Krome EX73, nous abordons le piano numérique flirtant avec la synthèse. S'il est le plus ancien des trois modèles présentés, sa légendaire bibliothèque de sons numériques, de pads, d'arpégiateurs et de kits de batterie retiennent l'attention. Ajoutons à cela, une console interne et un éditeur à écran tactile. Ce déploiement de technologie fait du Korg Krome, un outil extrêmement créatif. On notera aussi sa synchronisation automatique des patterns rythmiques avec les séquences en mode arpégiateur.

La polyphonie de 120 notes est suffisamment confortable pour interpréter et arranger un répertoire assez vaste. Contrairement au Yamaha P515, le poids n'excède pas les 9 kg. Sa faiblesse, comparativement au prix relativement élevé (env. 1250 €), tient dans la qualité du clavier qui est semi-pondéré. Toutefois, si votre priorité repose sur ses échantillons sonores modifiables, de pads, d'arpégiateurs, d'effets et de rythmes intégrés, le Krome EX73 (ainsi que toute la série) demeure une excellente option pour créer, composer, arranger. Par ailleurs, sa polyvalence ne l'empêche pas d'assurer les premiers rôles à la façon d'un excellent piano, vu la qualité des échantillons.

Année de sortie : 2012 – Prix constaté au 05/2023 : 1 250 €

KORG KROME EX 73 (sound démo)
(source "Music Center Ikonomov")

NATIVE INSTRUMENT KOMPLETE KONTROL S88 MK2 : CONNECTIVITÉ ET INTERACTION AUDIONUMÉRIQUE

Le point fort de cet instrument tient dans sa connectivité au DAW. En effet, Komplete Kontrol de Native Instruments fournit tous les outils dont un pianiste a besoin pour une immersion totale dans le monde de la communication interactive. Le clavier se synchronise parfaitement avec tous les aspects de la station audionumérique en coordination avec le contrôle tactile.

Komplete Kontrol s'apparente à un clavier de commande. La qualité du clavier 88 touches est là, pondéré. Sa fabrication est due à Fatar, une référence. Contrairement aux deux modèles précédents, Le S88 MK2 est aiguisé pour satisfaire le compositeur/producteur de musique. Le modèle de Native Instruments n'est pas uniquement un piano numérique puisque, en liaison avec une station audionumérique, il dynamise les possibilités d'interaction directe entre les deux supports. Pour un musicien exerçant en home studio, le Komplete Kontrol se révèle parfait pour piloter les innombrables processus liés à l'enregistrement et à la quantification des boucles. Son unique inconvénient, du moins pour certains utilisateurs, est son incapacité à devenir autonome sans utilisation d'une station audionumérique.

Année de sortie : 2018 – Prix constaté au 05/2023 : 1 100 €


KOMPLETE KONTROL S88 MK2
(source "ProMusicals")

EN FORME DE SYNTHÈSE

Ces trois modèles, présentés sur cette page, reflètent les divers arguments de vente présents actuellement sur le marché, sachant qu'il existe de fortes probabilités pour que ces critères de choix ne changent pas dans l'immédiat. Soit l'utilisateur privilégie le toucher et le son pour obtenir des sensations physiques et sensorielles proches du piano acoustique, soit son désir franchira le cadre de « simple pianiste » en employant des outils et des dispositifs externes en lien avec une station audio numérique. Quand les moyens financiers sont limités et que tout repose sur l'acquisition d'un instrument unique, la priorité est de réfléchir prudamment au rôle qu'il tiendra : genre « clavier de concert » ou genre « clavier de commande ».

Globalement, la technologie d'un instrument qualifié de « piano numérique » est censée se concentrer sur les qualités du « piano traditionnel ». Commercialement parlant, c'est l'unique réponse crédible pour éventuellement séduire le pianiste de formation classique ou la personne ayant eu une approche de jeu relevant du modèle acoustique. Pour les autres, cette sensibilité étant absente, la référence sur le choix d'un clavier reposera avant tout sur les conseils prodigués, que ceux-ci concernent la relation au toucher, le son ou les possibilités techniques d'interactivité. Ainsi, si le Yamaha P515 possède bel et bien une connexion MIDI, il lui manque la présence d'un contrôle DAW aussi poussé que les modèles Komplete Kontrol et Korg Krome EX.

© Yamaha – Le piano numérique Yamaha P515.

Vous remarquerez également que j'ai souligné le rapport au poids. S'il n'interfère en rien sur les qualités intrinsèques des trois modèles présentés, il en sera autrement si son usage le destine à la scène ou à de fréquents déménagements. Pour rappel, précisons toutefois que les 35 kg du Yamaha P515 sont loin d'atteindre le piano électrique Rhodes 73 et ses plus de 80 kg avec son couvercle ! Cette remarque me permet de signaler, par ailleurs, qu'un modèle léger présente l'inconvénient d'un manque de stabilité quand son poids est inférieure aux 20 kg. Ne doutons pas, que dans ce cas, tout repose sur le support choisi !

Reste le prix, extrêmement « élastique » et dont la justification manque parfois de transparence. Dans le domaine du matériel de musique, le commerce est à rapprocher de celui de l'automobile. C'est essentiellement lié à la réputation de la marque qui fixe chaque année le coût de fabrication en fonction des recherches conduites en amont, mais également à travers l'usage ciblé par ses utilisateurs et dont les musiciens professionnels, les premiers, sont en partie responsables. La marque suédoise Nord représente un exemple frappant, car il a suffi d'un petit synthé soliste apparu au milieu des années 1990, le Nord lead, pour que le constructeur s'accroche ensuite aux baskets des claviéristes professionnels avec sa série des Nord Piano (le modèle 5, le plus récent, avoisinant les 3 000 €).

Généralement, ce que l'on désigne comme un « prix étudié » demande à être décodé. Le plus souvent, le maillon faible sera la qualité du clavier, car à notre époque, celle de l'échantillonnage ne représente plus un surcoût déraisonnable pour les fabricants. De même, la connectivité est devenue banale et devrait évoluer et se généraliser même sur des claviers bas de gamme.

Enfin, le dernier critère est personnel, attendu qu'il s'agit du temps passé sur l'instrument, ce qui nous renvoie immédiatement à la qualité du toucher qui devra être proportionnelle à son usage. Une utilisation occasionnelle et limitée en home studio ne réclame pas nécessairement un clavier pondéré, mais plutôt une connectivité élaborée.


EN CONCLUSION

En conclusion, si l'on réunit le toucher, le son, le poids, le type de technologie, la connectivité et le prix, qui peut assurément adopter un clavier numérique de nos jours sans éprouver l'once d'un soupçon dans son choix ? Pas grand monde ! Du reste, un vendeur spécialisé peut se trouver brusquement dans l'embarras en fonction des questions soumises. Mais, rassurez-vous, car côté client il est généralement accordé une période acceptable de quelques jours pour tester l'instrument chez soi et en cas d'insatisfaction justifiée, de le renvoyer à son point de vente.

par ELIAN JOUGLA (Piano Web - 06/2023)


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