HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ
Fidèle compagnon de Duke Ellington, pianiste tout comme lui, Billy Strayhorn a composé de belles ballades (Take the "A" train, Lush Life, Chelsea Bridge, Passion Flower, etc.) qui ont été interprétées par l'orchestre du "Duke". Billy et Duke étaient tellement proches que parfois leur travail respectif se confondait. À l'opposé de Duke Ellington, les orchestrations de Billy Strayhorn étaient plus académiques. Billy Strayhorn, de nature discrète, préférait l'enregistrement en studio à la prestation en public.
© William P. Gottlieb - Billy Strayhorn, New York, entre 1946 et 1948.
Si vous connaissez la composition de jazz Take the A Train, alors vous connaissez un des plus célèbres morceaux du répertoire de Duke Ellington, signé de main de maître par Billy "Sweat Pea" Strayhorn. La collaboration Duke Ellington/Billy Strayhorn est une rencontre rarissime, d'abord par sa durée, près de 30 ans et dans ce qu'elle a de fusionnel, allant jusqu'à l'imitation du style, du modèle et de la technique "Ellingtonienne". D'ailleurs, il est difficile de discerner où le modèle de l'un finit et où l'autre commence. Les résultats de cette collaboration ont apporté beaucoup de belles compositions et arrangements au monde du jazz.
Duke et Sweat Pea, ainsi qu'on le surnommait, partageaient le même raffinement, la même élégance, le même goût pour les alliages sonores capiteux et les riches harmonies. Si Billy Strayhorn eut la chance d'entendre sa musique jouée par l'un des meilleurs orchestres de jazz, il eut également l'immense talent de savoir exploiter toutes les ressources de celui-ci.
En 1938, Billy Strayhorn a 23 ans. Il est barman dans un drugstore et a déjà suivi des études musicales classiques. Il se passionne pour le répertoire romantique. C'est, cette année-là, à Pittsburgh, qu'il rencontre pour la première fois Duke Ellington, de seize ans son aîné et qu'il lui propose de devenir son parolier, avant de lui soumettre un peu plus tard des versions arrangées de ses compositions. Le "Duke", impressionné, propose alors à d'autres membres de l'orchestre de le rejoindre pour écouter Strayhorn. À la fin de la prestation, Duke Ellington promet alors à Strayhorn de le rencontrer à nouveau lors de son prochain passage avec l'orchestre à New York. Ni l'un ni l'autre ne sait encore quel sera le rôle ou la fonction que tiendra Strayhorn dans l'orchestre.
L'année suivante de leur rencontre, Billy Strayhorn est engagé et devient rapidement le maillon essentiel de l'orchestre de Duke Ellington, apportant sa contribution au niveau des textes, mais également au niveau des arrangements et des compositions.
Ellington prendra ce pianiste timide et doué sous ses ailes, tandis que Billy Strayhorn s'épanouira dans son ombre, préférant rester hors des feux de la rampe. Il sera, jusqu'au cancer qui l'emportera, l'ami, le compositeur favori, le confident, le double du "Duke".
Billy Strayhorn est le compositeur d'innombrables chefs-d'œuvre "ellingtoniens" : Blossom, Chelsea Bridge, Day Dream, Lush Life, Passion Flower, Raincheck, etc. Sa composition Take the A Train deviendra l'indicatif de l'orchestre. Si certaines compositions comme Day Dream ou Something to Live For étaient dues à une collaboration fructueuse avec le "Duke", il est utile de rappeler que plusieurs grands succès de l'orchestre étaient signés de la seule main du maître : Satin Doll, Sugar Hill Penthouse ou C-Jam Blues.
Strayhorn participera étroitement à la réalisation des plus grands travaux de l'orchestre comme Such Sweet Thunder, A Drum Is a Woman, The Perfume Suite et The Far East Suite. Son travail pour l'orchestre et ses morceaux écrits pour Johnny Hodges (sax) seront teintés d'une saveur aigre-douce et langoureuse. Blue Cloud, le dernier morceau écrit par Billy Strayhorn, sera repris par l'orchestre de Duke Ellington sous le titre Blood Count quelques mois après sa disparition, en hommage à l'ami et au collaborateur.
Billy Strayhorn a vécu une vie énormément productive. S'il a influencé beaucoup de gens, il est resté très modeste à tout moment. Il a même, pendant un certain temps, donné des leçons particulières à Lena Horne (voc) en musique classique pour élargir sa connaissance et pour améliorer l'approche du chant dans le jazz. Il a voyagé à travers le monde avec l'orchestre d'Ellington et pendant un bref moment, il a habité Paris. La propre musique de Billy Strayhorn est internationalement reconnue et honorée. Ses textes et ses musiques ont été adaptés en français et en suédois.
Bill Strayhorn était un musicien libre, mais peut-être n'a-t-il jamais osé aller au-delà d'une certaine tradition, d'une certain classicisme. À part une incursion vers un jazz plus "léger" pendant quelque temps (allant jusqu'à jouer du Fender Rhodes), il n'a eu de cesse toute sa vie de rester dans un cadre assez rigide.
Avec lui, pas d'improvisations apprises par cœur, seulement le plaisir de jouer et rejouer des ballades, des standards avec de nouveaux visages.