TECHNIQUE ET MAO



ENREGISTRER SES PREMIÈRES COMPOSITIONS : CONSEILS ET PLAN DE TRAVAIL

N’est-il pas temps pour vous de passer à l’offensive en enregistrant vos plus beaux morceaux ? Peut-être hésitez-vous parce qu’une fois lancée dans l’aventure, vous craigniez de ne pas « assurer ». Sentiment louable, mais qui peut être dédramatiser en lisant ce qui suit.


ENREGISTREMENT ANALOGIQUE/NUMÉRIQUE : MISE EN RELATION

Du temps où le matériel analogique régnait, il était difficile de réaliser à coup sûr des enregistrements de bonne qualité. Il existait quelques « impondérables » comme le bruit de fond, la diaphonie ou le "tracking" au résultat irréversible. Pour le preneur de son, la principale difficulté était de se rapprocher des limites offertes par l’équipement pour espérer obtenir une prise de son convenable.

© alsterkoralle

Aujourd'hui, avec le numérique, la réalisation d'un bon enregistrement repose sur de nouvelles conditions. En soi, le numérique possède d’énormes possibilités. Les faiblesses et les limites de la bande magnétique étant absentes, le numérique a ouvert la porte sur une offre technologique qui ne cesse de grossir. Un rêve pour tout ingénieur du son : multiplication des pistes, dynamique élevée, absence de bruit de fond, automatismes, etc.

En revanche, on pourrait reprocher au numérique une certaine complexité quand il impose l’usage d’un séquenceur ou celui d’un ordinateur avec une cohorte de logiciels parfois complexes. Cela signifie qu’il devient nécessaire d’absorber plusieurs "mode d'emploi" avant de pouvoir enregistrer proprement une simple voix ou un piano. Fort heureusement, depuis les années 90, le numérique a corrigé ses erreurs de jeunesse en automatisant de nombreuses tâches et en supprimant – dans la mesure du possible – les commandes uniques qui servaient à passer en revue des pages de données au cœur des programmes.

De nos jours, l’enregistrement numérique possède de nombreux outils pour assister le musicien solitaire. Les productions en provenance d’artistes prenant tout en main, de A à Z, sont légion. Les moyens qui étaient réservés autrefois aux grands studios sont entrés à présent par la petite porte du home studio. Toutefois, il ne vous échappera pas que si de grands studios existent toujours, c’est qu’il existe de bonnes raisons ; la plus importante étant de décharger l’artiste de toutes les préoccupations techniques : enregistrement épaulé par un ou plusieurs techniciens qualifiés, possibilité d’enregistrer un grand orchestre, d’avoir une acoustique étudiée, des cabines séparées, etc.

Dit autrement, si la technique numérique permet de réaliser des enregistrements plus propres que par le passé, un matériel bon marché ne peut tenir la comparaison face à du matériel professionnel, des pièces traitées acoustiquement et une assistance toute dévouée !


PROJETER, CERNER, MAIS SANS DIABOLISER

La première chose à faire avant de commencer quoi que ce soit est de s’informer sur les techniques d’enregistrement, la façon de les mettre en œuvre, et de se documenter sur le prix du matériel qui saura répondre parfaitement à la mise en place de votre projet (la location est une solution envisageable ou préférable pour du court terme). Mais avant de vous adresser à un magasin, cherchez à obtenir quelques pistes pour éviter le pire. Vous trouverez bien sûr des informations sur Internet, mais visez plutôt la consultation d'ouvrages de vulgarisation rédigés par des spécialistes et en complément des magazines spécialisés, c'est plus sûr. Des infos anciennes – concernant par exemple l’univers analogique – peuvent être également utiles.

Il est surtout indispensable de bien cerner le but à atteindre. Mieux vaut commencer petit, gérer ses erreurs de débutant, plutôt que de s'enflammer sur du matériel très technique, certes séduisant, mais qui demande un long apprentissage pour en tirer quelque chose de gratifiant. C'est le cas, par exemple, des séquenceurs et des consoles. Une surenchère technique entraînera aussi un coût. Toutefois, le matériel choisi ne doit pas amoindrir la qualité du projet, ses idées. Dans le cas contraire, attendez, plutôt que d’avoir à le regretter plus tard. Recherchez un équilibre entre l'intention, le résultat et les moyens financiers dont vous disposez.

Si vous travaillez en solitaire, vous devez être conscient que vous ne pourrez compter que sur vous. Vous devez anticiper préalablement toute la charge du travail à accomplir en imaginant le « scénario » du morceau étape par étape et la liste des moyens matériels et d’assistance nécessaires. Fort heureusement, le numérique ayant apporté son lot d’automatisation, on peut affirmer sans crainte que la création et l'enregistrement font depuis cause commune pour rendre le musicien de studio autonome.

Dans le cas où votre expérience musicale se résumerait à des concerts en groupe et à des enregistrements en collectif dans des studios, votre vision de la prise de son risque fort d’être déformée. Lors d’un concert, le rapport du musicien au son consiste à bien s’entendre sur la scène, tandis que durant un enregistrement en studio, il se résume parfois à des captures sonores par intermittence dans une cabine audio où la qualité de l'écoute et la façon de jouer nécessitent une tout autre attention. Ceci signifie que vous serez en mesure de vraiment estimer la difficulté d’une prise de son que quand vous l’expérimenterez vous-même !


LES BONNES QUESTIONS À SE POSER AVANT D’ENREGISTRER

  • 1. Les passages importants de votre composition sont-ils bien définis ? Structure et découpage des différentes parties, écriture des partitions, évaluation de la durée...
  • 2. Votre musique est-elle prévue pour être jouée seule ou en collectif ? Dans certains cas, il n'est pas exclu que les arrangements soient modifiés en cours de route.
  • 3. Comment envisagez-vous de produire votre musique ? Chez vous, dans votre home studio ou en faisant appel à une structure professionnelle ? Calculez précisément le coût.
  • 4. Si vous devez enregistrer votre musique par vos propres moyens, ceux-ci sont-ils à la hauteur de votre projet ? Et le cas échéant, comment espérez-vous y remédier ? Se faire assister à certains moments de la production est parfois nécessaire.

ENREGISTRER SA MUSIQUE : UNE QUESTION D’ORGANISATION

Avec l’arrivée de l’échantillonnage, le comportement de nombreux musiciens vis-à-vis de la musique a changé. Le compositeur est devenu un interprète qui expérimente de moins en moins ses idées en groupe. Sans tomber dans la méthode "coué" qui tend à conditionner l'imaginaire, le compositeur préfère avoir recours à l’échantillonnage et à l’overdubbing sur ordinateur pour tester et corriger ses ébauches. C'est plus sûr ! Cette façon de travailler permet de gagner du temps le jour où le « score » est proposé à d’autres musiciens ou à un arrangeur.

Dans tous les cas, il faut toujours prévoir les problèmes soulevés par la structure du morceau et ce qu’engrangeront l’arrangement et l’orchestration au moment de l’enregistrement. Une base de référence est toujours nécessaire pour élaborer plus sûrement le produit fini. Cette première « définition » de l’œuvre définit une « logistique » qui entraîne à sa suite des moyens : le matériel indispensable, les difficultés techniques soulevées, la possibilité de tout gérer seul ou avec un effectif de musiciens précis, le lieu où l’enregistrer, etc.

Cette façon de travailler en amont permet surtout, dans un second temps, de mieux expliquer aux musiciens ce que vous attendez d’eux, comme par exemple la façon de jouer tel ou tel passage, d'interpréter une partition, alors qu'ils n’interviendront parfois que durant quelques mesures sans avoir aucune idée du montage sonore final dû à l’arrangement. Ce sera aussi pour vos amis musiciens la possibilité de mieux se concentrer sur leur "feeling".


LE PLAN DE TRAVAIL : DES POINTS CLÉS À DÉFINIR

Le projet d’un enregistrement s’ajuste en fonction d’un plan de travail :

  • 1. Si la musique comprend différentes parties, listez-les dans l’ordre où elles doivent apparaître au stade final (qui n’est pas nécessairement le même au moment des différentes phases d’enregistrement). Par exemple  : intro / nombre d’alternances couplet/refrain / pont /solo / fin ad libitum.
  • 2. Indiquez la mesure, le tempo, l’esprit désiré (la façon de jouer) et éventuellement la durée approximative.
  • 3. Si vous vous occupez de l’arrangement, indiquez le nombre d’instruments, lesquels, et quand ils interviennent.
  • 4. Imaginez le son que vous désirez obtenir au stade final. Définissez-le avec votre vocabulaire. Il servira de fil conducteur si vous orchestrez. Référez-vous à des artistes qui vous servent de modèle pour vous y aider.

UNE QUESTION DE TEMPS

Il est évident que la première des difficultés est proportionnelle au nombre d’instruments impliqués. S’enregistrer seul au piano ou avec une guitare réclame un minimum de préparation technique. Un ou deux micros suffisent généralement pour cela, mais quand l'enregistrement utilise plusieurs sources en même temps (piano, guitares, batterie, voix...), la seule manière de résoudre les problèmes d'équilibre liés aux différents plans sonores est d'utiliser la console pour les mixer correctement... sans compter l’espace nécessaire alloué aux musiciens et chanteurs, qui doit être suffisant pour obtenir une prise de son aérée (à moins bien sûr que vous enregistriez les musiciens séparément).

D'autre part, certaines "musiques vivantes" comme le jazz ou le rock impliquent souvent une prise de son en "direct live", de façon à ce que l'organisation des improvisations se déroulent correctement. La dynamique comme le feeling s'exercent sur le rendu global et réclament une dose d’interactivité entre les musiciens pour être vraiment efficace.

Si votre musique est complexe, elle réclamera plus de répétitions, mais également plus de prises et donc du temps et de la patience. Sans tomber nécessairement dans l’exigence et la perfection, vous devez prendre conscience que des prises reconduites ne justifient nullement que la dernière soit la bonne. Il arrive même que des prises successives entament le moral en semant le doute chez vous comme chez vos amis musiciens.

Par ailleurs, il vous sera impossible d’évaluer avec précision le temps nécessaire que prendra l’enregistrement (tout en espérant qu’il sera le plus court possible). Ne comptez surtout pas sur le stress pour vous y aider ! Comptez large, car il peut exister des imprévus techniques ou des désaccords parfois subtils entre vous et les différents intervenants. Le temps passé dépend une fois de plus de la complexité du morceau, mais aussi de sa durée et du niveau des musiciens qui vont l’exécuter.

Si les musiciens qui vous entourent ne sont pas à la hauteur de vos espérances, ne les blâmez surtout pas, d’abord parce qu’il n’existe pas de « clés magiques », et ensuite parce que les réputations se défont plus vite qu’elles ne se construisent et ne sont pas toujours d'une grande vérité. Il est parfois préférable de simplifier certains détails pour que la musique soit plus abordable et intelligible. Pour finir, tout le monde y trouvera moins à redire. N'oublions pas qu'un morceau complexe ou jugé comme tel n’est pas toujours synonyme de grandeur artistique.

En règle générale, la méthodologie d'une prise de son est une sorte d'équation qui doit tenir compte en même temps de l'effectif (le nombre de musiciens et de techniciens), des moyens matériels qui sont mis à disposition, et de la technique employée lors de l'enregistrement : soit les musiciens jouent tous ensemble (jeu live), soit par section ou séparément (c'est-à-dire l'un après l'autre, piste par piste, de la même façon que quand on s’enregistre seul dans un home studio). Sachez qu'une prise de son réalisée en « live » apporte toujours un petit plus indéfinissable. Ce n'est pas une légende ! Elle engendre des résultats qui sont généralement bien supérieurs à des enregistrements séparés ou à des copier-coller réalisés sur séquenceur. Elle procure un résultat sonore plus authentique, moins "fabriqué".

Si la composition est structurée en couplet/refrain comme une chanson, cela offre l’avantage de pouvoir « hiérarchiser » plus facilement chaque partie quand on utilise, par exemple, un séquenceur. Sachez également que lorsque un morceau intègre deux univers totalement différents, à la façon d’une suite orchestrale, la prise de son réclamera certainement des corrections et des ajustements sur la console, d’autres branchements, voire quelques changements concernant l’emplacement des micros, et donc encore plus de temps.


QUALIFIEZ VOTRE STYLE MUSICAL

Il est toujours bon de savoir se situer musicalement. Si vous ne le faites pas pour vous, faites le pour les autres, car ils n’attendront pas longtemps pour vous étiqueter et vous y enfermer !

À tort ou à raison, le monde musical fonctionne ainsi et dépend de l’image artistique que l’on renvoie. Des artistes s’en accommodent, d’autres pas. Toujours est-il que si votre premier enregistrement officiel a un certain écho médiatique, il a toutes les chances de vous emprisonner dans un genre, et ce, sans attendre, surtout depuis que les réseaux communautaires sont devenus des baromètres tendancieux.

La seule façon d’en sortir est de provoquer autrement et d'agir rapidement. Il faut de l'audace et de la détermination. Des artistes osent, mais la plupart font le "dos rond" et retournent à ce qui leur a réussi. Bien que vous ne déteniez pas par avance les clés d’un hypothétique succès, il est préférable d’atteindre le « haut de l’affiche » par palier, méthodiquement tout en progressant, en affinant son style et sa personnalité au fur et à mesure. C’est pour vous l’assurance d’avoir un meilleur contrôle sur ce que vous produirez à l’instant présent, mais aussi dans les mois, les années à venir. Une simple observation du déroulement des grandes carrières artistiques le démontre !

La conclusion d’un enregistrement au top n’est qu’une partie, certes essentielle, du travail que doit conduire l’artiste pour mener à bien sa carrière. Sans développer les autres éléments qui règlent le monde du showbiz et déterminent l'orientation artistique : les pochettes, le nom de scène, la tenue vestimentaire, le jeu scénique, les contrats, les tournées, le rapport au public, à la presse et que sais-je encore, dites-vous que chaque réussite est comme un bonheur qui va à la rencontre de nouvelles opportunités. Cette réussite arrivera peut-être à point nommé pour vous sourire. Ne la surestimez pas, savourez-la simplement au temps présent !

Par ELIAN JOUGLA

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