PÉDAGOGIE



DÉVELOPPER LA SOUPLESSE DES DOIGTS AU PIANO

Définir ce que signifie posséder une main souple est assez difficile. Souvent, la souplesse est confondue avec l'agilité. En ce qui concerne la technique instrumentale, la souplesse est une façon de conduire l'articulation des notes entre-elles (comme dans le jeu legato ou piqué), alors que l'agilité est l'aptitude à enchaîner des notes à grande vitesse.


LA SOUPLESSE DE LA MAIN, ENTRE TENSION ET RELÂCHEMENT

Posséder une main souple, c'est avant tout être prompt à conduire la tension, comme le relâchement qu'impose un trait musical : écartement important, déplacement de la main, passage de pouce, etc. La constitution de la main est donc très importante. Suivant sa taille, sa forme, sa robustesse, tous les mécanismes entrant dans le jeu instrumental impliquent que la main soit apte à subir des contraintes physiques, voire des aménagements techniques particuliers.

De plus, en fonction de l'instrument travaillé, les efforts consentis par la main sont très différents. L'axe suivant lequel la main se pose, exige de celle-ci des tensions fort différentes. Par exemple, un pianiste possédant une certaine souplesse dans son jeu peut éprouver de nombreuses raideurs quand ses mains vont se poser sur une guitare (ou le contraire). Chaque instrument développe une approche technique particulière et oblige une adaptation de la main à tous les niveaux, aussi bien en robustesse qu'en souplesse.

La main est une "mécanique" extrêmement complexe, capable de réaliser un grand nombre de mouvements, parfois simples à mettre en œuvre, parfois difficile et réclamant alors une attention toute particulière.

Pour le pianiste, tant que la main reste sur une seule position, sans se déplacer, la souplesse n'intervient que très peu. Seule, la décontraction des doigts est nécessaire. À l'inverse, au moment d'un déplacement de la main, d'un passage de pouce, une certaine souplesse s'avère nécessaire. La souplesse de la main est directement inféodée au poignet, à l'avant-bras et dans une moindre mesure à l'épaule. L'épaule, l'avant-bras, le poignet et la main agissent comme le fil conducteur de la souplesse.


LE PASSAGE DE POUCE

Le passage de pouce, que l'on rencontre très rapidement au piano, est le seul moyen technique dont dispose le pianiste pour déplacer sa main, sans la lever, en montant comme en descendant. C'est sur ce principe que sont réalisées les gammes ou les arpèges. Le passage de pouce est donc de la plus grande importance pour le pianiste.

La qualité première d'une gamme correctement exécutée est de ne pas accentuer davantage une note par rapport à une autre. La gamme doit être jouée de façon linéaire, comme un glissando effectué sur toutes les touches blanches du clavier. Sur le papier, tout est possible, mais dans la réalité, atteindre un tel niveau de perfection confine à de l'utopie. Reste, que de nombreux pianistes tentent toutes leurs vies d'atteindre ce niveau en exécutant d'incessantes montées et descentes de gammes, ce qui, à d'autre égard, n'est pas l'essentiel dans la technique pianistique.

Au moment du passage de pouce et quelle que soit la difficulté de la gamme à travailler, une accentuation sonore surgit quand le pouce appuie sur la touche. Ceci est normal, le pouce ne travaillant pas dans le même axe que les autres quatre doigts.

Avoir une bonne souplesse consistera donc à doser au minimum cet écart de dynamique. Des exercices spécifiques permettent d'améliorer la souplesse du passage de pouce (ces exercices sont ou seront évoqués dans les cours en ligne). D'une façon générale, celui qui pratique les gammes s'aperçoit rapidement qu'il est plus aisé de passer la main par-dessus le pouce, que de passer le pouce sous la main. De même, prévoir à l'avance le déplacement du pouce et la rotation intérieure/extérieure du poignet est préférable.


SOUPLESSE ET AISANCE

Si vous avez lu le chapitre sur l'AISANCE, il est normal d'y trouver de nombreux points en commun, car il devient bien difficile de concevoir une certaine aisance pianistique, sans une réelle souplesse.

Quand la main joue des écarts importants, octave ou dixième de note à note, par exemple, la seule souplesse de la main ne suffit pas. Celle-ci doit être conduite plus en amont, par le poignet et l'avant-bras. Si le haut du corps est raide, l'influx de souplesse aura plus de mal à être conduit plus en aval, jusqu'au bout des doigts.

L'avant-bras, chez le pianiste expérimenté, est constamment en mouvement, tandis que le poignet, grâce à son axe pivotant, permet aux doigts de se trouver dans la position adéquate, au moment voulu.

Lors de déplacements importants de la main, lorsque celle-ci se lève pour retomber un peu plus loin, la souplesse naturelle du poignet consiste à jouer le rôle d'"amortisseur" quand les touches vont accueillir les doigts. Si le poignet est raide, celui-ci permet le jeu en staccato, mais le jeu legato est alors plus difficile à obtenir. Suivant l'exigence du phrasé, un équilibre est donc à rechercher entre contraction et relâchement. De même, le déplacement de la main, pour être plus précis, doit décrire un seul mouvement en arc de cercle et non pas un mouvement décomposé en trois parties : je lève la main, je déplace la main et je la repose. Cette erreur est souvent commise quand on manque d'assurance ou de pratique.


LES DOIGTS DE LA MAIN

Les doigts, que je n'ai pas encore évoqué, jouent bien sûr un rôle important. De la souplesse des doigts surgit le chant des notes. Suivant la technique du pianiste ou son école, la souplesse s'adapte. Il est important de rappeler que le pianiste doit porter avant tout son attention sur la position des doigts, de façon à conjuguer sonorité et avantage technique. Ce qui, face aux nombreuses difficultés pianistiques, demande avant tout de la réflexion et non pas uniquement un débordement d'énergie ou d'inertie.

Beaucoup d'erreurs techniques sont commises, non pas par manque de souplesse des doigts, mais par manque de préparation ou d'anticipation à la difficulté. Les musiciens improvisateurs, qui jouent souvent sur la "corde raide", doivent prévoir à l'avance leurs dessins techniques, de manière à créer un ensemble harmonieux (mélodique, rythmique et harmonique), sans donner l'illusion d'une difficulté quelconque. C'est essentiel chez l'improvisateur d'évaluer sa souplesse, comme sa force vive, d'instant en instant. Il est donc nécessaire d'acquérir un esprit de prévoyance, quel que soit le style de musique travaillé.

Travailler la technique, c'est bien, travailler la technique et la réflexion qui mène à la comprendre, c'est mieux ! Un travail bien organisé apporte toujours des résultats supérieurs, question temps et efficacité. Moins de faute = plus de plaisir.


QUAND ON A DE PETITES MAINS...

Il existe une idée bien répandue, qui consiste à dire que pour jouer correctement du piano, posséder de grandes mains est un avantage. Certes, des pianistes sont capables de jouer un accord comprenant les notes : do, fa, la b, do, mi b (en montant), soit un intervalle de dixième mineure, agrémenté de quelques notes intermédiaires. Des œuvres, appartenant particulièrement au répertoire classique (Liszt, Chopin…), usent et abusent de techniques transcendantes, qui rend la tâche difficile, voire impossible à de petites mains. À l'inverse un jeu pianistique basé sur du chromatisme ou sur de petits écarts aura tendance à faciliter le jeu souple d'une petite main. Pour améliorer leur souplesse, les petites mains ont recours à davantage de mouvements allant du carpe au poignet.

La difficulté majeure n'est pas tant dans les écarts, qu'elle n'est dans les accords, du genre : do, mi b sol, do (à la main droite) et sol, do, mi b, sol, à la main gauche. Ce genre de présentation d'accord est courant dans la littérature classique. Dans la musique jazz (sauf essentiellement dans les styles jazz hot ou stride), le problème est moins épineux, du fait de l'utilisation abondante des septièmes (majeures ou mineures). L'intervalle d'octave est moins prépondérant qu'en musique classique. Un pianiste doté de grandes mains aura le plaisir (et la possibilité) de rajouter une neuvième, si le cœur lui en dit. Quant au pianiste de rock, sa technique épouse plus souvent celle du pianiste classique, à cause des harmonies employées.

Lors de successions d'accords, la petite main, pour garantir une meilleure précision du déplacement, reste à proximité du clavier, très légèrement en hauteur. Les doigts tendus à l'extrême, la petite main est privée alors d'une certaine souplesse et d'une grande partie de son aisance. La grande main, à l'inverse, pourra élever davantage celle-ci et faire jouer son poids de façon naturelle, ce qui en facilitera sa souplesse.

Il est important de souligner, dans le cas où une petite main est capable techniquement de réaliser un écart important, que la sonorité obtenue, notamment dans le cas d'un trait musical en legato, est souvent de qualité inférieure. La pianiste classique A. de Larrocha, pianiste émérite s'il en est, mais dotée de petites mains, a dû, pour adapter son répertoire à sa morphologie, modifier sa position vis-à-vis du clavier et revoir l'approche technique de l'instrument pour surmonter certaines difficultés techniques.

Aucun travail technique, même bien mené, ne donnera à une petite main la sensation de puissance et d'aisance que possède sa rivale… la grande main. Il y a là, une injustice, non pas à cause d'une raison morphologique, grandes ou petites mains cohabiteront toujours sur des claviers, mais à cause d'une norme immuable qui consiste à penser, que la dimension des touches, quelle que soit l'évolution du répertoire, ne doit pas changer. Comme à l'époque de la musique baroque et du clavecin, les grands écarts étaient pratiquement absents du répertoire, la largeur des touches ne posait pas de problèmes, même aux petites mains.

Par la suite, au cours du 19e siècle, quand le piano s'imposa comme instrument de référence, un répertoire très "destructeur" pour les petites mains apparu. Porté par des compositeurs… aux grandes mains, de nombreuses œuvres sont devenues, au fil du temps, de puissants juges, sélectionnant et rejetant ceux qui ne peuvent y accéder pour des raisons purement morphologiques. Ainsi, les petites mains, de façon intuitive, à l'image de ce que leur a donné la nature, ne peuvent jamais soumettre le piano à leurs autorités et à leurs dominations.


EN CONCLUSION

Ne voyez pas, dans ce dernier paragraphe, le signe d'un découragement, d'un échec annoncé. Il vaut mieux posséder de petites mains qui jouent bien, que des grandes qui massacrent tout ce qu'elles touchent. Il existe tellement de richesse, de diversité dans la musique d'aujourd'hui, comme dans celle d'hier, que tout musicien, quelle que soit sa morphologie et l'instrument pratiqué, trouvera en elle son épanouissement, à condition, bien sûr, qu'il apprenne d'abord à travailler avec sa tête. Les mains, même souples, rompues à toute technique, ne sont rien sans une tête qui pense et anticipe. S'il joue régulièrement et souvent, s'il est en accord avec lui-même, dans ses choix comme dans son engagement, s'il existe en lui une harmonie parfaite entre ses capacités physiques et intellectuelles, alors le musicien réalisera ce qu'il est.

Par ELIAN JOUGLA


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