ÊTRE GAUCHER ET JOUER DU PIANO


LE COURRIER DES INTERNAUTES



Loïc (Grenoble)

Lors de l’apprentissage du piano, doit-on tenir compte si la personne est gauchère ? Est-ce un avantage ?


Piano Web

La question mérite que l’on s’y attarde...

Il faut savoir qu’au moment d’enseigner un instrument, bien souvent, on ne tient jamais compte du fait qu’une personne soit droitière ou gauchère. Le fait est là. Ce manque d’attachement concernant la motricité naturelle "main droite/main gauche" ne provient pas directement de l’enseignant qui ne fait que transmettre une technique qu’on lui a apprise, mais de la conception du jeu utilisée avec l’instrument. Approfondissons…


JE SUIS GAUCHER ET JE JOUE DU VIOLON OU DE LA GUITARE

Avec un instrument à cordes frottées (guitare, violon, contrebasse…), le fait d’être gaucher a une incidence sur la pratique. Par exemple, la conduite du violon repose sur l’archet pour avoir la sûreté de jeu. La norme établie pour jouer du violon - parce qu'il existe là comme ailleurs des conditions à la pratique - veut que l'instrument soit posé sur le côté gauche. De fait, il est rare de voir un violoniste gaucher jouer à l’envers (observez pour cela la section des cordes d'un grand orchestre).

Pour un "pur gaucher", jouer comme un droitier peut rapidement devenir un obstacle et une source d'abandon. Dans les faits, cela pourrait être évité, puisque nous utilisons de nos jours la latéralisation dans les écritures. Dans le cas du violon pour gaucher, il est indispensable que les sillets, le chevalet, etc. soient inversées, pas seulement les cordes. L’instrument du gaucher doit être la fidèle copie inversée du modèle « standard ». Or, par économie, mais aussi pour faciliter son enseignement et le jeu en orchestre, la pratique du violon comme droitier est grandement majoritaire.

Même s’il est possible de commander un modèle inversé ou de le faire construire par un luthier, cela demande une compétence, un savoir-faire qui tient de l’exceptionnel et, de fait, possède un coût supérieur. Alors, bien souvent, le jeune enfant gaucher qui s’engage dans la voie du violon s’accommode douloureusement de cette injustice.

À l’inverse, la guitare a accepté la différence depuis longtemps. L’arrivée de la guitare électrique a accéléré la prise en compte du problème soulevé par les gauchers. La lutherie a suivi le mouvement et le marché également (même si la rareté a un prix, là aussi). Il existe bien sûr des gauchers qui jouent en utilisant une guitare de droitier en inversant seulement les cordes, mais le fait est assez rare, car l'instrument devient vite une source de problèmes, les commandes de l'instrument se trouvant alors positionnées en haut du corps de caisse et non en bas.


JE SUIS GAUCHER ET JE JOUE DU PIANO

Dans le cas du piano, le problème soulevé par le fait d’être gaucher ne se pose pas de la même façon. Pour répondre à votre question, il n’y a pas d’avantage à être un gaucher sur un piano. Cependant, cette réponse n’est pas d’une vérité absolue et doit être relativisée.

La disposition des touches du piano n’est pas à proprement parler symétrique, même si visuellement la disposition des touches est reconduite à l’identique d’octave en octave. Maintenant imaginez un instant que l’ordre des touches soit inversé. Que se passerait-il ? Plus aucune pianiste ne saurait jouer !

Dans un tel cas, la note ‘si’ se trouverait à la place du ‘ré’, la note ‘fa’ à la place du ‘sol’, etc. Sans compter la disposition des touches noires par deux et par trois qui serait également inversée.

Pourtant, si une telle organisation des touches devait se présenter, la logique voudrait que la morphologie adaptée pour la main droite devienne celle de la main gauche. Cette simple constatation soulève alors une question fondamentale : le piano serait-il un instrument conçu à l’origine pour les droitiers ?

Oui ! Mais c’est un « Oui » prudent. Il semble que la question soulevée ait disparu avec le temps, les années, les siècles (si tenté qu’un jour la question de la difficulté d’être un pianiste gaucher se soit réellement posée !)

L’idée du partage des tâches, du rôle séparé - mais complémentaire - des deux mains a conclu une sorte de pacte de bonne entente : la main droite joue la mélodie et la main gauche, l’accompagnement. C’est de cette façon que l’enseignement du piano est généralement abordé quand on débute. Puis, quand on grandit avec cette « normalisation du jeu », elle devient comme une évidence, une réalité.

Cependant, si notre cerveau a suffisamment de réactivité pour s’en accommoder, cette vision extrêmement simpliste du rôle joué par la main droite et la main gauche vole en éclat dès que le niveau technique s’élève. Le rôle assigné aux deux mains devient alors plus subtil et complexe, sans toutefois renverser leur « polarité » de jeu. Pour faire simple, on dira que les deux mains sont capables de fusionner à travers différents échanges harmonieux où la mélodie et l’accompagnement forment un mariage heureux (par exemple les fugues de Bach où la main gauche reprend par intermittence la mélodie de la main droite).

Théoriquement (comme techniquement), il est tout à fait possible d’inverser l’ordre des touches d’un piano, mais dans ce cas, il deviendrait assez logique que la partition suive le même chemin, en intervertissant les portées : clé de fa en haut et clé de sol au-dessous. On songe alors à tout ce qu’il faudrait remettre en question. Si une telle solution est difficilement envisageable, il existe par ailleurs quelques musiciens passionnés, des réformateurs qui se sont penchés sur la question en inventant des prototypes de claviers aux touches inversées : Un piano aux touches inversées.

En poursuivant l’idée, la solution la plus équitable serait de construire un clavier divisé en deux, avec la partie gauche qui aurait les touches inversées. Cette pure hypothèse accorderait ainsi aux deux mains un même équilibre du point de vue morphologique (un orgue à deux claviers pourrait être imaginé avec un chevauchement d'une partie de la tessiture de la main opposée à chacun d'eux), mais je dois reconnaître que malgré mon intérêt pour la pédagogie et les avancées technologiques, je n’ai aucune idée de l’avenant d’une telle technique pianistique et de la façon dont les informations transiteraient dans notre cerveau… Mais surtout pour quel résultat !

Par ELIAN JOUGLA


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