HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS
Au départ, l'orgue Hammond a été conçu pour répondre à la demande de nombreuses églises fréquentées par les noirs américains. Si son coût, bien inférieur à celui de l'orgue à tuyaux, ne le destinait pas à la grande musique et aux musiciens classiques, il a surtout enflammé de nombreux musiciens de jazz qui découvrirent en lui de nouvelles inspirations créatrices.
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Le concepteur de l'instrument, Laurens Hammond est horloger de métier. Il est né en 1895 à Evanston dans l'Illinois (États-Unis). C'est un véritable chercheur, un aventurier à une époque où grâce à la "fée électricité", la technologie moderne prend tout son envol. Au début des années 1930, après avoir conçu une table de bridge automatique et les prémices de l'embrayage automatique pour automobile, il imagine de fabriquer un instrument de taille modeste et capable de reproduire les sons d'un orgue à tuyaux, basé sur un générateur de sons révolutionnaire. Celui-ci est constitué d'un moteur synchrone aussi précis qu'une horloge et qui permet de faire tourner des dizaines de roues phoniques avec une fréquence stable.
Le générateur de sons est composé de petites roues dentelées qui tournent chacune devant un aimant sur lequel est enroulé, en spirale, du fil électrique (sur le même principe que les bobines utilisées pour actionner des contacts ou celle du haut-parleur en faisant vibrer la membrane).
Pour construire une gamme mélodique, les roues doivent tourner à des vitesses différentes. Pour résoudre certains problèmes techniques, Laurens Hammond regroupe les roues deux par deux. Chaque groupe de roues est entraîné par un embrayage à ressort. C'est la vitesse de rotation qui détermine la hauteur de l'instrument. Ainsi, si la tension varie quelque peu, la hauteur de la note également et l'instrument devient faux. Comme la fréquence d'alimentation secteur est stable (60 Hz aux États-Unis), l'idée est d'utiliser un moteur synchrone qui va se caler sur la fréquence du secteur.
Au premier moteur synchrone est rajouté un moteur supplémentaire de type asynchrone. Il va permettre au moteur principal d'atteindre sa vitesse nominale. Deux interrupteurs commandent les deux moteurs pour démarrer et faire tourner les axes des roues phoniques et le vibrato. Le premier interrupteur lance le moteur asynchrone et quand celui-ci tourne à sa vitesse optimum, le second interrupteur lance le moteur synchrone qui se positionne alors sur la fréquence stable du secteur. Le premier moteur n'a plus d'utilité et peut être arrêté.
Pour éviter toute surchauffe, un système de lubrification des pièces avec bain d'huile fonctionne par capillarité. Les courants induits par les roues sont amplifiés et produisent les sons à travers deux haut-parleurs. Les sons sont ensuite affinés en utilisant des tirettes, qui ont pour fonction de mixer chaque note fondamentale avec des harmoniques.
L'idée est trouvée, mais des affaires malheureuses mettent la société Hammond en faillite et c'est Henry Ford, le constructeur d'automobile, qui vient sauver Hammond, en finançant et en construisant les premiers modèles. Après de nombreux mois d'expérimentation, le premier modèle d'orgue Hammond est révélé à New York en 1935. Ce premier modèle est baptisé le modèle A. Il bénéficie des dernières technologies en matière de mécanique, d'électronique et repose toujours sur l'astucieux système des tirettes. Les sonorités de flûtes sont superposées sur plusieurs octaves ou décalées avec différentes intensités, de manière à imiter les sons veloutés des orgues à tuyaux. Un second générateur est ajouté pour obtenir des vibratos inimitables.
Avec ce premier modèle, Laurens Hammond réussit à construire un orgue électronique trente fois moins cher que les modèles à tuyaux. Grâce à cette nouvelle technologie, les sons obtenus sont de colorations tonales jamais encore entendues. La technique de jeu est comparable à celle de l'orgue d'église et le meuble a déjà l'allure du futur B3 (la référence). Il est constitué d'un pédalier de 25 notes, de deux claviers de 61 touches chacun, mais l'équipement électronique est encore fragile avec son câblage isolé par du fil de coton et les réservoirs d'huile sont imposants. L'orgue est branché sur un ampli rudimentaire (le Tone Cabinet). Toutefois, sur ce modèle sont déjà présentes 11 notes noires qui commandent 9 preset.
Il faudra attendre un second modèle, le BC, en 1936, pour que l'orgue soit équipé d'un second générateur à roues phoniques ; ce qui permettra d'obtenir un vibrato de très bonne qualité. Le succès de cet orgue ne se fait pas attendre et celui-ci grandira encore quand la cabine Leslie sera rajoutée en 1960. Néanmoins, cela n'empêche pas Hammond de fabriquer des amplis avec des dispositifs de réverbération à ressorts (les fameuses réverb à ressorts qui resteront la référence jusqu'à l'arrivée du transistor).
Du nom de son créateur Don Leslie, les premières cabines sont fabriquées par la firme cinématographique Columbia. La cabine Leslie est une caisse en bois dotée d'un amplificateur et équipée de haut-parleurs rotatifs qui brasse le son et "le fait tourner".
Principe technique : Quand les pavillons sont dirigés vers la personne, le son est plus fort et quand la direction change, le son diminue. La rotation des trompes (haut-parleurs) est produite par un ou plusieurs moteurs qui sont déclenchés par des relais électriques (à induction).
Une seconde trompe au bas de la cabine tourne dans un sens opposé, afin que les couples de rotation s'annulent. C'est grâce à cet ingénieux système de haut-parleurs rotatifs que l'on obtient un vibrato naturel. La direction du son est partagée entre le haut-parleur du haut et du bas afin de produire un cycle de rotation (la vitesse est programmable).
Les premiers modèles équipés de lampes sont les plus recherchés (122, 147 par CBS), les modèles à transistor n'apportant pas le même grain de son.
À consulter : La cabine Leslie, fonctionnement et évolution
Avant le B3 de nombreux autres modèles voient le jour, notamment :
L'année 1955 marque l'arrivée du fameux B3. Il se différencie de ses prédécesseurs par l'utilisation d'un système de percussion et de tirettes linéaires. Il est rapidement utilisé dans la musique blues et le gospel avant d'être exploité par le jazz et dans les années 1960/70 à travers les différents courants de musique rock : le latin avec Carlos Santana, le hard avec Deep Purple, le country-rock avec The Allman Brothers Band, le reggae avec Jimmy Clift et Bob Marley, sans parler de la fusion ou plus près de nous, de l'acid-jazz.
En 1958, au moment où Jimmy Smith popularise aux États-Unis l'instrument, la firme Hammond s'apprête à sortir le successeur du B3, le A100, le premier modèle à posséder un ampli intégré et la fameuse réverbération à ressort. Devant l'explosion des ventes et grâce à Jimmy Smith, la firme décide de reprendre la production des B3, sans savoir encore que ce modèle sera la référence de la marque.
SUITE... HISTOIRE DE L'ORGUE HAMMOND (2ème partie)