ANALYSE MUSICALE



COMMENT DEVENIR UN COMPOSITEUR DE MUSIQUE COMMERCIALE

Cette page vient en complément de ÉCRIRE, COMPOSER UNE MUSIQUE COMMERCIALE concernant le profil du "compositeur commercial", avec tour à tour : l'originalité musicale et l'esthétisme, la réalisation technique et sonore, l'équilibre texte/musique, la communication et la personnalité.


1 - L'ORIGINALITÉ DE LA MUSIQUE ET LA RAISON ESTHÉTIQUE

L'ascendance de la musique sur le texte n'a cessé de prendre une place de plus en plus importante. À part pour certains courants, comme le rap, le texte des chansons a été sacrifié ou allégé au maximum pour laisser place à la musique. Le compositeur devant cette responsabilité est face à un problème : doit-il se sacrifier sans compromis ou tenter de garder une part d'inspiration originale, même marginale ?

Tout compositeur ayant essayé de prendre une direction "commerciale" s'est posé la question. Si l'on souhaite s'émanciper en créant un style, ce sera plus difficile, mais plus authentique. Un compositeur peut-être reconnu pour ses qualités artistiques par les gens du métier sans que sa musique soit populaire. Il existe là, une notion que beaucoup de musiciens ne comprennent pas toujours très bien. La gratification et la position de l'artiste "commercial" est d'être adulé plus par ses performances au niveau de la vente que pour ses qualités techniques et inventives, aussi évidentes soient-elles. Évidemment, quand toutes ces notions se conjuguent, c'est mieux. Il ne faut donc pas chercher à épater, mais plutôt apprendre à séduire par un propos commercial porteur. Le musicien doit-être un businessman, or il n'est pas dans les attributions de celui-ci d'avoir l'apanage du parfait vendeur, il doit l'apprendre par ses propres moyens !

Une composition est "commerciale" quand la projection intellectuelle de son créateur est en adéquation avec la sensibilité d'un maximum d'individus à un instant donné. C'est donc difficile et hasardeux. Pourtant, certains artistes sont connus pour leur facilité à créer des mélodies ou des harmonies accrocheuses. Doit-on parler alors de capacité intellectuelle particulière, d'une sensibilité hors norme ?

Les mélodies d'antan étaient très différentes de celles d'aujourd'hui. Elles s'efforçaient d'être le plus lyrique possible. De nombreuses personnes chantaient la mélodie en prenant leur douche. Le terme "populaire" n'était pas galvaudé. Divers airs devenaient des standards repris de génération en génération. Aujourd'hui, c'est plus difficile. La consommation de masse est passée par là. Bien souvent, le morceau écouté est aussitôt oublié quand le morceau suivant arrive. C'est le règne de la playlist et du baladeur. La tendance veut que l'on écoute la musique en toile de fond, distillant par-ci par-là quelques surprises sonores.

Le compositeur "commercial" d'aujourd'hui n'est pas seulement un compositeur muni d'un papier, d'un crayon et assis face à son piano, c'est un musicien qui a compris que les subtilités des œuvres musicales actuelles sont liées au son, aux moyens informatisés, à la production et au message social qu'elles véhiculent.

Même si l'ébauche d'une composition peut être fabriquée avec un seul instrument comme le piano ou la guitare, à un moment donné se posera le problème du son et de l'arrangement. Sauf à être entouré d'une personne compétente en la matière, c'est-à-dire un arrangeur, capable de réaliser une orchestration, mais également de comprendre les subtilités sonores du moment, le compositeur sera obligé de finaliser sa musique avec les moyens du bord : sa matière grise et le ou les instruments dont il dispose pour réaliser sa maquette.


2 - LA RÉALISATION TECHNIQUE

Aujourd'hui, dans un spectacle, plus personne ne comprendrait un problème de mise en place rythmique ou une faiblesse sonore quelconque. Les gens se sont habitués à écouter une musique formatée et propre. Rien ne doit déranger et encore moins étonner. Pourtant, le coup de génie, c'est de savoir faire cela : surprendre tout en laissant l'illusion d'être dans la norme, suivre le courant avec un coup d'avance, mais pas deux. Il faut laisser croire aux gens que la musique qu'ils attendaient... était la vôtre.

La moindre note de "ringardise" ou assimilée comme telle, le moindre faux pas et c'est la condamnation assurée. Pour le compositeur "commercial", cette recherche d'esthétisme convenu frise le maniérisme. Il faut toujours être vigilant à cela, car se rapprocher d'une musique dite "commerciale" correspond à la synthèse d'un travail basé sur l'écoute, l'observation et l'analyse. Cela signifie qu'il est nécessaire de développer une approche ciblée et respectueuse du style musical choisi et de posséder envers lui un vif intérêt.

Le nombre de musiciens qui critique la musique commerciale, qu'ils viennent du classique, du jazz ou d'ailleurs, comme étant d'une facilité désarmante, déchante rapidement le jour où ils essayent. Toutes les formes musicales doivent être respectées, quel que soit leur style ou le public pour lequel elles sont destinées.


L'ÉVOLUTION DES TEXTES... LA CHANSON RAP

Hier, des chansons du style Ma cabane au Canada, Parlez-moi d'amour ou Le temps des cerises étaient des chansons sur l'observation de la vie et employaient des mots simples. Elles avaient un point en commun, celui de s'évader du quotidien, de faire oublier pendant quelques minutes les difficultés de la vie. La chanson était une respiration, mais elle n'était pas la justification d'une fuite en avant. Dans la carrière d'auteurs contestataires comme Jean Ferrat, Georges Brassens ou Léo Ferré, il y a toujours eu des chansons aux messages puissants et d'autres plus légères, mais sans être "fleur bleue". La force principale de ces grands auteurs de la chanson française a été la capacité d'écrire au moins une chanson dans laquelle nous pouvons, vous et moi, nous identifier.

À l'époque, la musique était souvent le faire-valoir du texte. Ce dernier devait avoir une couleur "populaire" tout en apportant sa raison d'être par des vers d'une certaine profondeur, voire d'une certaine intelligence basée avant tout sur l'observation. Mais à l'apparition des chansons anglo-saxonnes, dans les années 1950/1960, tout a été bousculé. La frontière du langage, masquant pour le plus grand nombre la légèreté de certains textes, fréquemment ridicules et l'apparition de nouveaux rythmes outre-atlantique, a précipité l'équilibre "texte/musique" dans un profond bouleversement qui mettra à mal de nombreux auteurs interprètes de l'époque... Jacques Brel en tête.

C'était comme une vague déferlante que rien ne pouvait arrêter. C'était le début de la consommation de masse. Il fallait s'adapter ou laisser sa place à quelqu'un d'autre. Si certains sont arrivés à résister, ils le doivent avant tout à leurs carrières déjà prestigieuses et par un certain nombre d'auditeurs qui voyait dans la chanson anglo-saxonne un danger immédiat. Pour l'artiste qui démarrait, c'était dur. Résister aux modes de l'époque, le rock, le twist, le jerk… devenait un parcours du combattant. Cette recherche d'identité d'une nouvelle chanson spécifiquement française perdurera jusqu'aux années 1980.

Aujourd'hui, la chanson française traditionnelle est rentrée dans une forme de patrimoine orgueilleux. Pour protéger une certaine culture typiquement française, des quotas ont été mis en place en ce qui concerne les médias et cela fonctionne plutôt bien. Les auteurs et compositeurs portant ces valeurs ne manquent pas et continuent à renouveler une certaine tradition culturelle.

Le message du rappeur : porté par le malaise de la société actuelle et pour perdurer la tradition des chansons engagées, de jeunes auteurs continuent d'utiliser les arguments sociaux, les messages politiques pour tenter d'apporter une certaine originalité dans leurs textes. Dans la musique rap, l'emploi d'un nouveau vocabulaire, pas toujours compréhensible par tout le monde, sauf à avoir le texte sous les yeux, participe de façon active au rythme musical, épousant celui-ci jusqu'à se fondre en lui. Le texte n'est plus détaché de la musique comme dans les chansons d'autrefois, il participe à valeur égale avec elle pour tendre vers une certaine unité. Il est difficile de savoir qui influe sur l'autre, la musique ou le texte.

Dans ce style, le rôle du couplet/refrain s'est évaporé pour laisser place à un long monologue. Le poids de chaque phrase n'est plus porteur d'images fortes comme jadis. Le texte devient comme le déroulement d'une pièce théâtrale, racontant une histoire dans laquelle l'auditeur peut s'identifier. Peut-on alors parler encore de chansons, puisque les fondements, les marques de repères des structures traditionnelles n'existent plus ? Bien sûr, la musique et les textes sont toujours là, mais leur rôle comme leur importance ont changé. Le refrain qui tenait hier en quelques vers, se résume aujourd'hui à un slogan vindicatif. La "chanson/bonheur" n'est que rarement à l'ordre du jour. Celles-ci se font de plus en plus rare et il est difficile d'imaginer "l'auditeur lambda" chanter un slogan sous sa douche !

3 - LE MIXAGE SONORE ET LE CONCEPT D'EFFICACITÉ

La place du son (l'enregistrement) doit tenir une place importante pour le compositeur "commercial". Une fois la composition et les arrangements terminés, il est temps que le morceau tellement attendu voit le jour… qu'il prenne vie. Après l'enregistrement des instruments viens l'étape du mixage. Ses avantages sont multiples : le mixage sonore va en premier lieu affiner la composition et mettre en relief certaines parties à des moments précis, tandis que d'autres vont s'effacer, voire disparaître pour revenir plus tard dans le déroulement du morceau. En principe, quand l'arrangement a été bien pensé, le mixage est facilité. L'arrangement dirige en quelque sorte le mixage. Autant dire que cette étape est cruciale et peut définitivement porter ou condamner la composition.

À l'écoute, les gens n'entendent pas une composition comme l'entend son créateur. L'attention du compositeur sera peut-être attirée par un détail qui "cloche", alors que personne d'autre ne le remarquera. Chez de nombreuses personnes, l'écoute est globale, bien qu'elles soient capables de discerner parfois une différence, mais sans pouvoir réellement l'analyser . Même les professionnels ont, à la première écoute, une perception totale de la composition. Ça passe ou ça casse ! Mais s'ils demandent à réécouter… c'est bon signe.

Conseil : si votre travail est soigné, un professionnel le remarquera si son oreille est là pour l'entendre… choisissez alors le bon moment !

Votre composition, c'est une projection de vous à un instant donné. Sa qualité dépend de votre exigence, de votre minutie à élaborer les idées qui la construisent. Sans tomber dans un perfectionnisme à outrance, rare sont aujourd'hui les maquettes qui ne "tournent pas rond" ou qui sont de mauvaise qualité sonore. Si tel était le cas, votre image de compositeur serait mise à mal, quel que soit votre sérieux et votre talent en la matière. Les critères de l'esthétisme ont un poids très important dans la décision finale.

Votre composition est censée faire ses preuves auprès d'un large auditoire. Ce n'est plus une composition jouée toute seule au piano, mais un produit enrobé d'un certain son, d'un arrangement collant à certaines modes et appuyé par votre talent "d'artiste vendeur". Pour enlever des doutes bien légitimes, vous devez tout à la fois faire preuve d'un certain perfectionnisme, mais également être tolérant envers un système médiatique qui peut parfois vous décontenancer.

Le concept d'efficacité doit devenir le maître mot du compositeur qui accède à une certaine compréhension du langage commercial où se conjuguent simplicité, originalité et musicalité. Ces trois mots sont très subjectifs, pourtant ils pèsent de tout leur poids dans le résultat commercial d'une création. Il s'avère difficile de les séparer.

La simplicité, l'originalité comme la musicalité se réunissent autour d'un mot commun : l'accessibilité… L'accessibilité au plus grand nombre, puisque tel est le but de la démarche commerciale.


4 - LA COMMUNICATION
(Les relations, principalement dans le milieu artistique)

Un artiste, quel que soit son talent, ne peut exister sans avoir autour de lui des personnes qui croient en lui. C'est la base même de sa force, de sa puissance qui sont en jeu. Écrire des textes ou composer des musiques en vase clos deviendra pour son créateur son tombeau ! Toutes les formes artistiques sont basées sur de la communication. La "com" explore le terrain de la notoriété. C'est elle qui reconnaît la démarche personnelle basée sur les idées, le talent, le caractère et les goûts.

Les relations ont toujours été le vecteur essentiel de l'artiste. Elles sont pour lui la dynamique de l'estime, la reconnaissance d'un talent ou d'une personnalité. Avoir des relations dans un milieu influent, qu'il soit journalistique, politique ou artistique, n'est pas chose facile, car chaque milieu a ses règles de conduite. Être "introduit" ne suffit pas si l'on n'a pas la manière, le ton ou l'à-propos.

Pour un artiste, savoir parler de son art est un avantage certain pour vendre en retour un produit auquel il croit. Proposer une chanson ou un morceau de musique, c'est comme présenter un grand mets. Il faut apporter aux convives des observations concernant le raffinement des arrangements musicaux, l'originalité du mélange des sons ou le savant dosage des mots usités. Ils doivent sentir la différence, l'exceptionnel dans ce qui est parfois un produit banal. La composition en elle-même est insuffisante, l'art de l'enrobage, du sucré, c'est la touche finale, c'est un plus qui fera la différence entre l'artiste plébiscité et ses concurrents. L'artiste doit apprendre à vendre, si ce n'est se vendre pour marquer sa singularité.

La promotion est donc capitale et les relations font partie du cortège. L'artiste reconnu rayonne à la façon de l'araignée qui tisse sa toile en utilisant ses relations. Mais attention ! … prendre des relations dans son filet est un jeu dangereux qui peut se retourner contre soi. Courir après des relations ne signifie pas la garantie d'une réussite totale !


5 - LA PERSONNALITÉ DU COMPOSITEUR

Les artistes se divisent en deux grands courants :

  • Le rêveur : le clivage des styles n'a pas d'importance pour lui et il ne prête pas attention aux phénomènes de mode. Dans ce cas, son détachement va de pair avec son authenticité. Il ne subit pas la pression extérieure ou juste un peu… suffisamment pour coller à un certain "marketing" et il refuse toute forme de manipulation. Il est un artiste indépendant, libre, voire marginal et heureux de l'être. Le fait de chanter du Piaf ne lui pose pas plus de problème que de chanter le dernier "tube" de l'année. Si le succès arrive, il viendra à lui au hasard d'une tournée ou lors d'une rencontre imprévue. D'ailleurs, le succès n'est pas sa recherche première, il désire seulement être reconnu pour sa qualité de travail, son sérieux et son réel talent.

  • L'arriviste : il essaye de coller à la mode du moment. Il désire se rapprocher du show-biz et il est prêt à étudier toute proposition qui correspond à son attente, même celles exigeantes du milieu artistique. Il souhaite montrer avant tout qu'il est un battant et que rien ne lui fait peur, que son ambition est en phase avec ses désirs. C'est un être calculateur qui fait que chaque geste, chaque pas, le persuade qu'il se rapproche de son but inavoué… être en haut de l'affiche.

En réalité, la lecture de ces deux présentations sommaires et caricaturales ne sert pas l'artiste.

Contrairement à ce que l'on croit souvent, il n'existe pas de profil type. Généralement, la personnalité du compositeur se définit souvent par un individualisme assez important. Il est difficile en effet d'écrire de la musique à plusieurs ou de partager ses idées créatrices, sauf à répartir les tâches de façon méthodique. Par exemple, le matériel brut du compositeur passe dans les mains d'un arrangeur ou d'un orchestrateur qui va ensuite l'affiner. Les auteurs-compositeurs qui cosignent des titres sont rares, même quand la pochette prouve le contraire. À la base, c'est souvent un arrangement commercial entre les intervenants. Les titres cosignés entre John Lennon et Paul McCartney des Beatles en sont un bon exemple.

Le compositeur "commercial" est un musicien qui a compris que travailler la technique instrumentale ne rime pas forcément avec maîtrise de l'art. Face à la page blanche, le musicien comme l'écrivain n'est soumis à aucune règle stricte. Il peut commencer par une note ou un accord sans règle établie. Toutefois, avec le recul, il est toujours possible d'intellectualiser la réussite d'un morceau. À titre d'exemple, on peut signaler toute l'importance de l'accord en point d'orgue qui sert d'introduction au morceau A Hard Day Night des Beatles. Celui-ci a peut-être tout changé dans la réussite commerciale de cette composition, surgissant telle une harmonie magique lançant la mélodie. Comme quoi, en musique "commerciale", un petit détail peut tout changer !

Le côté instinctif doit toujours prédominer, dans une imagination sans limites et sans règles formelles. La personnalité du compositeur "commercial" doit souligner ses passages musicaux avec une grande simplicité. Il doit être à l'essence même de la musique. Quand le compositeur a recours à ses connaissances techniques, ce n'est que pour apporter un discours plus fluide et plus compréhensible. La technique n'est pas utilisée pour devenir une règle académique, elle est juste un moyen de cadrer sa pensée dès que c'est nécessaire. La technique se situe au niveau où l'imaginaire est libre, sans être entachée par des raisons purement identitaires.

Il faut toujours relativiser par rapport à ce que l'on crée. Il est normal d'être heureux quand on sent, comme par intuition, que ce que l'on a trouvé à quelque chose d'original et de personnel, mais ce n'est pas une raison de crier misère lorsque rien ne vient. En musique, il faut toujours faire preuve d'une certaine sagesse. La musique a cette force de vous l'apprendre si vous allez vers elle. Il ne faut pas rechercher la créativité, elle viendra à vous que si vous vous ouvrez à elle.

Par ELIAN JOUGLA (06/2007)



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