PÉDAGOGIE



ENSEIGNER LA MUSIQUE ET LE RAPPORT PROFESSEUR ÉLÈVE

Si l'on exclut les principes familiaux érigeant l'obligation d'une pratique culturelle (comme l'apprentissage du piano, qui fut quasiment obligatoire pendant de longues années pour les jeunes filles de "bonnes familles"), l'apprentissage de la musique et des autres disciplines artistiques s'est considérablement démocratisé depuis les années 1960...


QUAND L'ENSEIGNEMENT RIME AVEC PROGRAMME

Les enfants d'aujourd'hui abordent la musique de moins en moins par obligation familiale. C'est la curiosité qui l'emporte le plus souvent. Parfois, la pratique d'un instrument par un copain ou une copine d'école suffit à provoquer le désir. Mais sans une étude approfondie, il est souvent difficile de décoder les véritables motivations de l'enfant (comme ses aptitudes musicales). Sa spontanéité est souvent gâchée quand sa rencontre avec la musique n'est pas naturelle.

Pour de nombreux parents, les premières années d'apprentissage de la musique restent du domaine scolaire. L'enseignement de la musique ne quitte les bancs de l'école pour devenir artistique que quand l'enfant manifeste un besoin croissant et continu de s'y adonner. En cela, les concerts de fin d'année et le travail en classes d'ensemble sont essentiels pour donner une certaine valeur artistique à la musique.

Si l'étude de la musique est importante pour le développement et la construction psychologique de l'enfant, à cause d'une mauvaise information, celle-ci n'est pas considérée comme essentielle aux yeux de la plupart parents. Les maths, le français ou l'étude des langues sont porteurs de réussite sociale dans l'accomplissement de la vie d'adulte, pas la musique ! Pour l'enseignant, la tâche se révèle toujours difficile et l'oblige bien souvent à s'écarter du cadre même de sa profession.

Dans l'enseignement classique, l'évaluation et la progression des qualités musicales et techniques d'un élève se font en fonction des œuvres qu'il travaille. Cette règle, courante dans les écoles et les conservatoires de musique, facilite la prise en main des élèves et favorise l'enseignement de masse. Malheureusement, face au nombre important de "candidats", cette approche pédagogique ne produit qu'un nombre restreint de bons pianistes. Un enseignement préprogrammé ne tient pas compte des aléas propres à chaque individu. Tout ceci n'est pas nouveau et n'est pas près de changer ! Proposer un développement musical "universel" dans la tête des enfants, comme le serait l'application d'une règle mathématique, éloigne généralement ceux-ci des vraies valeurs imprimées par la musique : la découverte, l'intuition, la spontanéité, l'imagination.

Si un enseignement progressif peut convenir à un élève très moyen, incapable de surmonter autrement les pièges techniques, en face d'un élève doué, cette pratique routinière conduira sûrement à un échec. Dans de telles circonstances, nul doute que l'enseignement doit être revu et adapté à la situation. Le professeur doit accepter de modifier son approche pédagogique, sur le fond comme sur la forme. D'ailleurs, que peut-on dire à un élève, quand il exécute parfaitement une œuvre demandée sans autre guide que son intuition ?… Qu'il attende la prochaine étape, en subissant le rythme imposé par des élèves moins brillant ?

Un enseignement élitiste pour élève doué peut avoir quelque chose de révoltant pour ceux qui sont dans la difficulté. Il ne faut donc pas, sous prétexte d'avoir décelé la perle rare, négliger les autres élèves qui peuvent sous un autre jour se révéler à eux-mêmes et surprendre leur entourage. C'est pour cette raison, que la tâche de l'enseignant, dans sa responsabilité comme dans sa bienveillance, est essentielle.

Il est difficile d'élaborer un système d'enseignement infaillible si celui-ci demeure statique. L'intelligence "universelle" propre à un élève doué ne pourra s'en accommoder, alors que l'élève "moyen" ne pourra que le subir. Alors, comment aborder l'enseignement de la musique sans que celui-ci crée une sorte d'enfermement pour l'élève, doué ou pas ?


ÉVITER L'ENFERMEMENT

L'enseignement strict d'autrefois a cédé aujourd'hui sa place à un enseignement plus permissif, plus tolérant, tout en gardant un dogme pédagogique ancré dans le passé. La plupart des professeurs sont encore attachés à ces principes éducatifs anciens qui ont fabriqué depuis plusieurs générations de nombreux pianistes virtuoses. Pour la majorité d'entre eux, transmettre à leur tour un même savoir, une même pratique, constitue le but principal de leur enseignement. S'émanciper de son apprentissage est très difficile et lorsqu'on y parvient, le regard que l'on porte sur soi et surtout sur son/ses anciens professeurs se révèlent souvent négatif.

Mais pourquoi changer quand tout va bien ?

Il existe différentes façons de pénétrer au cœur de la musique et de l'enseigner.

Lorsque l'enseignant est conditionné par une pratique intensive de la musique depuis son plus jeune âge et qu'une forme d'apprentissage lui a réussi, il lui est difficile d'admettre que d'autres voies pédagogiques puissent être aussi indispensable et utile que la sienne. Ces voies pédagogiques peuvent ne pas poursuivre les mêmes buts ou manquer de transparence à ses yeux. Pourtant, en existant, elles contribuent à faire évoluer les principes éducatifs et à repousser les frontières de la connaissance. Ces voies peuvent, par exemple, s'exprimer à travers les musiques improvisées ou à travers des musiques écrites provenant d'autres cultures.

Une autre forme d'émancipation à un enseignement "sclérosé" est la pratique de la musique vivante. Lorsque le professeur et l'artiste de scène ne font qu'un, lorsque ses observations, ses expériences scéniques rejoignent celles de son enseignement, c'est toute sa vision sur le monde musical qui change. Son regard sur la musique est plus authentique, en phase avec une certaine réalité artistique et sociale.


QUAND LE MORAL EST EN BERNE

Attention, trop d'élèves peut nuire à un bon enseignement ! Tout est une question d'équilibre. L'enseignant ne doit pas ressentir une lassitude. Or, c'est ce qui risque de se passer s'il ne consacre pas assez de temps à son instrument, à ses projets musicaux ou si la qualité artistique de ses élèves lui paraît insuffisante.

Pour s'accorder dans un processus pédagogique efficace, l'entente entre le professeur et l'élève est donc indispensable. Il est évident qu'un élève brillant accompagné d'un professeur médiocre - ou l'inverse - ne donnera jamais de bons résultats. De même, il arrive souvent qu'un professeur soit dans l'incapacité d'apporter une aide quelconque à un élève manquant de capacité. Savoir se résigner est l'une des tâches de l'enseignant compétent ! Entre l'élève qu'il faut soutenir constamment et celui qui devance ses pensées, le professeur est fréquemment écartelé entre le désir d'accomplir son travail ou le désir de tout laisser tomber.

Comme le professeur n'est pas en mesure de créer du talent, son pouvoir se limite à fabriquer le terrain propice à son envol. L'objectif essentiel est de présenter une pédagogie "émancipatrice", apte à rendre l'élève autonome au fur et à mesure du temps qui passe. Or, le cheminement qui conduit à cette autonomie libératrice est rarement atteint. Les causes sont multiples : le manque d'assiduité de l'élève, ses dispositions naturelles, les compétences pédagogiques de l'enseignant, son attrait pour la profession, etc.

L'enseignant doit susciter, sinon obliger l'élève à prendre des initiatives, à surmonter les obstacles de lui-même. Cette indépendance qui, pour certains élèves, paraît insurmontable est pourtant très salutaire. Elle favorise la "maturité musicale". Au départ dirigiste, le rôle de l'enseignant va progressivement se muer en conseiller pédagogique. Il va devenir l'élément moteur indispensable au perfectionnement de son élève.

Développer la pensée musicale et la culture de son élève devrait être la priorité de tout bon enseignant ! D'ailleurs, la force du talent ne se construit-elle pas à travers une indépendance couronnée d'initiatives ?

À PROPOS DU DON MUSICAL

Il est bien difficile de définir ce qu’est le don musical. Il ne peut exister que quand certaines qualités sont présentes. Le premier d’entre eux est l’ouïe, qui permet de différencier les sons d’après leur hauteur. Cette qualité est facilitée par une oreille absolue, mais exige au minimum une bonne oreille relative. Tout aussi indispensables sont la sensibilité à la durée des temps (le sens du rythme) ainsi que la capacité d’embrasser rapidement l’intégralité musicale et de la garder à l’esprit, tout comme la sensibilité spirituelle à la qualité et à la beauté du son. Ces dons apparaissent le plus souvent dès l’enfance.

D’après W. Lange-Eichbaum, un neurobiologiste berlinois et auteur de « The problem genius », on distingue 3 sortes de talents :

  • La production, qui s’illustre à travers la composition.
  • La reproduction, qui concerne l’interprétation de la musique.
  • La réception, qui correspond à la compréhension de la musique.

Par ELIAN JOUGLA



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