ANALYSE MUSICALE



LE SOLFÈGE, À QUOI ÇA SERT ? ANALYSE ET DÉCRYPTAGE

La question mérite d’être posée, car le solfège est souvent mis à mal par les musiciens, débutants ou pas. Il est surtout critiqué lors de sa phase d'apprentissage en raison de son austérité et de son côté obligatoire. On lui reproche également d'être enseigné séparément de l'instrument, ce qui n'arrange rien. Ces raisons-là et bien d'autres ont écorché son image au point de remettre en cause les nombreux avantages qu'il possède...


AU COMMENCEMENT, IL ÉTAIT UNE FOIS…

La musique remonte à des milliers d’années, bien avant que l’on ne songe à l’écrire. La musique était alors un moyen d’expression naturel, libre et intuitif. Bien des années avant Jésus-Christ, les instruments de musique étaient déjà sur tous les continents. Les traces laissées par la peinture et la sculpture témoignent de leur importance dans les sociétés : musicien jouant de la flûte, harpiste, joueur de tambours, etc. Les musiciens jouaient déjà d’antiques gammes à cinq ou sept notes, si bien que tous ou presque s’accordaient déjà pour développer, bien mystérieusement, un même développement tonal, donnant ainsi naissance aux notions de juste et de faux.

Quand les écrits ont vu le jour et que des gens instruits se sont aperçus du « pouvoir » qu’ils procuraient en termes de communication, il devenait assez logique de chercher à traduire également le son des instruments à travers des signes distinctifs. Dans l’histoire des Grecs, si l'on retient souvent Pythagore (le théoricien a mis en évidence les rapports étroits qui unissent la musique et le nombre), il ne faudrait pas oublier Aristote et ses disciples qui seront à l’origine des premières écritures musicales.

Durant des siècles, de guerres en conquêtes, alors que les mathématiques, les sciences appliquées, la philosophie et la littérature ouvrent des portes, les écritures musicales ne vont guère évoluer. Ce n’est qu’à partir du 12e/13e siècle que, conjointement avec l’arrivée des premiers instruments à clavier polyphonique (orgue à tuyaux, puis beaucoup plus tard le clavecin), l’écriture musicale va s’enrichir de nouveaux signes jusqu’à produire dès le 15e siècle des œuvres pour plusieurs instruments écrites sur différentes portées.

L’invention de ces instruments polyphoniques constitués d’un nombre important de notes va permettre une accélération du processus de création chez les compositeurs qui ont désormais plus de liberté et d’autonomie (le point d’orgue de cette soudaine évolution étant le piano au 18e siècle). Cet enrichissement aura une conséquence directe sur les écritures en produisant une « grammaire » spécifique, la même qui nous connaissons aujourd’hui et qui nous conduit à évoquer le solfège.


L’UTILITÉ DU SOLFÈGE

Pour définir le solfège, nous pourrions dire qu'il est constitué d'une somme d’idées articulée autour d’une certaine logique, avec des règles à suivre et à appliquer. Or, pour de nombreux musiciens, qui dit règle dit loi, mais dit aussi rigidité. Rigidité dans l’action à créer, rigidité à communiquer, à une époque où encore la plupart des gens ne savent encore ni lire ni écrire. Pourtant, la musique est là, partout, s’affranchissant des frontières et exprimant ses sentiments les plus divers. De là va naître une fracture, une incompréhension totale entre les musiciens, entre ceux qui jouent à l’intuition, ne sachant lire aucune note de musique et les autres qui, grâce à leur instruction, abordent la musique d’une façon plus « construite ».

Les musiciens autodidactes qui ont appris tout seul la musique (ou de maître à élève par la parole) démontrent une grande capacité à inventer et à jouer très dignement de leur instrument. Le solfège, par son exigence, rebute celui ou celle qui, d’une manière naturelle, exprime sa profonde musicalité sans autre forme et contrainte que le jeu naturel et instinctif. Le solfège se heurte dès lors à une hostilité et a bien du mal à expliquer sa légitimité. Toutefois, au regard des musiques qui vont naître à partir du 16e/17e siècle, le solfège deviendra une forme d'éducation, un passage obligé, ne serait-ce que pour comprendre des musiques toujours plus complexes.

De la même façon que le vocabulaire permet de comprendre une histoire écrite par un auteur, le solfège est pour le musicien un moyen de reproduire fidèlement les idées musicales d’un compositeur. C’est là que se situe tout l’enjeu du solfège avec ses signes et ses règles. Nous pourrions comparer le solfège à une langue étrangère que nous devrions apprendre simplement en la lisant.

La maîtrise de l’écriture musicale permet directement ou indirectement de s’approprier une technique instrumentale (ou vocale). Elle permet aussi à un musicien ou à un chanteur d’interpréter des styles de musique différents, sans pour autant en posséder ni la culture ni l'évolution. Grâce aux écritures, on peut très bien jouer une œuvre de Mozart ou une chanson quelconque sans jamais l’avoir entendu de sa vie. C’est d’ailleurs ce paradoxe qui pose souvent un problème dans l’éducation musicale, quand le lien avec la musique vivante est absent, quand il n’est qu’une instruction, un jeu de découverte aléatoire. Le contact avec la musique est alors incomplet et ne permet pas, de fait, un rapport optimal avec l’exécution de l’œuvre, même en présence d’un enseignant. L’écoute de la musique, une certaine idée de la culture et de la communication, le partage aussi, sont des éléments indispensables pour rendre une interprétation « vivante ».

Fort heureusement, apprendre le solfège procure quelques avantages à celui qui en connaît ses rudiments. Outre le déchiffrage de partition, ses autres points forts sont les suivants :

  • Favoriser la confiance en soi.
  • Permettre l’expérimentation.
  • Structurer la pensée dans le but de composer des musiques élaborées.
  • Utiliser une « grammaire » commune entre musiciens.
  • Diriger des musiciens.

Ce qu’il ne faut surtout pas croire, c’est que le solfège permet de développer la créativité. Ils sont encore trop nombreux ceux qui imaginent cela. La créativité, dans ce qu’elle a de plus pur, de neuf, est un phénomène qui échappe à toute déduction et raisonnement guidé. La créativité est présente à un instant donné parce qu’aucun phénomène n’entrave son existence. Les connaissances permettent seulement de transcrire des idées sur du papier, de réfléchir posément aux combinaisons des écritures et d’expérimenter en vue de les améliorer. L’écriture n’est donc qu’un moyen pour structurer sa pensée et aboutir à un hypothétique résultat.


LE SOLFÈGE ET L’IMPACT DES CONNAISSANCES

Les connaissances théoriques, du moins les bases, peuvent être acquises en quelques semaines. Avec quelques connaissances en harmonie (accords), il est possible de lire une grille de blues, simplement pour le « fun ». Bien évidemment, devenir un « King du blues » ne relèvera pas uniquement de ce simple acquis. Les expériences, la pratique conduite en solitaire et en groupe, les échanges culturels, permettent d’aller au-delà de cette superficialité. Il en est de même quelle que soit la musique jouée. En fait, la pérennité du plaisir offert par la musique est généralement proportionnel aux efforts consentis !

Ensuite, il semble bon de ne pas oublier que chaque style de musique implique son propre savoir. Ainsi, avoir un parcours en musique classique quand on se destine à vouloir jouer du jazz ou du rock n’a pas grand sens. C’est fréquemment ce genre d’erreur de parcours qui, à moyen terme, conduit à l’abandon.

Dans un premier temps, il est important d’éliminer les connaissances inutiles en allant à l’essentiel. Il sera toujours temps d’aborder les « à-côtés » au moment opportun. La surabondance d’information, de connaissances, nuisent trop souvent à la spontanéité que réclame la musique pour être un art et non une imitation. D’autre part, chaque style de musique est toujours dominé par un ou plusieurs éléments qui lui donne sens, ce qui invite naturellement à se détacher du reste. C’est normal ! On peut très bien imaginer qu’un guitariste de rock désireux de jouer un accompagnement de quelques accords ne verra, à première vue, aucune utilité à s’encombrer l’esprit en lisant des notes.

Pourtant, et même si le solfège ne permet pas tout, il se révèle à l’inverse fort utile dans les moments critiques, quand le jeu instinctif montre au grand jour ses limites. Dans ce cas, le même guitariste de rock sera bien content de savoir quelles notes il doit jouer dans une tonalité donnée afin d’éviter la note malheureuse.


EN FORME DE CONCLUSION

Le solfège temporise et guide les pas du musicien. Il permet, grâce à une discipline personnelle, d’améliorer le jeu et de lui apporter plus d’assurance sans que les connaissances compromettent ou ne perturbent le bonheur de jouer. Tout dans la musique n’est qu’une question de dosage, et il ne faut surtout pas qu’un empressement maladroit à vouloir réussir puisse déformer l’objectif premier (de trop nombreux musiciens se perdent en cherchant à se surpasser). Le rapport avec la musique doit toujours être un rapport de séduction avec soi. C’est certainement là, le point essentiel à ne pas perdre de vue.

Par ELIAN JOUGLA


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