VANGELIS PROGRAMMATION, DÉMONSTRATION

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Méticuleusement, Vangelis organise les différents timbres qu'il va utiliser, testant ici le son d'une clarinette ou là, le son d'un trombone, jusqu'à concevoir la combinaison appropriée. À ses pieds, une armada de pédales est présente. Elles serviront à commander la palette instrumentale et sa dynamique. Une fois que tout est convenablement réglé, le musicien se lance... Les doigts s'enfoncent alors dans les touches et ce sont des timbales, des cloches, un ensemble à cordes, des cors, un hautbois et que sais-je encore qui se font entendre. Une puissante réverbération les accompagne et exerce son rôle en enrobant la masse orchestrale.

Vangelis joue sur la dynamique de jeu et sur l'aftertouch, un dispositif technique qui, en fonction de la programmation, permet au musicien en appuyant plus fort après l'enfoncement de la touche, de faire ressortir une autre sonorité ou un effet mis en "sommeil". Par ailleurs, on remarque que le claviériste passe d'un jeu legato à des attaques sèches et dynamique comme le produit un orchestre conventionnel ou un pianiste avec son instrument.

Au sol, une "autre gymnastique" intervient, tout aussi indispensable, celle des pédales. Disposée en arc de cercle, chacune détermine une fonction et/ou un instrument (volume, ouverture de filtre, start/stop...). Les pédales participent, durant l'improvisation, à tous les brusques ou subtiles variations sonores qui nous sont données d'entendre. C'est ainsi que les cordes disparaissent subitement pour laisser place aux instruments à vent sans que les doigts du musicien ne quittent les touches du clavier. On prend surtout conscience de la puissance de cette savante organisation quand le jeu de Vangelis s'anime et que l'orchestration s'emballe, laissant échapper toute sa richesse. Le final est, à ce titre, bluffant !

Néanmoins, il reste évident que cette organisation sonore a des limites. Vangelis ne peut dialoguer à la fois sur les trois tableaux que sont la mélodie, l'harmonie et le rythme avec autant de liberté et d'indépendance qu'un véritable orchestre ou via un séquenceur. Sa musique est construite sur une superposition de son (layer) qui conditionne une approche de jeu essentiellement polyphonique. Ainsi, quand un son de violon et un autre de cor se superposent, ce sont les mêmes notes qui sont jouées. La résultante d'un tel choix, aussi bien sur le plan technique que musical, n'est évidemment pas à la portée de n'importe quel claviériste. Il est fondamental de bien saisir que cette réalisation nécessite d'avoir en tête tous les divers paramètres - qu'il est nécessaire d'anticiper -, tout en accordant à la créativité musicale la part qui lui revient sans qu'elle en pâtisse.

En restant honnête, ce qu'obtient musicalement Vangelis demanderait pour la majorité des pianistes une tout autre approche, d'autant que l'exécution est réalisée en direct avec seulement deux claviers. Pas de séquenceurs, pas d'assistant, uniquement le ténébreux visage d'un musicien en pleine créativité ; un moment magique à l'image d'un artiste qui a consacré sa vie entière à la musique et qui restitue avec les touches des claviers, en passant d'un pianissimo à un forte digne d'un orchestre symphonique, une œuvre sonore très belle et très personnelle.

VANGELIS AND THE JOURNEY TO ITHAKA (extrait)
Le compositeur Vangelis démontre dans cette vidéo tout son savoir-faire en livrant une œuvre improvisée à la fois dramatique et prenante.