LES FEMMES COMPOSITRICES, UNE HISTOIRE ENTRE TRADITIONS ET MODERNISME


LE COURRIER DES INTERNAUTES



Nathalie Plisson

Pourquoi existe-t-il aussi peu de femmes compositrices ?


Piano Web

Aujourd’hui, une règle simple voudrait que la place de la femme et de l’homme en société coïncide avec des valeurs basées sur l’égalité des droits. Notre société actuelle tente de faire bouger les lignes, notamment dans la vie familiale, la position sociale et politique.


DU POINT DE VUE HISTORIQUE ET SOCIAL

Historiquement, la domination par l’intimidation et la force physique sont certainement les repères qui ont engendré le plus sûr cloisonnement entre hommes et femmes. Mais ce cloisonnement à bien sûr d’autres repères, des repères que l’on trouve dans de nombreuses sociétés et qui se résument par ces deux mots : tradition et éducation.

Ces deux valeurs viennent renforcer la différence de position sociale et des rôles attribués en fonction du sexe. En retour, elles entraînent des prises de position injustifiées, rarement condamnées, et qui se traduisent le plus souvent par des blessures et de l'injustice. Comme de plus, les coutumes et l’éducation ont toujours produit plus de comportements jugés positifs que négatifs, personne ou presque ne souhaitait en changer. La sauvegarde des apparences était prioritaire.

Même au cœur du 20e siècle, les habitudes sont restées tenaces, comme verrouillées par une séparation des sexes soi-disant légitime. Chaque changement de comportement vestimentaire chez les femmes a toujours été considéré comme une révolution des mœurs en marquant son époque… C’est à la fin des années cinquante que tout s’est accéléré, télescopé sans attendre l’aval ou le bon désir de ces messieurs. À coup de provocation, de remises en questions, de manifestations successives, la femme a cherché à imposer son indépendance, sa liberté.

Comme la grande force de la musique est de se situer dans le domaine de l’intellect, la domination physique propre au sexe masculin n'avait pas lieu d'être. Dans le domaine des arts, il n’existe pas de supériorité, mais des différences qui ne peuvent objectivement exister dans de la comparaison, comme dans le sport. En d’autres temps, comprendre cela et l’appliquer ouvertement aurait été une abdication, un renoncement à des valeurs ancestrales. Cela explique en partie la lenteur du changement des mœurs, du moins sur la « place publique ». La majorité des femmes ne demandaient qu’à s’épanouir, à vivre en harmonie dans leur for intérieur, même si c’était le plus souvent sous le sceau de la confession et à voix basse qu’elles le communiquaient.


LA PLACE DES FEMMES DANS LA MUSIQUE

Fort heureusement, les disciplines artistiques ne prennent pas toujours racine dans des traditions pour évoluer, sinon la plupart des musiques que nous écoutons actuellement n’existeraient pas ! Par le passé, on a longtemps éduqué et conduit les jeunes filles à se conformer à des règles strictes ou de « bonnes conduites ». Le meilleur exemple de cette injustice est celui des jeunes pianistes de famille bourgeoise. Si le concert de salon était bien vu, la composition demeurait un univers secret ou inaccessible. Ces jeunes musiciennes n’étaient que des interprètes talentueuses sans autre avenir musical.

Fort heureusement, l’histoire a retenu quelques noms dont les poétesses Garsenda de Forcalquier (1180/1242), Clara d’Anduze (1200/ ?) et Hiledegarde de Bingen (1098/1179) qui écrira de nombreux chants liturgiques. Plus tard, à la renaissance, la cantatrice Barbara Strozzi (1619/1677) deviendra une compositrice talentueuse avec ses œuvres vocales.

Il existera aussi des compositrices qui demeureront dans l’ombre pour de vagues raisons familiales : la sœur de Mozart, Nannerl Mozart (1751/1829) et la sœur de Mendelssohn, Fanny Mendelssohn (1805/1847), mais aussi l’épouse de Malher, Alma Malher (1879/1964). Notons également Lily Boulanger qui sera la première femme à obtenir le Grand Prix de Rome en 1913 et, en raison peut-être de son influence marquante dans le domaine pédagogique, Nadia Boulanger (1887/1979), sa sœur cadette.

Après avoir cité ces quelques musiciennes, soyons honnêtes… à part un ou deux noms, sans l’effort de quelques musicologues et historiens qui se sont penchés sur la question, qui se souviendrait aujourd’hui de leur existence ? Pas grand monde, n'est-ce pas ? Si les concepts éducatifs ont été appliqués à la lettre, et si de telles compositrices ont laissé quelques traces de leur passage, c’est le plus souvent avec l’aval d’un père aimant ou d’un mari moins condescendant.

Toutefois, n’allez surtout pas penser que les jeunes filles manquaient d’éducation musicale, bien au contraire. Au cours du 19e siècle, lors des examens des grands conservatoires, certaines d'entre elles savaient relever les défis avec une audace qui faisait parfois pâlir d'envie leur homologue masculin. Certaines compositrices ont même écrit des œuvres qui ont été éditées, jouées et présentées sur des scènes prestigieuses.


LA PLACE DES COMPOSITRICES AUJOURD’HUI

En Occident, les chorégraphes célèbres, les musiciens célèbres, les peintres célèbres, les stylistes célèbres, etc. sont majoritairement des hommes. Le constat est sévère, mais bien réel. La question qui vient à l’esprit est la suivante : Pourquoi une position aussi dominatrice existe-t-elle encore ? La « fraîcheur » toute relative de l’émancipation de la femme est certainement la cause la plus défendable. Peut-être faut-il laisser encore du temps au temps pour qu’un équilibre s’établisse entre créateur et créatrice, comme la féminisation des mots ‘compositeur/compositrice’ ou ‘auteur/auteure’ dans le langage courant.

De nos jours, en France, dans les écoles et les conservatoires, les jeunes filles ont accès, tout comme les garçons, au même enseignement, aux classes de composition et d’harmonie. Idem pour les écoles enseignant le jazz et les autres disciplines. Aucune porte n’est fermée. En dehors de ces structures, la culture musicale ne cesse de rayonner, ouverte et généreuse, sans distinction de sexe, que ce soit dans les concerts, les disques, les livres, etc.

Sur un autre plan, puis tout en restant honnête par rapport à ma culture personnelle, je pourrais vous citer rapidement une dizaine de purs instrumentistes masculins, mais plus difficilement du côté féminin. D’autre part, si je me penche plus particulièrement en direction de la musique classique, je constate alors un déséquilibre bien plus flagrant que dans la musique vivante comme le rock ou le jazz (encore que dans le jazz, les chanteuses ont joué pendant longtemps un rôle d'ambassadrice pour les grands orchestres en raison de leur charme et féminité).

Ce qui est certain, c’est que l'acte créatif n'est pas une question de sexe, mais d’idées. Pour écrire une musique ou pour imaginer une sculpture, un pas de danse, il est nécessaire de se libérer intérieurement. Il faut avoir la totale liberté de ses pensées, de son corps, sans qu’interviennent à aucun moment des comparaisons nuisibles capables de freiner son élan.

Nul doute qu’avec le temps de plus en plus de femmes accéderont à la composition et sauront par ce biais imprimer efficacement en leur nom de quelconques révolutions artistiques. L’avenir s’écrit aujourd’hui. C’est une question de choix. Rien actuellement n’interdit à une femme de prendre des initiatives artistiques et j’en suis heureux.

Par ELIAN JOUGLA


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