LES QUESTIONS DU CANDIDE



JOUER ET MONTER UN GROUPE DE MUSIQUE, RÉPÉTITION ET AUDITION - 1 (entretien)

Pourquoi a-t-on le désir de jouer en groupe ?

La musique est communication. Elle est communication avec soi-même, mais également entre les êtres. Généralement, quand on joue seul, au bout de quelques mois, de quelques années, la routine finit par arriver et l'ennui s'installe. Je conseillerai donc, à tous ceux qui me liront, de ne pas attendre les moments de 'solitude musicale' pour réagir. Dès que l'on est en mesure d'interpréter quelques morceaux, que l'on a une certaine confiance dans son jeu, il faut foncer et se mettre en quête de trouver des musiciens avec qui jouer. D'ailleurs, le sentiment de partager la musique avec d'autres viendra peut-être vous surprendre sans que vous vous y attendiez. C'est aussi ça, la musique !

Généralement, la stimulation personnelle est plus forte lorsqu'on joue avec d'autres musiciens. Le plaisir que l'on en retire est différent, très gratifiant, surtout quand tout va pour le mieux… Oui, car jouer dans un groupe, c'est un peu comme pénétrer au cœur d'une famille. S'il existe des points de convergence, il peut exister également des points de divergence !

C'est-à-dire ?

Voyons d'abord le côté constructif. Jouer en groupe est un moyen de remettre en question sa façon de travailler la musique, parfois de revoir ses orientations musicales. Jouer en groupe, c'est également une possibilité de se construire un noyau de relations solides, celui de fonder un cercle d'amis aux valeurs enrichissantes…


Et le côté négatif ?

À ma connaissance, il n'existe pas de côté négatif. Toutefois, le jeu en groupe met en avant ce que l'on est. Il révèle aux yeux des autres, ses forces, mais aussi ses faiblesses. Le jeu en groupe est capable de vous mettre à nu, jusqu'aux contradictions. Accepter de s'exposer peut ne pas être facile, surtout si vous pensez dans votre for intérieur que vous êtes un musicien irréprochable...

Quand la musique est au centre de débats passionnés, quand les points de vue sont trop divergents, elle provoque des tensions qui font vite oublier, malheureusement, ses vertus. Et quand la compétition, la supériorité ou la comparaison viennent s'y rajouter, la musique, là aussi, n'en sort jamais victorieuse !

Mieux vaut positiver, alors ?

Exactement. Monter un groupe nécessite une vision toujours positive, sinon mieux vaut ne pas y penser…


REJOINDRE UN GROUPE PRÉEXISTANT

Rejoindre un groupe déjà formé, est-ce une bonne solution ?

Disons que cette solution est plus simple pour un débutant. Elle lui évite d'avoir à tout construire. Sans expérience, un musicien a fort peu de chance de réussir à monter un groupe du premier coup. Non, vraiment, pour le débutant, c'est le choix idéal.

Et comment doit-il s'y prendre ?

D'abord, lire les petites annonces dans les journaux ou dans les magasins de musique. Généralement, celles-ci sont nombreuses. Accessoirement, vous pouvez faire passer une annonce dans une radio locale ou faire marcher le bouche-à-oreille. Sauf à posséder une certaine renommée, même les musiciens professionnels utilisent ces moyens-là…

"Recherche bassiste motivé, guitariste virtuose, pianiste blues...", il y en a pour tous les goûts. Outre le genre d'instrumentiste recherché, les petites annonces informent en premier sur le style musical et le niveau d'expérience exigé, puis le lieu. Plus rarement des dates de concert, sauf quand il y a urgence. N'hésitez pas à contacter également les associations musicales. Il en existe peut-être une ou plusieurs là où vous habitez.


LES PIÈGES À ÉVITER QUAND ON EST UN DÉBUTANT

Quels sont les pièges à éviter lorsqu'on souhaite jouer dans un groupe ?

Le jeu en groupe offre un gros avantage, celui de favoriser les progrès techniques. Chaque musicien doit être en mesure de suivre l'autre, d'être à l'écoute de l'autre, comme une chaîne solide, indestructible. Malheureusement, dans les faits, de nombreux groupes se séparent. Le manque de cohésion technique ou d'entente préalable et même le manque d'ambition de certains sont souvent à la base de ces échecs. Comme dans la vie en couple, des concessions sont nécessaires. L'erreur habituellement commise par de nombreux groupes est de se précipiter dans l'action, plutôt que dans la réflexion…

Tous ces propos convergent vers la maturité…

Ces propos veulent mettre en évidence l'acte réfléchi, mettre en avant la part de responsabilité, c'est vrai. Jouer en groupe est toujours une aventure humaine enrichissante que je ne peux que conseiller, même si pour certaines personnes l'expérience n'est parfois pas facile. Il faut oser, c'est tout ! Quand on participe à l'essor d'un groupe et même si les interventions sont ponctuelles, c'est toujours une excellente école pour se former. On apprend à écouter les autres jouer, à anticiper leurs réactions, à les suivre… Et ce n'est certainement pas tout seul, chez soi, que l'on apprend cela !

Une autre question qui taraude celui qui veut vivre sa première expérience de groupe est sa compétence technique…

Le niveau technique n'a pas besoin d'être très élevé pour jouer dans un groupe. Bien sûr, un minimum de pratique instrumentale est nécessaire. Au départ, un groupe qui se forme n'est généralement pas homogène. Il apprend à se construire pas à pas en fonction du niveau et de l'expérience de chacun. Toutefois, pour revenir à votre question, si la différence de niveau est trop importante entre les musiciens, celui ou ceux qui 'rament' finiront par en souffrir. Dans le jeu en groupe, on a souvent tendance à vouloir se surpasser. C'est donc un piège qui peut, à l'occasion, se refermer sur le musicien en difficulté…

Cela dépend également de la musique visée. Il faut que la technique s'accorde avec le choix musical. Les Beatles ou le groupe Police, pour ne citer qu'eux, n'étaient pas à leur début des musiciens ayant une technique très solide, bien au contraire, mais ils ont su évoluer, trouver des idées originales et s'affirmer musicalement au fil des années. En groupe, l'expérience compte. Un musicien qui a du 'métier' évitera toujours certains pièges, sachant que la technique n'est qu'un maillon de la chaine.

Ne dites-vous pas cela pour rassurer ou encourager les musiciens débutants ?

Non, pas du tout. Le musicien débutant ne doit pas croire que son manque de technique sera son handicap majeur. Il existe des musiques qui ne réclament pas beaucoup de connaissances à la base, comme le blues, le reggae, voire certains courants de musique rock. On peut certes les rendre techniques, mais on peut également les jouer simplement... Ainsi, tant que le niveau exigé sera en accord avec la capacité du musicien, le plaisir conservera sa place comme au premier jour.


LE MOMENT DE L'AUDITION

Je suppose qu'une audition est nécessaire lorsqu'on veut rejoindre un groupe, même amateur ?

En effet, une audition est incontournable. C'est un peu comme un entretien d'embauche qui n'en a pas l'air. L'audition permet d'évaluer vos compétences techniques, mais pas seulement. Le facteur humain entre également en ligne de compte, parfois le look, la disponibilité, l'âge, l'expérience…

Soignez votre premier contact avec les membres du groupe. Soyez avenant, souriant, en un mot décontracté. Les musiciens le sont souvent et n'apprécient généralement pas les attitudes trop hautaines. Très souvent, vous aurez en face de vous des musiciens qui se connaissent déjà, qui ont l'habitude de jouer ensemble avec peut-être des objectifs précis ou quelques exigences singulières à vous soumettre.

Derrière la façade d'un groupe, il existe donc certaines règles ?

Oui, exactement... Il faut surtout rester humble, car avant de devenir un membre actif du groupe, irremplaçable, vous ne serez peut-être qu'un musicien de remplacement, un musicien de 'passage'. Au départ, ne misez pas tout dessus. Ne cherchez pas à vous faire remarquer, même si vos capacités techniques sont excellentes. Être en harmonie avec le style et le niveau exigé est le principal. Ni plus, ni moins.

Sachez également que les formules d'audition varient d'un groupe à l'autre. Généralement, vous devez travailler quelques morceaux choisis. Vous aurez alors en main soit une partition, soit simplement l'enregistrement d'une répétition comme support. Parfois l'enregistrement d'un disque, quand il s'agit de reprises de morceaux. C'est à ce moment-là que le système 'D', celui qui ne s'apprend pas dans les manuels ou dans les écoles de musique, prend ici toute son importance…

Professionnellement, il m'est arrivé d'être obligé de faire des réductions/adaptations de big band pour 4 ou 5 musiciens ; le principal dans ces cas-là étant le savoir-faire… Les musiciens sont très attentifs à ces 'adaptations de terrain' plus ou moins improvisées. L'aptitude du 'musicien candidat' à se fondre dans le style de musique jouée par le groupe est aussi très important. Interpréter à plusieurs et avec art une partition de musique classique ou savoir se lancer dans des improvisations quand il s'agit de jazz ne s'apprend véritablement que sur le terrain, rarement à son domicile !

Et après l'audition, que se passe-t-il ?

Logiquement, avant, pendant ou après l'audition, vous devez être au courant du fonctionnement interne du groupe, de ses projets, du lieu de répétition et de leur nombre par semaine... Toutefois, si vous êtes accepté, je conseillerai de ne pas donner votre accord dans l'immédiat, de prendre un peu de recul et de vous poser certaines questions, du genre : l'ambiance du groupe m'a-t-elle semblé bonne ? Le niveau exigé par les musiciens est-il trop élevé ou trop insuffisant pour moi ? Les objectifs du groupe sont-ils assez précis ou réalistes pour que j'accepte ?…


COMMUNIQUER AU SEIN DU GROUPE

Jouer en groupe, c'est d'abord apprendre à jouer avec les autres. Existe-t-il des conduites à tenir ?

Tout dépend du style musical, car bien souvent le style musical entraîne des attitudes chez les musiciens. Alors que dans le jazz, la mise en place de solos met en avant le talent des musiciens, dans un répertoire de chansons, c'est le chanteur qui est le conducteur, le 'phare' du groupe… Dans ce dernier cas, ce que vient écouter le public, ce sont des textes mis en musique et non la virtuosité de quelques musiciens. Apprendre à jouer en groupe, c'est être au service des morceaux que l'on exécute et non au service de soi. Ce respect donné à la musique est très important, car il conditionne également le rapport entre les musiciens. À ce sujet là, je mettrai un bémol en ce qui concerne les chanteurs de variété qui ont tendance à faire un distinguo entre eux et les musiciens, ce qui va bien sûr à l'encontre de la notion de groupe, d'unité…

Normalement, au fur et à mesure des répétitions, l'esprit du groupe prend forme. Chez les amateurs, le plus difficile est d'avoir de la discipline. Quand deux musiciens discutent pour mettre en place certains détails, il n'est pas rare que les autres musiciens, par impatience, jouent dans leurs coins quelques notes en attendant de reprendre la répétition. Je vous laisse imaginer l'ambiance !

Mais encore…

Les musiciens sont très critiques. Si chaque musicien ne l'était que pour lui-même, je ne pourrais que m'en réjouir. Hélas, leurs jugements débordent, comme quand ils s'attaquent à des artistes reconnus, les rejetant plus bas que terre pour un détail souvent insignifiant ou pour un disque moins 'top' ! Quand la critique est futile, quand elle est plus destructrice que constructive, elle crée au sein du groupe des 'prises de position' qui peuvent devenir irréversibles. C'est un ennemi redoutable. Avec le temps, la critique s'insinue, faisant resurgir les rancœurs, justifiant les jalousies et les rivalités, ou parfois d'amers regrets... Elle enflamme le cœur des musiciens et provoque fréquemment à court terme la dissolution, le renoncement à des projets en commun.


Quelle est la formation idéale pour monter un groupe ?

Généralement, le musicien débutant n'aime pas trop s'entourer d'un grand nombre de musiciens. Un groupe formé de deux, trois ou quatre musiciens lui convient bien, d'autant plus, s'il est pianiste. Le pianiste ayant la capacité de jouer des basses et des accords en même temps, la présence d'un flûtiste, d'un trompettiste ou d'un violoniste peut lui suffire. Et, si un bassiste vient compléter le duo, alors ce groupe de musiciens peut être musicalement très efficace en soutenant les différentes tessitures. La basse, pour la partie grave, le piano, qui peut être remplacé par la guitare, pour la partie centrale, et l'instrument soliste, telle la flûte, pour les aigus. Ceci est bien sûr un exemple, car il existe de nombreuses autres formules, des plus classiques au plus insolites.


LA PREMIÈRE RÉPÉTITION

Comment doit s'organiser la première répétition ?

Dans les groupes amateurs, son importance est capitale. Pour mener à bien la première répétition, il faut fixer un objectif réaliste. En fonction du niveau des musiciens qui forment le groupe, un, deux ou trois morceaux peuvent servir de base pour démarrer. Des morceaux que tout le monde aime, bien sûr… sinon, la répétition risque de tourner court ! Certains musiciens deviendront alors nerveux, fuyant votre regard, pour peut-être laisser éclater leurs 'revendications' à la fin de la répétition. Si l'on sent un malaise, mieux vaut prévenir que guérir, et ne pas attendre que la tension explose aux prochaines répétitions.

Le climat que vous décrivez est-il différent dans le milieu professionnel ?

Oui, très différent, dans le sens où l'image du musicien, sa renommée, est dans la balance. Généralement, lors d'une répétition, le professionnel est plus à l'écoute, plus posé. Une perte de temps inutile peut l'agacer profondément, surtout quand son emploi de temps est chargé, entre le travail de l'instrument qui peut l'occuper plusieurs heures par jour et ses autres activités professionnelles. Ce qui compte avant tout pour lui, c'est l'efficacité du travail rendu…

Pour en vivre, même si le point fort des contrats se déroule durant le printemps et l'été, le niveau professionnel exige des répétitions régulières tout au long de l'année et étant donné la concurrence très rude qui existe dans ce milieu, conserver une image de musicien professionnel demande de nombreuses qualités. Mieux vaut avoir une bonne santé et une bonne hygiène de vie, car les décalages horaires et les cadences de travail peuvent vite devenir infernales ; la performance technique qui exige un travail quotidien de l'instrument ; la ponctualité, par respect pour soi, mais également pour les autres ; la promptitude, en d'autres termes l'efficacité... et encore bien d'autres valeurs qui ne me viennent pas à l'esprit maintenant…


LES QUESTIONS À SE POSER AVANT DE MONTER UN GROUPE

D'une façon générale, quelles sont les questions que l'on doit se poser lorsqu'on désire monter un groupe ?

La question la plus évidente est certainement : pourquoi ai-je le désir de monter un groupe ? Pour partager la musique que j'aime, par goût d'aventure, parce que je compose… La musique en groupe suggère également des questions plus matérialistes, du style… Quel type d'équipement avons-nous besoin ? D'un ampli, d'un clavier portable, d'une sono, de micros. Et le local pour les répétitions, à deux chez soi, c'est peut-être possible, mais quand M. le Batteur vient s'installer, c'est parfois un sacré problème ! Quel genre de local alors me faut-il ?… Insonorisé ou pas insonorisé ? Pas trop loin, j'espère !

Ensuite se posent les questions de pérennité du groupe. Celui-ci doit-il rester amateur ou doit-il viser un niveau plus professionnel ? La scène, oui, mais comment l'organiser ? Et la recherche des contrats, qui va s'en occuper ? Sans oublier la publicité, les sponsors…

Les questions pratiques sont également au centre des préoccupations. Le transport du matériel peut poser des problèmes… ce qui me fait penser aussitôt aux véhicules… Est-ce que tout le monde peut se déplacer pour les répétitions ?… 'Le temps, le temps est rien d'autre', comme disait l'ami Charles. Lui aussi à son importance, pas Charles, mais le temps ! (rires). Son organisation est parfois aussi difficile à mettre en place que pour un chef d'entreprise surbooké, surtout quand les musiciens vivent de plusieurs activités.

Mis à la queue leu leu, tout ceci est très impressionnant !

Oui, d'autant plus que j'en oublie certainement. En plus de toute cette organisation finalement classique, il faut rajouter les nombreux accidents de parcours qui viennent souvent enrichir, si j'ose dire, la route du groupe… véhicules en panne, clauses de contrat non honorées, pannes techniques de matériel… Ce sont tous ces éléments qui, mis bout à bout, fabriquent la singularité des groupes, transformant leur histoire musicale en souvenirs inoubliables !

Je comprends mieux à présent pourquoi il faut positiver !

Le musicien n'y pense pas sous cette forme, en faisant l'addition des handicaps. Pour lui, seul le but, l'objectif à atteindre est important. S'il joue en solo et que ses objectifs sont atteints, cela flatte son ego, mais si ceux-ci se produisent au sein d'un groupe, alors, l'ego se dissout dans la communion, avec les autres. La vision que l'on a de la musique est ainsi transformée de façon encore plus positive et plus authentique.


SUITE L'ORGANISATION D'UN GROUPE DE MUSIQUE


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