LES QUESTIONS DU CANDIDE



LES CLÉS POUR COMPRENDRE LA MUSIQUE JAZZ (2e partie)

Cette page fait suite à 'Les clés pour aimer la musique jazz (1)' et constitue la seconde partie d'un long article qui en comprend quatre.


Pour comprendre la musique jazz, il faut se pencher tout d'abord sur nos réactions lorsque nous entendons des sons. Suivant des raisons qui tiennent souvent de l’idée que nous avons d’une musique, de notre éducation musicale ou de nos préceptes, nous sommes prêts à admettre ou à refuser ce que nos oreilles perçoivent.


1 - LA SONORITÉ JAZZ

Nous grimaçons tous lorsque nous entendons certaines sonorités, comme celle d’un bruit d’un klaxon ou celle d’un marteau-piqueur dans la rue. Nous subissons cela comme une véritable agression. En musique et sans atteindre un niveau de sensation aussi élevé, la sonorité d’un ou de plusieurs instruments combinés ensemble peut produire également une gêne auditive, une agression sonore. De plus, quand la musique est constituée d’harmonies dissonantes et de rythmes marqués aux accents irréguliers, celle-ci est capable d’accentuer ce malaise. En musique, nous résumons cela à travers le mot ‘cacophonie’.

Le plus souvent, le mariage des sons est assimilé à de la 'cacophonie' quand une personne n’arrive pas à comprendre les mécanismes de construction, les échanges sonores qui interviennent dans une musique durant son écoute. Pour le candide, la musique jazz laisse planer un sentiment de confusion sonore, un sentiment de non-aboutissement ou d’imperfection, alors que pour d’autres, elle ne peut être qu’une musique de fond propre à embellir les lieux de son nuage sonore.

Quitte à me répéter : apprécier de la musique jazz à sa juste valeur peut demander du temps, mais une fois arrivé à 'bon port' vous n'entendrez, ni ne poserez votre regard sur elle (et sur les autres musiques) de la même façon !

Il existe une autre raison qui rend le jazz difficile d'accès, c'est lorsqu'une œuvre déjà connu de l’auditeur est adaptée en jazz. Quand le jazz s’approprie une mélodie célèbre, c’est pour l’arranger à sa convenance. Il trouve dans cette relecture une justification de son existence, de son pourquoi. Cependant, cette nouvelle vision de l'œuvre peut ne pas être appréciée ou reconnue à sa juste valeur lorsque l'auditeur ne possède pas de culture jazz.

D’autre part, à cause de son aspect imprévisible dû à l’improvisation, la musique jazz place l’auditeur candide dans un espace sonore peu sécurisant et reposant. Avec cette musique, il ne peut jamais prévoir à l'avance ce qu'il va entendre. Quelques explications supplémentaires s’imposent…


2 - L’EFFET DE MÉMORISATION

En musique classique, l’écoute d’une œuvre repose exclusivement sur des écritures (ceci est capital pour comprendre la suite). D’une interprétation à une autre, son écoute reproduit un éternel recommencement, un mimétisme de ses codes : mélodie, harmonie, tempo, orchestration, avec bien-sûr quelques nuances entre les différentes versions. Néanmoins, celles-ci sont suffisamment proches, semblables, pour qu’à leur écoute, l’auditeur ressente comme une stabilité, le sentiment qu’aucune mauvaise surprise ne peut lui arriver. Il lui est ainsi plus facile de se concentrer sur l’interprétation pour en apprécier ses qualités ou ses défauts. De plus, si cette sensation de déjà entendu amplifie également la notion de plaisir (ou parfois de lassitude, en cas d’excès), elle crée surtout des repères musicaux facilement identifiables, reconnaissables et prévisibles à l’avance par l’auditeur.

Ce phénomène-là se produit aussi dans les chansons où les codes, là-aussi, sont souvent respectés d’une interprétation à une autre (c’est d’ailleurs en partie sur ce principe de mémorisation, conscient ou inconscient que les médias s’appuient pour sensibiliser positivement les auditeurs lors de la commercialisation d’une chanson - communément appelé " le matraquage de titres".).

À présent, que se passe-t-il si l’on écoute avec attention plusieurs interprétations d’une même œuvre dans un style jazz ?

Contrairement à une œuvre classique ou à une chanson, la sensation d’écoute stable disparaît de façon significative. D’une interprétation à une autre, notre mémoire à beaucoup de mal à enregistrer quelques repères, si ce n’est peut-être la mélodie. En musique jazz, l’auditeur candide est entraîné dans une aventure sonore, comme s’il devait traverser un champ de mines où chaque mesure, chaque accord, chaque rythme devient un objet de l’imprévisible. Il doit faire face à ce qui lui arrive aux oreilles et l’accepter s’il veut aimer la musique jazz dans toutes ses dimensions, et ne pas la juger comme une musique sans fondements, sans raison d’être, au bout de quelques minutes.

Cette part d’aventure, où personne ne sait ce que les oreilles vont entendre exactement aux mesures suivantes, place l’auditeur dans une sorte de challenge où il devient juge et partie. Il lui sera alors bien difficile d’avoir un jugement objectif sur la qualité d’une musique tant qu’il la redoutera ou tant qu’il ne sera pas en position de la recevoir confortablement.

Pour comprendre toute la transformation qui peut s’opérer à l’intérieur d’une même œuvre, j’ai succinctement décrit ci-dessous les tenants et les aboutissants de la relecture d'une œuvre en jazz.

LA MÉLODIE : c’est généralement l’élément que l’on mémorise le plus facilement, mais les musiciens de jazz n’hésitent pas lors de son exposition, à l’habiller par des paraphrases, tout en modifiant la durée des notes qui la compose. Sauf à recourir aux partitions, la mélodie est souvent ajustée et exposée de façon libre, ce qui peut considérablement modifier la version écrite.

L’HARMONIE : c’est elle qui constitue la « couleur de fond ». Elle joue un rôle essentiel dans le caractère sonore du morceau. Beaucoup de musiciens de jazz s’attachent à contrôler sa forme, son développement. Sa manière d’être modifiée, voire enrichie, personnifie généralement le talent du musicien (avec en tête les pianistes et les guitaristes). L’harmonie peut être revue entièrement avec, par exemple, des accords de substitution (substitude chord). Les résultats sonores suivent alors des chemins qui peuvent parfois se révéler tourmentés, insolites ou étranges.

LE RYTHME : d’une version à une autre, le rythme est fréquemment réadapté pour convenir au style (swing, bop, funk…), mais également aux musiciens. Ainsi, pour que les improvisateurs se sentent plus à leur aise où pour démontrer leur savoir-faire, le tempo peut être considérablement accéléré ou ralenti.

Par exemple, les chansons Les feuilles mortes (Automn leaves) de Prévert/Kosma et How high the moon de Lewis/Hamilton sont deux chansons qui, d’une interprétation à une autre, peuvent être joués à des tempos lents, moyens ou très rapides. De temps en temps, certaines adaptations en jazz voient se transformer les rythmes binaires en rythme ternaire et vice versa.

L’IMPROVISATION : sa durée peut être variable. En concert, l’improvisateur peut adopter différentes attitudes qui dépendent de l’entente préalable entre les musiciens (comme l’exécution de la grille un certain nombre de fois) et de son inspiration au moment où il improvise. D’ailleurs, si la musique jazz s’est démarquée des autres musiques, elle ne le doit pas uniquement à la présence de l’improvisation, mais surtout à cause du talent des musiciens qui en ont été le moteur.

L’ORCHESTRATION : chaque interprétation est directement influencée par les différents éléments qui constituent l’orchestre. Une même chanson peut se voir décliner en version pour soliste, duo, trio, jusqu’au big band.

Face à de tels changements, et même si l’on exclut les différentes parties réservées aux improvisations, l’auditeur peut d’une version à une autre perdre toute notion de repère, notamment s’il est novice en jazz et s’il ne connaît pas les quelques ficelles utilisées couramment par les jazzmen. Cela peut légitimement heurter sa compréhension musicale, voire son éducation.

Cette liberté d’interprétation est propre au jazz. Ces volte-face volontaires avec les bases originelles sont délibérément admises et revendiquées dans cette musique. C’est grâce à cette volonté farouche d’adapter à sa convenance une chanson ou une œuvre classique que la musique jazz a trouvé, en quelques années, une place à part dans l'histoire de la musique.

Ce simple déroulement des faits nous met donc en présence d’une musique éprise de liberté, mais également en face d’une musique en lien direct avec la personnalité de ses interprètes… Il paraît alors logique de se poser la question suivante : la musique de jazz serait-elle une musique pour musiciens ?

Cette question, que j'ai très souvent entendue, démontre à quel point le décodage de ses habillages sonores peut être parfois difficile. Si je réponds par l’affirmative, j’obtiens la raison qui confinerait la musique jazz à une élite où seuls les musiciens seraient capables de prendre du plaisir à la finesse de ses interprétations… Évidemment, ce point de vue prêche par l’erreur en stigmatisant l’aspect intellectuel qui chemine avec le jazz, sinon de quelle façon un auditeur dépourvu de connaissances musicales serait-il en mesure d’apprécier le jazz ?… Existerait-il alors un style de jazz particulier, plus accessible, plus vulgarisateur ?


3 - LES STYLES DE MUSIQUE JAZZ

Au moment où une personne dit : ‘j’aime la musique jazz’, celle-ci imagine consciemment ou inconsciemment l’image d’un jazz d’une certaine époque (sans forcément être capable d’en expliquer ni ses contours, ni ses règles) ou d’un style d’orchestration (jazz en big band, en petites formations ou en solo), voire liée à un musicien ou à instrument en particulier (piano, saxophone, etc). Toutes ses visions, si différentes, laissent à penser qu’il n’existe pas une musique jazz, mais au contraire un très grand nombre.

En jazz, si l’on passe directement du 'jazz swing' au 'jazz fusion', c’est un peu comme si en musique classique, on se dirigeait de la musique baroque vers la musique impressionniste sans faire escale. Ainsi, grâce à quelques raccourcis, nous serions rapidement aux musiques contemporaines du 20e siècle, sans savoir ce qui s’est passé entre temps !

Tout comme des goûts sélectifs s’opèrent dans la musique classique, un phénomène identique se produit chez l’auditeur aimant la musique jazz. Ainsi, l’amateur de 'bop' peut ne pas aimer le genre 'fusion' ou préférer les sonorités du big-band à celui du trio. Il peut même arriver que l’amateur de 'free-jazz' trouve un plus grand nombre de points en commun avec la musique classique contemporaine qu’avec celle de Duke Ellington !

Il est donc difficile de tracer un portrait type de l’amateur de jazz. Il serait donc plus sage et plus juste de dire : ‘j’aime le jazz bop' ou ‘j’aime le jazz-rock' … Or, exprimer ses goûts de cette façon-là implique des connaissances, un savoir. C’est là qu’intervient la notion de culture.


4 - LA CULTURE JAZZ

La musique jazz est vraiment très riche. Si je devais faire une comparaison absurde, je dirais que la musique jazz a parcouru en 100 ans plus de chemin que la musique classique en plusieurs siècles. Outre sa constante évolution et sa tendance à s’installer un peu partout, elle a ouvert sans cesse de nouvelles portes, partant à l’assaut de nouveaux horizons tout en ayant l’intelligence de se ressourcer dans la musique traditionnelle et auprès des courants musicaux à la mode. Elle a été et elle est encore aujourd’hui une musique d’influence… C’est tout ça le jazz, mais bien plus encore !

Se pose alors une nouvelle question : 'Si le jazz joue un grand rôle dans l’évolution des musiques actuelles, pourquoi sa popularité, son aura ne sont-elles pas mieux représentées dans les médias ou ailleurs ?'

La musique jazz a un défaut : c’est une musique qui divise au lieu de fédérer. Elle traîne avec elle depuis de nombreuses années son flot de critiques, de détracteurs, d’intellectuels en tout genre. La musique jazz est une musique souvent critiquée autant par celui qui ne la comprend pas, que par celui qui est censé la connaître. Si elle possède l’intelligence musicale, doit-on supposer alors que son pouvoir de communication est maladroit ou insuffisant ?

À ses débuts, la musique jazz était plutôt instinctive, portée le plus souvent par des musiciens autodidactes, mais au cours du temps, elle a lentement glissé vers une forme d’intellectualisme. Elle est devenue pour les musiciens un langage visant les hautes sphères musicales et pour ses auditeurs un langage imposant de plus en plus un rôle sélectif. Ce piégeant ainsi elle-même, sa popularité a suivi le même chemin. Au sommet de sa gloire, à l’époque du swing et des grands orchestres, quand la musique de jazz signifiait ‘joie de vivre’ et qu’elle diffusait ses sonorités dans les temples de la danse, celle-ci a préféré s’enfermer dans des expériences sonores aux courants éphémères.

De jazz à danser, le jazz est devenu une musique à penser. Le discours musical à connotation intellectuelle a entraîné avec lui un autre genre d’auditeur, plus attentif à la technique et à la performance. Heureusement, avec l’histoire et le temps surgit l’idée d’un patrimoine sonore toujours vivant. Ainsi, tandis que des musiciens explorent le futur, d’autres font revivre le temps passé en reprenant les succès d’autrefois. Ce come-back est indispensable. Il est pour nous le garant de nos mémoires déficientes, à une époque où les pages des événements se tournent et se tournent à grande vitesse et sans temps mort.

Ainsi, commencer son éducation jazz en partant de ses années libertaires pour remonter progressivement jusqu’aux prémices du jazz de Nouvelle-Orléans, n’est certainement pas la meilleure façon de s’habituer à ses dissonances et à la complexité de ses rythmes (quoique des chocs frontaux puissent exister… un fan de hard-rock trouvera peut-être la révélation auprès d’un jazz débridé des années 60, alors qu’un jazz swing l’ennuiera à mourir !).


5 - LES VALEURS MUSICALES DU JAZZ

Afin de ressentir en profondeur ce qu’est la musique jazz, vous devez être attentif aux différents éléments qui, une fois combinés ensemble, forme son identité. Ainsi, à l’écoute d’un morceau de jazz, vous devez être capable de séparer le jeu de chaque instrument. Par exemple le saxophone, le piano, la guitare, la contrebasse, la batterie, mais également les différents échanges qui se produisent entre les sections de cuivres d’un big band : saxophones/trompettes, saxophones/trombones, etc. Écoutez plusieurs fois un même morceau et à chaque nouvelle écoute porter votre attention sur un instrument en particulier.

Petit à petit, ce qui était obscur deviendra plus clair, plus limpide à vos oreilles, et lorsque vous serez en mesure de comprendre les différents moyens qu’utilisent les musiciens pour communiquer entre eux, vous aurez déjà fait un grand pas !

Pour vous aider à démêler tout cela, vous allez trouver ci-dessous les principales valeurs qui constituent l’ossature de la musique jazz. Il est essentiel que vous compreniez bien toute leur importance.


L’IMPROVISATION ET L’IMPROVISATEUR

Un musicien de jazz se caractérise par ses qualités à inventer, à créer d’instant en instant ce qu’il joue. Dans cet aspect au relief libertaire, le musicien de jazz n’ignore pas la source, notamment la mélodie et les accords de l’œuvre existante, mais pour lui, ce n’est qu’un support sur lequel il va porter son inspiration. Sa technique doit être efficace puisqu'il doit souvent moduler (passer d’une tonalité à une autre). Chez le musicien de jazz ‘moderne’, la confrontation est de mise. Si celle-ci peut prendre parfois des allures de performance, elle l’oblige également à repousser ses propres limites.

Une question qui peut paraître saugrenue, mais que certaines personnes peuvent se poser : 'comment savoir quand un musicien de jazz improvise ?'

Comme déjà précisé dans le chapitre ‘L’EFFET DE MÉMORISATION’, les musiciens de jazz transforment souvent la mélodie, la réinvente. Sauf à suivre avec respect une partition, le jazzman improvise dès les premières notes. De plus, le schéma classique : exposition du thème mélodique - improvisation instrument 1 - improvisation instrument 2... - réexposition du thème mélodique pour conclure, n’est pas systématique. Il est plus sage dans un premier temps de ne pas brûler les étapes. L’essentiel ne se situant pas là. Vous percevrez cela avec le temps, l’expérience de l’écoute apportant par petites touches ses réponses.


L’INTERPRÉTATION

Une autre des caractéristiques fondamentales de la musique jazz est sa faculté à faire jouer les instruments indépendamment des autres. Toute interprétation se traduit, se transforme à tous les étages : nombre de notes jouées, phrasé, vitesse d’exécution, sans oublier l’autre point important : la manière de jouer "la note".

Chaque musicien doit trouver et développer son ‘son’, sa façon d’embellir ou de ‘salir’ telle ou telle note, de conquérir une technique personnelle qui aboutira à imposer sa signature, un style qui fera peut-être école auprès d’autres musiciens. Il ne faut pas oublier que les jazzmen sont quelque part des compositeurs qui inventent la musique spontanément, leur style comme leur modèle de référence influençant souvent leur jeu.

Pour mieux saisir cette particularité importante de la musique jazz, je vous conseille d’écouter plusieurs prises d’un même morceau enregistré par les mêmes musiciens (certains CD proposent cette possibilité). À travers les différentes interprétations, vous remarquerez que l’improvisateur utilise un discours assez voisin : une manière d’attaquer une phrase, de la terminer, de l’enchaîner à la suivante, de traiter sa longueur ou sa façon de placer les accentuations et de développer le rythme. C'est grâce à tous ces petits détails que l'on identifie la personnalité de l'improvisateur.

Autre exemple. Si nous prenons les trois trompettistes Louis Armstrong, Miles Davis et Maynard Fergusson, chacun d’eux possède un son reconnaissable. Louis Armstrong produit un son chaud, parfois rauque, Miles Davis un son plus confidentiel, plus aérien et émotionnel, alors que Maynard Fergusson propose un son brillant et agressif. Évidemment, face à cet exemple, prenant pour cible trois trompettistes aux parcours et aux styles opposés, l’exercice est facile... mais en revanche la différence ne tient pas à grand-chose : un détail sur la manière de lancer les phrases, sur la façon de placer les accents, etc. C’est, comme disent les spécialistes, une question d’école ! Mais si vous faites preuve de persévérance, vous arriverez certainement à reconnaître les plus grands, jusqu’à devenir un crack, qui sait !

LA RYTHMIQUE

Dans la musique jazz, la section rythmique est essentielle. C’est elle qui accompagne et pousse souvent les improvisateurs à se surpasser. On dit que les musiciens sont ‘portés’ par la rythmique.

Si, sur certaines formes de jazz, il est possible de taper du pied en cadence, sur d’autres, c’est pratiquement impossible. Cela ne signifie pas que la musique n’est pas digne d’intérêt, mais qu’elle n’est pas construite sur les mêmes valeurs. Autrefois, quand les gens dansaient sur du jazz, la rythmique était régulière, mais ensuite la batterie et les autres instruments se sont mis à broder, jusqu’à procurer des rythmes complexes et très aériens.

LA BASSE À SUIVRE. Si vous écoutez des disques de jazz allant des années 20 aux années 60, vous remarquerez que généralement le rôle de la contrebasse consiste à marquer tous les temps. Cela s’appelle la ‘walking bass’. Le contrebassiste développe alors, note après note, les différentes harmonies du morceau. L’apport de cette basse ‘qui marche’ est essentiel. En pulsant chaque note de façon régulière, la basse contribue à créer le ‘swing’ tout en soutenant efficacement les autres instruments.

Pour vous familiariser au rythme jazz, mieux vaut commencer par du jazz ‘vieux style’. Glissez dans votre platine un 'Louis Armstrong' ou un 'Count Basie' et essayez de taper en cadence, tous les temps, puis seulement les 2e et 4e temps de chaque mesure (et non pas le 1er et le 3e), tout en prêtant attention à la façon dont les instruments rythmiques pulsent le rythme. Choisissez également des morceaux à différents tempos.


L’ESPRIT ‘SWING’

Le jazz se caractérise par son balancement rythmique. Si le mot ‘swing’ est rattaché à un courant jazz apparu entre les deux guerres mondiales (symbolisé principalement par ses grands orchestres de danses), il ne doit pas être confondu avec le rythme ‘swing‘ qui caractérise une manière de jouer les rythmes.

Il n’existe pas un rythme écrit que l’on appelle ‘swing’ (bien que les visionnaires d’une théorie musicale parfaite aient cherché à imposer une vision mathématique de la question). Le swing est une attitude, un jeu qui consiste à faire bouger les notes ‘en avant du temps’. Traduit autrement, c’est une façon de pousser le rythme de façon à donner l’illusion que la musique accélère ou que le jeu des musiciens devient plus dynamique, plus pulsionnel. Le rythme swing donne une envie de bouger, de danser.

NB : il est intéressant de remarquer qu’à l’orée des années 70 est apparu une confrontation naturelle entre les rythmiques binaires des musiques ‘pop’ et ‘rock’ et le jeu ternaire développé par les musiciens de jazz. Si cette confrontation a débouché sur l’apparition de musiques fusionnelles (style jazz-rock), le ‘swing’ des musiciens pratiquant ce genre musical hybride a souvent été remis en question par les puristes du jazz qui ne voyaient là qu’une surenchère de technique et du star system.


LA SYNCOPE

Dernier élément et non des moindres, la syncope. On dit fréquemment que la musique jazz ne serait pas devenue ce qu’elle est sans la présence des syncopes. Si cela est exact, réduire la musique jazz à la seule présence de rythmes syncopés, c’est faire affront à toute son inventivité.

Alors que durant des siècles la musique classique se devait d’être posée, carrée (bien que ce mot laisse imaginer une musique théâtralement sans ressort), l’apparition de la musique jazz et de ces accents musicaux en dehors des temps forts (le rythme ‘disco’ est un contre exemple parfait) vont bouleverser la façon de ressentir physiquement le rythme. Ce fut d’ailleurs un choc ! Un choc auditif, mais également l’un des grands chocs musicaux du 20e siècle.

Grâce à ce marquage avant ou après le temps et à l'utilisation des harmonies, les jazzmen ont apporté un nouveau souffle, si puissant, si évocateur, qu’il influença les compositions de nombreux musiciens classiques du 20e siècle. Georges Gershwin est l’exemple parfait du musicien incompris qui paya de son temps le prix fort, en étant considéré par ses pairs ni comme un musicien de jazz, ni comme un musicien classique.

Qui dit syncope, ne dit pas forcément rythme saccadé !…

Il existe des styles de jazz où la syncope est globalement assez mécanique, comme dans le swing ou le piano boogie-woogie. D’autres styles, comme le be-bop, utilisent la syncope de manière plus prononcée. Mais la syncope peut conduire vers d’autres sensations en étant plus ou moins diluée dans l’écriture ou dans le jeu des musiciens. Par exemple, la bossa nova, aux mélanges subtils de rythmes brésiliens et d’harmonies jazz, utilise très souvent la syncope, sans pour autant donner la sensation d’un rythme heurté ou saccadé.

par ELIAN JOUGLA



SOMMAIRE "LES CLÉS POUR AIMER LE JAZZ

1. COMMENT AIMER LA MUSIQUE JAZZ

2. COMPRENDRE LA MUSIQUE JAZZ

3. LES MÉTHODES POUR CONNAIRE LE JAZZ

4. LES CENT DISQUES DE JAZZ INDISPENSABLES

SOM. "LES QUESTIONS DU CANDIDE"
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