IMPROVISATION ET COMPOSITION, QUELLE DIFFÉRENCE ?


LE COURRIER DES INTERNAUTES



Roland Frédéric

En parcourant votre page consacrée à la composition, que je trouve au passage fort passionnante et approfondie, je n’ai pas trouvé la réponse à une question que je me pose depuis un certain temps : Est-ce qu’une improvisation peut conduire à une composition ?


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Est-ce qu’une improvisation peut conduire à une composition ? Oui, mais est-ce que l’improvisateur est aussi un compositeur ? Pas nécessairement, car même si la frontière qui sépare l’improvisation de la composition est proche, l’acte créatif et sa restitution ne sont pas conduits de la même façon.

Il arrive bien souvent que l’improvisateur renonce à la composition, car elle entraîne une discipline qui demande parfois du temps au temps. Les exemples les plus frappants de cette impatience se trouvent dans la musique jazz. Il n’est pas rare que ses interprètes aient recours à des phrases improvisées pour concevoir certaines compositions (en d’autres temps, Bach a fait de même). Les musiciens de jazz ne sont pas des compositeurs dans l’âme, mais surtout de solides instrumentistes aptes à transformer tout ce qu’ils touchent.

Ensuite, certains musiciens sont plus attachés par la conception structurelle du morceau – mesure, rythme, harmonie -, que par la mélodie. Tout en conservant une part active dans ce que peut leur apporter l’improvisation, ils élaborent leur propre style en plaçant prioritairement des « balises » qui délimitent volontairement leur champ d’action. Dans ce cas, la création n’est pas bridée, mais seulement dirigé de façon consciente.

Si une composition peut bouger en fonction des modes et des époques, lors de sa création, et contrairement à l’improvisation, son auteur peut utiliser des principes d’écriture établis par avance. Ce sont en quelque sorte des normes, des repères qui s’imposent par rapport à un style : structure du morceau, duré, rythme, cadence, orchestration, etc. Pour faire simple : une chanson est souvent basée sur l’alternance couplet/refrain, une valse sur une mesure à trois temps et une musique disco sur un rythme spécifique en 4/4. Une chanson, une valse ou une musique disco reposent donc sur des données structurelles typées et peuvent servir de support aux fondements d'une œuvre. Ces informations, que de nombreux compositeurs reconnaissent le plus souvent pour les avoir étudiées et pratiquées sur scène ou ailleurs, ne sont pas toujours appliquées à la lettre ; une œuvre pourra aussi évoluer sans être attaché à une quelconque ligne de conduite tout en revendiquant fièrement son statut de composition.


LA COMPOSITION SUR COMMANDE

Autre exemple. Dans le cadre des œuvres sur commande, comme celles qui existent dans la musique de films, il arrive fréquemment qu’en raison de l’urgence le compositeur trahisse ses sentiments et ses envies. La raison est simple : il doit absolument aboutir dans un temps imparti tout en tenant compte de l’avis du metteur en scène et du producteur. C’est la règle. Mais la musique de films n’est pas l’exception, car si l'on remonte dans le temps, la majorité des œuvres étaient le fruit de commandes. Souvenons-nous du fameux Requiem de Mozart et de sa scène tragique dans le film Amadeus de Milos Forman qui est une commande du comte Walsegg.

L’improvisation, tout en étant régie par des lois, échappe à ce genre de « contrôle » artistique. Il est rare de commander une improvisation à un musicien, sauf, bien-sûr, si elle est "cadrée" par des écritures. L'improvisation, contrairement à la composition, n'est pas une "photographie" figée. Lors d’un discours musical, il est difficile de tricher avec ses sentiments, de mettre par avance ses idées « en boîte », car tout se joue dans l’instant. Dans ce domaine, on ne peut échapper à son tempérament naturel, puisque celui-ci revient toujours au galop. Tous les improvisateurs vous diront que ce qui est joué appartient déjà au passé. Il n’existe pas d’exception à cette règle… Fort heureusement d’ailleurs, car c’est là que se niche la vraie vérité musicale. La consistance d'une improvisation est toujours éphémère, et si elle a pris une telle dimension, c'est surtout à cause de l'enregistrement qui, en la capturant, lui a donné aujourd'hui une mémoire, une histoire et une vérité.

Par ELIAN JOUGLA


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