HISTOIRE DE LA MUSIQUE : LES PIANISTES DE JAZZ
L'un des musiciens les plus controversés du jazz moderne, Sun Ra, de son vrai nom Sonny Blond, se produisait sur scène au milieu d'un fatras mêlant l'univers des pharaons et de la science-fiction. Pianiste novateur, Sun Ra déclamait des phrases surprenantes, comme celle d'être né sur une autre planète, porté par une étrange "philosophie cosmique". Il passe pour un génie ou pour un fumiste auprès de ceux qui considèrent la musique free jazz comme une musique synonyme de bruit. Sun Ra a enregistré plus de deux cents albums, le plus souvent sur son label Saturn.
Vers 1955, après des années de recherche, de formation, d'écoute et certainement de pratique du jazz bop (Tadd Dameron, Gil Fuller), il apparaît à Chicago à la tête d'un grand orchestre communautaire appelé tour à tour : Solar Archestra, Myth Science Arkestra, Astro Infinity ou bien l'Intergalactic Research Arkestra. Avec le recul, sa musique pourrait bien s'appeler "Afro Solar Bazarkestra". En effet, ce qu'il mettait en scène avec une grandiloquence des plus baroques était proche du théâtre, avec un goût pour le coloré et le clinquant. C'était un cocktail bizarre mêlant les racines du folklore africain et les audaces rythmiques et sonores.
Sun Ra les présentait au public comme étant une réaction personnelle aux grands messages extra-terrestres !
Ses disques, édités confidentiellement sur sa propre marque (Saturn), ne permettent pas de le situer sa démarche musicale de façon claire. Les enregistrements les plus curieux se situent à la fin de sa carrière, au moment où il a laissé la bride sur le cou à ses solistes. Sun Ra utilisait les claviers électroniques pour apporter encore plus de confusion au message délivré (ce qui n'est pas une raison suffisante pour le ranger auprès des musiciens free-jazz les plus audacieux de l'époque). Il est davantage une personnalité excentrique qu'un pur musicien de free-jazz.
Souvent, ce que l'on retient de sa discographie impressionnante, sont ses longues cérémonies religieuses entourant ses concerts (parfois quatre heures sans interruption !) et qui sont des pis-aller... La mise en scène, les jeux de lumières, les projections et les textes poétiques du récitant accompagnaient et fondaient naturellement un spectacle plus ou moins total. Un spectacle de Sun Ra n'était jamais le même. Sur scène, le musicien et ses complices se laissaient aller dans des comportements de temps en temps contestables, voire médiocres, avec une sorte de prétention affichée et sans filtre. Le message "cosmique" devait passer avant tout !
Néanmoins, l'orchestre de Sun Ra était composé de bons solistes : Julian Priester (tb), John Gillmore, Marshall Allen, Danny Davis (sax), Alan Silva (b). La qualité des disques dépendait avant tout de l'inspiration de ses solistes.
L'album le plus intéressant et représentatif de la carrière de Sun Ra est The Singles. C'est une compilation regroupant tous les 26 singles (49 titres) issus de son label et inscrites sous diverses appellations : The Cosmic Rays, Sun Ra & His Arkestra, Sun Ra & His Myth Science Arkestra, Astro-Solar-Infinity Arkestra, Astro-Galactic Arkestra, etc. Les enregistrements couvrent la période de 1955 jusqu'à sa mort en 1993. Les styles sont fort nombreux : calypso, blues, rhythm and blues, swing... L'ensemble est passé à la "moulinette", avec un certain degré de folie, surtout quand c'est traité par Sun Ra.
SUN RA ARKESTRA - MONTREUX 76 (ext.)
Sun Ra est, pour le jazz, ce qu'était Frank Zappa pour le rock, bien que la démarche musicale chez ce dernier était portée par une musique plus structurée et moins "folklorique". On trouve à la fin de la carrière de Sun Ra des influences du Velvet Inderground ou des blues façon Tom Waits, voix grave en avant.
Par ailleurs, il n'est pas rare de trouver chez certaines formations de hard-rock ou chez les amateurs de ce style, des attirances envers le free-jazz… une musique qui mélange les styles sous le couvert d'une violence sonore souvent incontrôlée.