LE SAVIEZ-VOUS ?



PRÉPARER, ACCORDER UN PIANO AVANT UN CONCERT

Le réglage du piano le jour d’un grand concert doit être parfait. C’est fondamental pour celui qui doit poser ses doigts dessus, mais aussi pour la personne chargée de sa maintenance. Or, le piano, derrière son aspect robuste, n’est pas avare d’interrogations et d’exigences, car au-delà des critères personnels que tout pianiste est en droit de demander, la complexité de son réglage soulève parfois quelques problèmes…


LA CONFRONTATION AVEC LE PIANO

Pour un pianiste, la première difficulté à surmonter est d’avoir face à lui un piano différent dans chaque salle où il se produit. Le rêve ultime serait bien sûr d’arriver avec son piano, celui auquel il est habitué, mais les grandes stars du piano, les premières, renoncent à ce genre de caprice coûteux et responsable d’un grand nombre de problèmes. Cette confrontation avec la réalité soulève une question primordiale : le jour du concert, le pianiste doit éprouver une sensation fusionnelle avec un piano qu’il ne connaît pas, où si peu, pour l’avoir essayé quelques heures auparavant.

Le pianiste doit ressentir de bonnes sensations, un confort physique suffisant pour que son talent puisse s’exprimer totalement. Chaque piano possède ses propres réglages qui vont de la résistance au toucher jusqu’à l’enfoncement des touches en passant par le jeu du pédalier. Si, pour le pianiste, cela se traduit par de l’inconfort, une gêne sur scène, le réglage inadapté du piano viendra renforcer le stress et le trac durant les instants qui précèdent le concert.

© flickr.com

Ce sentiment fort désagréable ne remet pas en cause fondamentalement l’usage du piano, car même si l’instrument offre bien des solutions techniques, comme tout instrument acoustique, chaque modèle possède au départ un « réglage d’usine ». Par chance, il pourra peut-être convenir au pianiste. Toutefois, il n’est pas rare qu’un piano de concert neuf ou presque neuf procure la sensation de posséder un toucher assez dur, ce qui nécessite – sans qu’un technicien intervienne - un rodage préalable en passant entre les mains de plusieurs pianistes (chaque pianiste possède un jeu en intérieur ou extérieur). En règle générale, la première sensation au toucher capitalise rapidement, positivement ou négativement, l’acceptation ou le rejet de l’instrument.

Lors d’un concert, un bon accord demeure primordial. Un facteur qui connaît bien son métier est en mesure de préparer le piano pour satisfaire au mieux les exigences du concertiste. Cette préparation de l’instrument en amont rassure généralement le concertiste. Cependant, il faut savoir qu’en dehors des festivals consacrés au piano qui exigent une maintenance journalière, le piano du théâtre utilisé pour des concerts exceptionnels n’est révisé qu’occasionnellement, à la demande. Aussi, arrive-t-il bien souvent que l’accordeur soit appelé à la rescousse, quelques heures avant le concert, par le pianiste sur place quand celui-ci constate des défauts d’accords ou des irrégularités concernant la mécanique de l'instrument.

Pour le pianiste, le jeu sur l’instrument doit être sans ambages. Qu’un pianiste aime un toucher dur ou léger n’est qu’une affaire de goût, de sensation aussi. Habituellement, un toucher qui offre une certaine résistance permet un meilleur contrôle de la technique sur le clavier. On évite par la même occasion les mauvaises surprises quand, lors d’un concert, le piano présent est assez dur.

Par ailleurs, il est toujours bon de rappeler que le piano est un instrument qui possède dans son répertoire des œuvres à l’engagement physique total. En conséquence, un piano qui demande plus de puissance dans les doigts pour être joué correctement, qui exerce une résistance accrue due au poids de l’enfoncement des touches, est un piano qui devient rapidement exigeant. Dans ce cas, un pianiste qui manque de préparation doit évidemment s’attendre à se trouver dans une situation qui l’obligera à se surpasser, avec le risque de courir à la faute ou pire, d’avoir des blessures physiques (tendinite, par exemple).

Fort heureusement, le désir d’un toucher adapté à sa personne n’est pas insurmontable, c’est même une modification qui peut aboutir rapidement avec un technicien compétent. Toutefois, dans le cadre d’un concert, le problème soulevé devient épineux quand l’accordeur doit ajuster à la demande un piano dans l’urgence - voire sans la présence physique du pianiste à ses côtés (ce qui peut survenir notamment lors d’une tournée) – sans compter les paramètres liés à l’acoustique de la salle que le pianiste ne connaît pas forcément.


COMMUNICATION ET DIALOGUE AVANT CONCERT

Chaque pianiste ayant ses propres exigences, le jour du concert tout ou presque repose sur la communication avec l’accordeur. Or, la plupart des pianistes connaissent assez mal leur instrument. Alors que le guitariste ou le violoniste apprennent à devenir autonome en entretenant leur instrument, à changer et à accorder les cordes, de nombreux pianistes ignorent souvent l'interaction des pièces mécaniques qui agissent sur le son de leur instrument. Dans les écoles et les conservatoires, aucune formation n’oblige un élève pianiste à se pencher sur le fonctionnement et l’entretien du piano. Paradoxalement, alors que le pianiste passe des centaines d'heures sur son instrument, s'il n'est point animé de curiosité, une prise de distance éducative entre lui et l'instrument se met en place.

L’autre raison, celle-ci plus évidente, provient du fait que les enjeux poursuivis par le technicien et le musicien sont très différents. Fondamentalement, on ne peut pas reprocher à un pianiste de ne pas connaître sur le bout des doigts le fonctionnement de la mécanique d’une touche ou le rôle joué par les différentes pièces constituant l’instrument. Cependant, même si ce savoir ne permet pas à l'interprète d’approfondir l’art du piano, un minimum de connaissances autoriserait un dialogue certainement plus constructif avec l’accordeur. Cela éviterait une discussion autour de termes vagues, de mots qui ne sont pas clairement identifiés : puissance, timbre, résonance, etc.

Tout n’est parfois qu’une question de vocabulaire. Chaque piano a sa propre histoire. Chaque marque possède ses qualités, ses recommandations d’usage, ses exigences. C’est pour ces raisons que toute information devient aussi utile que la moindre des éducations pianistiques. Connaître le fonctionnement des pédales, des marteaux, des étouffoirs, des touches devaient être le minimum de connaissances à acquérir. Dans un piano, il n’y a pas que le timbre à considérer ou la beauté du meuble. L’intérieur a autant d’importance que l’extérieur. La qualité des pièces, leurs mises en œuvre, comme les bois utilisés, détermine un son, une résistance à l'épreuve du temps. Faire « chanter » un piano est une chose, faire « vivre » un piano pendant des années poursuit un tout autre engagement… et sur ce point, un facteur de piano ne me contredira certainement pas !

Par ELIAN JOUGLA

À CONSULTER

LE PIANO AUJOURD'HUI : SONORITÉ ET TOUCHER (table ronde)


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