ANALYSE MUSICALE



LA COMPOSITION MUSICALE, DE SA FORME CLASSIQUE À LA MAO

La composition est un vaste sujet. Moteur de la musique, elle se veut tout à la fois savante ou légère, élitiste ou populaire. Ce sont les compositeurs qui fabriquent l'histoire de la musique et ceux d'aujourd'hui n'hésitent pas à utiliser les outils informatiques. Ils facilitent les travaux d'écriture et mettent au placard l'utilisation du crayon et de la gomme. Le monde bouge et les règles qui régissent le métier de compositeur également.


COMPOSITEUR… UNE ACTIVITÉ TOUJOURS EN ÉVOLUTION

Que signifie composer de la musique ?

Composer (du latin "componere") signifie placer ensemble, assembler.

Le compositeur est-elle une personne supérieurement capable d'assembler des sons de manière à les rendre plus ou moins harmonieux ?

Le compositeur ne se sent pas investi d'un pouvoir surnaturel. Pour composer, il n'utilise pas de méthode particulière, ni de connaissance théorique qui viendrait suppléer une mélodie quelconque. Chaque musicien au cours de sa vie trouve son inspiration de façons diverses… en étant studieux et réfléchi, en utilisant le lâcher-prise ou pourquoi pas en s'évadant dans des promenades bucoliques.

Il n'existe pas de règles, mais le compositeur se doit de connaître en son for intérieur ce qui touche à sa sensibilité et ce qui peut amplifier ses sensations émotionnelles. De nombreux compositeurs, à toute époque, ont recherché telle la quête du Graal, le chemin qui mène à l'état créatif. L'alcool, les drogues ont souvent servi de terrain d'expérimentation, parfois jusqu'à la démesure et parfois jusqu'à l'issue fatale.

Pour la plupart des compositeurs, utiliser des drogues n'est que le signe d'une souffrance intérieure. L'état créatif peut être si violent dans ce qu'il apporte au compositeur, qu'une baisse de régime, même minime, peut se transformer en une sorte d'impuissance, de remise en question ou être le signe annonciateur d'un échec à court terme. Aucune drogue n'a jusqu'à présent résolu ce genre de problème, bien au contraire. La drogue ne peut que se satisfaire de trouver un terrain aussi propice pour envahir progressivement toutes les couches de la pensée, comme l'impression de lâcher-prise provoquée par la marijuana.


LA COMPOSITION CLASSIQUE

Au début de la musique occidentale, la composition est véritablement un assemblage. Elle présente un chant principal (cantus firmus) qui est joint à d'autres voix. L'art de la composition repose alors sur un assemblage, une transformation, une ornementation. La composition est devenue seulement plus tard un art créatif.

Le compositeur classique devait-il suivre des règles ?

Beaucoup plus qu'aujourd'hui, s'il souhaitait être pris au sérieux. Je pense que l'éducation musicale poussée et l'encadrement strict et sévère qui a régné en maître jusqu'au début du 20e siècle a été un frein à l'épanouissement de nombreux compositeurs. La jeunesse de Mozart et de bien d'autres jeunes compositeurs n'a pas dû être rayonnante de bonheur !

Quels moyens utilisaient les grands compositeurs classiques ?

Chez Bach, la variation a joué un rôle déterminant. Sur des chorals, il travaillait des mélodies d'autres compositeurs. Ses derniers grands travaux concernaient la transformation contrapuntique d'un thème dont il n'était pas l'auteur. Bach avait compris que dans chaque réalisation musicale, l'imagination et l'inspiration sont nécessaires. Sans elles, aucune direction vocale contrapuntique ne peut exister.

Pour les compositeurs Beethoven et Brahms, les thèmes venaient à l'esprit à différents moments. Même après des années, des données supplémentaires s'ajoutaient aux anciennes, si bien qu'à partir du moment de la découverte du thème jusqu'à celui de l'œuvre terminée, un long chemin était parcouru.

Autre temps, autre approche… Arnold Schönberg, compositeur dodécaphonique, trouvait l'inspiration lors de ses longues promenades. Il aurait mis ainsi au point 80 mesures utilisant la technique dodécaphonique pour ensuite les restituer en un seul trait en rentrant chez lui. Hugo Wolf a créé ses chants guidés par de puissantes forces créatrices. Quant à Stravinsky, il l'exprimait différemment. Si les chants d'oiseaux l'ont sensibilisé, il disait que "le sens et le désir de la composition résultent de l'assemblage, de l'organisation d'une matière qui n'est du reste pas tout à fait essentielle".


LA COMPOSITION... C'EST 10 % D'INSPIRATION ET 90 % DE TRANSPIRATION

Plusieurs compositeurs ont répété cette plaisanterie sarcastique, mais qu'en est-il dans les faits ?

Cette remarque laisse entendre finalement qu'une composition repose sur une part minime de création pure. Que l'acte créatif étant de courte durée dans le temps, sans la persévérance d'un travail acharné, il n'existe aucun point de salut pour le compositeur !

Si cela est vrai, alors 10 % d'inspiration pure suffisent à entretenir la flamme, à combler tout musicien dans sa vie de compositeur. En réalité, il serait plus juste de parler en terme "d'intensité variable". Dans les moments les plus intenses, l'acte créatif crée une tension intérieure très violente chez le compositeur, l'isolant momentanément du monde extérieur pour le projeter dans un cocon où rien ne pourrait l'extirper. Agissant comme un désir incontrôlable, la notion de temps n'a plus de prise sur lui. Les idées fusent de façon anarchique, désordonnée. Il est quelque part hors du temps et vit l'instant présent de manière très intense. Ces sensations ne peuvent se partager et sont uniques. C'est pourquoi le musicien qui a connu une fois cette expérience, cet instant de grâce, cherche à le retrouver par tous les moyens.

Quand l'inspiration commence à s'évanouir, que la tension intérieure s'abaisse, l'emprise du temps et du monde extérieur redeviennent alors à nouveau actif. Il ne peut rester de ces moments forts que quelques idées inscrites dans un recoin du cerveau. Pour le compositeur, rien n'est fait, seule la matière première est là. Il faut à présent ordonner, modifier, amplifier, isoler, supprimer ce qui a jailli. L'idée des 90 % de transpiration se situe dans ces transformations, souvent nécessaires, sinon obligatoires, pour que le compositeur accepte en lui ses idées créatrices.


LA PART D'IMPROVISATION

La création, qu'elle provienne de la musique classique ou de la musique dite "moderne", repose en toute logique sur une bonne dose d'improvisation.

Alors l'improvisation et la composition sont la même chose ?

Pas tout à fait !

L'improvisation repose sur des connaissances théoriques ou sur les capacités autodidactes du musicien (ou les deux à la fois), sans que celui-ci cherche à structurer, former ou construire chaque note émise de façon formelle.

La convergence entre spontanéité et inventivité est la force de l'improvisateur, alors que la convergence entre réflexion et inventivité est celle du compositeur. La nuance est importante, car de nombreux musiciens ont le sentiment d'être des compositeurs, mais sans se sentir des improvisateurs. Ce qui laisse à penser que l'improvisation est un domaine qui, faute d'être bien compris, laisse en suspens bien des interrogations qui se transforment souvent en sentiment d'incapacité chez un grand nombre de musiciens.

Des musiciens comme Mozart ou Bach étaient forcément des improvisateurs, des improvisateurs disons "stylisés", pas comme ceux que nous connaissons aujourd'hui. Le musicien du 21e siècle peut faire musicalement ce qu'il veut, prétextant des recherches personnelles ou pas. C'est d'ailleurs une obligation que cette liberté soit présente. La musique du siècle dernier, en ne reposant plus uniquement sur des lois harmoniques arbitraires, a ouvert de multiples portes. Des compositeurs de tous horizons se sont réconciliés avec leurs racines traditionnelles, alors que d'autres sont partis en quête d'une mixité musicale multiethnique. Ce grand mélange a abouti aux musiques que nous connaissons aujourd'hui.

Jusqu'au 19e siècle, cette totale liberté d'expression aurait été interdite, pas forcément à cause des harmonies utilisées, mais plutôt à cause du rythme. La musique dite "savante", tout en admettant l'importance de celui-ci, le considérait comme étant secondaire, une sorte d'écho sonore à la musique primitive. Seule la marche militaire, avec son rythme simple pour cadrer le pas des soldats, admettait l'importance du rythme et des instruments de percussion. La mélodie se devait d'être mise en avant, tout comme les harmonies et leur savant mélange. Le compositeur dit "sérieux" devait posséder toute une éducation, un savoir, s'il voulait avoir une chance de vivre de son art.

Et Bach ?

Pour beaucoup de musiciens d'aujourd'hui, Bach reste encore un compositeur "moderne" par l'emploi de certaines harmonies dissonantes "déguisées". Il n'est pas étonnant que ce compositeur ait suscité autant d'adaptations en musique jazz, rock ou de variété. En musique, il ne peut exister une séparation franche entre ce qui est et ce qui a été. Toute musique est construite sur la base d'héritages successifs. Le musicien qui l'ignore ou qui cherche à l'ignorer, pour se préserver de toute influence qui pourrait lui nuire, a tort ! Même dans la musique jazz où le maître mot est l'improvisation, tous ceux qui ont révolutionné le langage étaient les premiers à rendre hommage à leurs maîtres.


LA COMPOSITION EN MUSIQUE MODERNE

Le gros bouleversement de la composition dite "moderne" tient dans la radicalisation des harmonies et par la place importante des cadences rythmiques répétitives.

Si le jazz favorise des rythmes ternaires parfois recherchés, l'arrivée du rock a abâtardi leur côté aérien. La prédominance des tempos binaires simples et carrés a fait sombrer la carte d'identité rythmique dans un rôle caricatural, souvent médiocre, au point que les rythmes primitifs les plus simples d'Afrique ou d'Asie pourraient être cités en exemple pour leurs qualités d'indépendances et pour la richesse de leurs variations rythmiques. Ce n'est donc pas un hasard si des compositeurs, pour trouver d'autres inspirations, se ressourcent auprès des musiques traditionnelles d'Afrique ou d'ailleurs. Malheureusement, en privilégiant des rythmes de base marquant tous les temps, il semble bien difficile de créer de nouvelles frontières rythmiques !

Et l'harmonie ?

Dans les années 50/60, alors que la musique free jazz commence à faire entendre ses dissonances, l'existence d'un jazz "modal" avec des grilles simples (parfois avec seulement trois, quatre accords, voire moins) ouvre la voie à une autre façon d'écouter et de composer. Étant moins subordonnée à l'harmonie, la mélodie se sent plus libre pour prendre naturellement son envol. Son rôle central lui donne une responsabilité accrue au sein de la composition. L'autre changement important s'opère dans la mise en place de rythme plus hypnotique et plus vivace.

De très nombreux compositeurs ont écrit avec cette approche musicale toute nouvelle qui conserve un certain académisme. Ce genre de composition a rapidement débordé en dehors des frontières du jazz, d'abord dans la musique latine, ensuite dans la musique rock.



LA COMPOSITION ASSISTÉE PAR DES MACHINES

Peut-on parler de composition dans ces cas-là ?

Oui bien sûr, car si la musique évolue, elle le doit en partie à l'étroite "collaboration" qui existe entre l'homme et la machine. Aujourd'hui, on peut se revendiquer compositeur sans utiliser du papier à musique et sans même savoir lire une note.

Certains diront… il y a compositeur et compositeur !

À entendre cela, doit-on penser que l'on ne peut créer en autodidacte, sans avoir aucune connaissance ? Doit-on revenir deux siècles en arrière et imposer une éducation musicale écrasante ?

Il ne faut pas utiliser la machine dans la seule idée qu'elle va planifier notre insuffisance technique ou nos connaissances. La machine est là qui nous tend les bras. Elle est capable de réaliser des prouesses techniques qu'humainement il est impossible de réaliser. Il est certes facile d'appuyer sur le bouton, mais pour le moment, aussi intelligent que sont les programmes, ils n'ont jamais pris le contrôle pour apporter des idées auquel l'être humain n'aurait pas pensé. Elles conduisent l'esprit, mais ne le supplantent pas.

Le but de ces machines (boîte à rythmes, séquenceur, arpégiateur…) est d'être programmées. L'idée, elle, vient du compositeur ou des programmateurs (séquence préfabriquée).

Il existe donc toujours plusieurs étapes intermédiaires entre le moment de création pure et l'étape de finalisation. Sur le fond, ce n'est pas très différent de ceux qui composent à "l'ancienne" avec du papier, en gommant et en recommençant. L'intérêt de la composition avec assistance informatisée tient dans les possibilités offertes qui sont énormes et par le gain de temps gagné. Mais attention, lorsqu'on maîtrise les programmes ! Car la part technique induite par l'utilisation des machines peut également se révéler énormes, ce qui, dans certains cas, peut faire regretter le bon temps du crayon et de la gomme.

Ce n'est pas aussi une question de gros sous ?

Oui, effectivement. Depuis les années 80/90, la musique MAO (Musique Assistée par Ordinateur) est devenue incontournable, pour des raisons pratiques comme économiques, car derrière le compositeur existe tout un marché fleurissant. Toutes les musiques (même la musique classique), ont recours à une part plus ou moins importante de musique informatisée.

La MAO est-elle indispensable ?

Si la composition se résume à des œuvres pour instruments solistes (piano ou guitare, par exemple), l'utilisation de l'informatique, côté compositeur, n'est pas indispensable, sauf à vouloir entendre ce que l'on joue, surtout si ce que l'on écrit dépasse le cap de sa propre technique. En revanche, dès que l'on pense orchestration, écriture pour plusieurs instruments, la musique informatisée devient un avantage.

Un exemple parmi d'autres, l'écriture de la partition, dont la tâche est souvent lourde, trouve là une solution clé en main. L'aspect visuel obtenu est de la même qualité qu'une partition du commerce et cela apporte au compositeur un gain de temps appréciable (dans certains cas, c'est même indispensable). Il existe bien sûr de nombreux autres avantages… la communication de données, qui facilite les mises au point entre tous les intervenants (musiciens, arrangeur, producteur…), la possibilité d'engager un travail de post-production, de faciliter le travail d'arrangeur, etc. Tout dépend des outils que possède le compositeur et de la connaissance qu'il a de ceux-ci. Aujourd'hui, un compositeur correctement équipé peut pratiquement faire tout ce qui lui passe par la tête… quelle chance !

Par ELIAN JOUGLA (09/2009)



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