PÉDAGOGIE



L'ÉVEIL MUSICAL OU COMMENT ABORDER LA MUSIQUE PAR L’ÉCOUTE


Au premier abord, on pourrait croire que l’apprentissage musical par l’écoute est destiné au musicien autodidacte dont une des préoccupations premières est de relever note à note des musiques à l’oreille. Or, cet apprentissage trouve également un certain écho auprès de l’enseignement « traditionnel » en étant pratiqué au cas par cas ou collectivement, à l’image d’une classe d’école.


LE BUT DE L’APPRENTISSAGE MUSICAL PAR L’ÉCOUTE

L’écoute musicale est essentielle pour développer l’acuité auditive de façon active, comme la perception de sons à l’intérieur d’une masse sonore (orchestre). À ceci viennent se rajouter plusieurs autres avantages comme la découverte d’instruments et du rôle joué par chacun d’eux ou encore la connaissance d’œuvres aux qualités singulières par leur forme et leur structure.

L’apprentissage musical par l’écoute est avant tout une manière d’éveiller intelligemment une personne à la musique. Il est surtout important d’adapter cet enseignement au niveau de l’élève, car toutes les informations recueillies ne sont pas forcément indispensables à son évolution. Dans l’idéal, l’apprentissage musical par l’écoute doit s’adapter au cas par cas. Généralement, celui-ci se déroule en deux étapes :

LA PREMIÈRE ÉTAPE

La première étape est la plus accessible et se déroule de la façon suivante :

  • 1- L’écoute d’une mélodie.
  • 2- Sa phase de mémorisation.
  • 3- Sa restitution : l’élève reproduit en chantant ou à l’aide d’un instrument ce qu’il vient d’écouter.

Cette écoute musicale appelée « production » développe le rôle actif de l’élève. Elle permet d’exploiter un ou plusieurs éléments du discours musical, ainsi que leur agencement. Cette première phase d’écoute est superficielle et va à l’essentiel.

LA SECONDE ÉTAPE

Avant de passer à la seconde étape, l’enseignant doit avoir préalablement analyser la richesse et la variété des informations produites par l’œuvre : instruments, types de voix, bruitages, structure, etc. Le but est d'approfondir l’écoute en l’orientant, c’est-à-dire en indiquant à l’élève sur quel élément il doit porter sa concentration. Ainsi, au fil des écoutes, l'élève attentif sera progressivement en mesure d'appréhender et de capturer des détails que la première audition avait ignorés. Cette interaction entre une écoute superficielle et une « production » plus élaborée provoque des « phénomènes de mémorisation » et conduit directement l’élève à s’approprier la musique dans des conditions où le plaisir musical ne peut que s’amplifier.

Le choix des musiques est bien sûr crucial et l’expérience musicale comme la culture du professeur tout autant. Selon les objectifs, une chanson ou un extrait de musique classique conviendra parfaitement. Notons au passage que l’apprentissage par l’écoute développe – même si ce n’est pas son but premier – la culture musicale en abordant, par exemple, le répertoire des grands compositeurs classiques sous un angle plus dynamique. La découverte de textures sonores, le mystère et les interrogations autour d’une œuvre deviennent parfois des arguments, des réflexions qu’il est possible de développer et de transformer en questions chez l’élève, ce qui, en général, est plutôt bon signe, surtout quand la simple évocation de noms comme Mozart ou Beethoven provoque l'ennui.


UN EXEMPLE AUTOUR D’AUDITIONS

Cet exemple, qui s’adresse plus particulièrement à une classe d’école primaire, s’appuie sur deux œuvres : le début du 1er mouvement de la 3e Symphonie (Symphonie héroïque) de Beethoven, et l’Ouverture de Bastien Bastienne de Mozart.

Beethoven : 3e symphonie (Allegro con brio - ext.)

Mozart : Bastien Bastienne (ouverture)

Ces deux extraits comportent un thème semblable, mais orchestré de manière différente. L’objectif principal est de faire reconnaître ce thème aux élèves pour qu’ils l’identifient dans les deux œuvres. (source : extrait de l’ouvrage Apprendre à écouter : De la musique vers des pratiques pluridisciplinaires, Nathan – 1995)

1re audition : Beethoven

  • Dégager les impressions générales.
  • Noter l’importance de l’orchestre : grand orchestre romantique.
  • Décrire les instruments mis en valeur : cuivres (cors), cordes (violons, violoncelles).

2e audition : Beethoven

  • Réécouter avec une consigne préalable : reconnaître un thème (refrain repris plusieurs fois : trois fois dans l’extrait).
  • Le faire chanter après l’audition.
  • Le faire rythmer avec les mains.
  • Éventuellement contrôler le thème par une nouvelle audition.

3e audition : Mozart

  • Dégager les impressions générales.
  • L’orchestre a une moindre importance : c’est un orchestre de chambre (cordes).
  • Faire constater que l’on retrouve le même thème que chez Beethoven.

4e audition : Mozart

  • Réécouter avec une consigne préalable : le thème composé par Mozart est-il parfaitement identique ou un peu différent du thème composé par Beethoven ? (différent les deux premières fois et parfaitement identique la troisième fois).
  • Éventuellement contrôler ces affirmations par une nouvelle audition.

5e audition : Beethoven et Mozart enchaînés

Faire la synthèse de ce qui a été écouté.

  • Le premier thème est celui de Beethoven. Il est interprété par un orchestre symphonique. On y reconnaît une prédominance des cuivres et de percussions.
  • Le deuxième thème est celui de Mozart. Il est interprété par un orchestre de chambre. On y reconnaît une prédominance de cordes.

À la suite de cette séquence d’écoute, on peut travailler sur le rythme et leur faire apprendre un chant qui utilise le même thème et le même rythme (Brassens, Le petit joueur de flûtiau)


EN CONCLUSION

À travers cet exemple, on constate que l’analyse va à l’essentiel. C’est une écoute que l’on pourrait qualifier de « sensibilisation » et proche de l’éveil musical. Dans tous les cas de figure, l’enseignant doit utiliser un langage toujours simple et compréhensible s’il souhaite vulgariser cette pédagogie efficacement.

Dans le domaine des musiques contemporaines (chanson, musiques rock ou jazz…) on peut axer prioritairement l’écoute sur les rythmes, le choix des instruments utilisés (acoustiques et électroniques), les structures (refrain, couplet, pont, coda) ou encore la communication entre instruments (basse, batterie, piano, par exemple).

L’apprentissage musical par l’écoute est un travail de fond. Il ne s'apprend pas, mais conduit régulièrement en parallèle avec l’étude d’un instrument, il apporte de bons résultats quand on laisse du temps au temps. Il est même possible de concevoir un rôle éducatif à cette pratique en abordant le jeu instrumental selon son contexte. Par exemple, pour un pianiste, cela peut être abordé de la façon suivante : piano solo, piano duo, piano avec orchestre, piano bar, piano accompagnateur, improvisation piano, etc. Pour conduire la réflexion et le discernement, l’écoute de plusieurs interprétations d’une même œuvre doit être bien sûr prise en compte.

À défaut d’être un guide, l’apprentissage musical par l’écoute est avant tout une pratique qui trouve son intérêt dans l’attention qu’on lui porte. Bien conduite, elle s’insinue dans l’inconscient de l’élève pour rejaillir parfois des mois ou des années après au hasard d’une recherche personnelle. C’est là, peut-être, toute sa singularité et sa force !

Par ELIAN JOUGLA


SOMMAIRE "PÉDAGOGIE"
SOMMAIRE "ESPACE COURS"
ACCUEIL
PARTICIPER/PUBLIER : EN SAVOIR PLUS
Facebook  Twitter  YouTube
haut
haut

Accueil
Copyright © 2003-2024 - Piano Web All rights reserved

Ce site est protégé par la "Société des Gens de Lettres"

Nos références sur le Web - © Copyright & Mentions légales