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LE PIANO VIRTUOSE, UN PROJET D’INTERPRÉTATION CONDUIT PAR L’IRCAM

L’IRCAM (Institut de Recherche et Coordination Acoustique Musique) travaille sur un projet qui met en œuvre un piano équipé de capteurs ; l’objectif étant de comparer différentes interprétations d’une même œuvre et de les analyser dans l’intention de mieux comprendre les techniques utilisées par les pianistes professionnels lors de leur performance.


UN PIANO ÉQUIPÉ DE CAPTEURS

Installé dans une vaste salle de l’IRCAM, un piano Bösendorfer joue tout seul une œuvre classique avec toutes ses nuances. À première vue, cela n’a rien d’exceptionnel. Il existe depuis fort longtemps les rouleaux de piano pneumatique qui, une fois mis en marche, exécute, grâce à une bande de papier perforée, un morceau de musique en tenant compte des notes et de leur dynamique. Alors, en quoi le projet proposé par l’IRCAM est-il différent ?

La question étant soulevée, le projet mené par l'institut ne repose pas, bien évidemment, sur la performance de voir jouer un piano tout seul ! Le centre spécialisé dans la musique cherche surtout à déterminer et à résoudre les moyens mis en œuvre par l’interprète pour donner vie à une partition.

© CNRS

Afin d’éclaircir le mystère qui entoure toute interprétation musicale, une équipe de scientifique conduite par la mathématicienne et pianiste Elaine Chew s’est penchée sur la question. Leur intention première est de collecter un maximum de données qui servira à évaluer très précisément la performance des pianistes. Pour l’atteindre, le seul moyen était d’utiliser un piano modifié : « Nous l’utilisons différemment. Pour nous, c’est un instrument scientifique, comme un scanner d’hôpital… Cette machine nous permet d’enregistrer et de collecter les détails très précis du jeu des pianistes », explique Elaine Chew.

Raccordé à un puissant centre de calcul, les capteurs permettent d’enregistrer sous forme de données la pression exercée sur chaque touche par les doigts du pianiste, mais aussi la vélocité de son jeu et l’action des pieds sur les pédales, ce qui permet de se rapprocher de la performance humaine pour ensuite la reproduire à l’identique.


DEUX OBJECTIFS À ATTEINDRE

L’intérêt, mais aussi la crédibilité du projet, repose sur l’exécution d’une même œuvre par différents pianistes pour comparer les effets techniques sur le rendu sonore, la couleur qui en résulte. Le pianiste doit aussi expliquer son interprétation et le pourquoi de tel ou tel choix. « On demande aux pianistes de révéler les secrets du métier. Certains n’en ont pas envie, mais je pense qu’ils sont nombreux à vouloir expliquer ce qu’ils font. C’est comme un magicien qui révèle ses tours. » précise Elain Chew.

Une fois accomplie, l’autre base du projet est de partager le résultat des enregistrements avec le public grâce à une application en ligne. Pour l’équipe de l’IRCAM, cette « science participative » est de la plus haute importance, car elle donne les moyens aux participants d'annoter les particularités qu’ils ont relevées comme les accents ou la dynamique de certaines phrases musicales.

C’est en partant de cette collecte d’information que l’IRCAM compte construire un modèle informatique centralisant un maximum de données qui tiendra compte à la fois des particularités techniques de la partition, de la perception de l’œuvre par l’interprète (qui aura accentué certains traits ou détails) et de celle de l’auditeur qui agira un peu à la façon d’un juge par ses annotations. En conclusion, ce qu’espère l’IRCAM c’est de fournir au grand public des moyens de décoder la musique pour explorer son délicat vocabulaire et, comme il est dit en conclusion dans le reportage : « Une manière de s’approprier la signature humaine laissée sur l’ivoire et sur l’ébène d’un clavier. »


LE PIANISTE VIRTUOSE (reportage CNRS)
Avec la participation d’Elaine Chew et de Corentin Guichaoua

Par PATRICK MARTIAL (Piano Web - 01/2021)


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