DÉMOS SYNTHÉTISEURS, CARTES SONS...



ENSONIQ SQ1, DESCRIPTION ET DÉMOS DU CLAVIER WORKSTATION

Depuis l'arrivée du numérique, la firme américaine Ensoniq est longtemps restée la seule à se mesurer directement à la production japonaise, en proposant un matériel "grand public", sans rien concéder à la mode tant sur le plan des sonorités que de l'ergonomie. À la suite de la sortie du D 20 de Roland, tout le monde s'était lancé dans la fabrication de petites stations de travail contenant tout ce qu'un studio MIDI se devait d'offrir. Pour rester dans la course, Ensoniq proposait en 1990 le SQ1, une véritable workstation composée d'un système de génération sonore efficace avec des échantillons, des sons de batterie et de percussion, des effets numériques de qualité et enfin un séquenceur capable de mémoriser la production musicale.


DESCRIPTION DU SQ1 D'ENSONIQ

L'aspect extérieur, quoique très classique, frappe par son extrême sobriété. La firme américaine n'a pas cédé au côté gadget qui caractérisait les machines de ce prix (11 500 F, soit 1 750 €). Une carrosserie en métal avec un clavier de cinq octaves à touches légères, sensible à la dynamique, mais non à la pression (économie oblige), représentent le premier terrain d'expression du SQ1. L'écran offre le minimum syndical : 2 x 16 caractères. À gauche du clavier, on trouve les deux inévitables molettes de pitch et de modulation, suivies des glissières de volume et d'incrémentation. En dessous de l'écran, un curseur à quatre touches servira à se promener dans le menu d'édition, la touche "Compare" sert à revenir au point de départ, et "Enter" à confirmer les modifications. Avant d'en arriver aux touches multifonctions de sélection des banques et des sons, nous disposons d'une touche d'appel du mode "Sélection" surmontée d'une led, et de la touche d'édition des sons.


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La partie droite du tableau de bord est réservée au séquenceur, avec là aussi une touche de sélection et d'édition. Un pavé de huit touches permet de choisir l'une des huit pistes du séquenceur en mode séquence (pattern) ou en mode magnéto. Si vous avez bien compté, cela vous donne seize pistes. Une courte exploration de quelques sons d'usine provoque immédiatement un attachement irrépressible. Le SQ1 peut conserver une place d'honneur dans un set MIDI plus développé, même à caractère professionnel.

La notice est bien développée et claire (en anglais) mais elle fait appel à une terminologie spécifique. Il faut savoir qu'ailleurs, certains mots ne désignent pas la même chose, et si vous êtes déjà un vieux renard du MIDI, ne vous fiez pas systématiquement aux notions qui vous semblent de vieilles connaissances. Un « preset », par exemple, désigne en fait une performance, c'est-à-dire une combinaison multitimbrale de sonorités (jusqu'à 8), ayant chacune son canal Midi, son niveau, ses assignations de contrôle, zone de clavier, etc. Une « séquence » représente un fragment enregistré, pouvant être assemblé avec d'autres pour former une "song", il s'agit donc en fait d'un "pattern". Le terme « track » désigne une partie instrumentale, qu'elle soit jouée par le séquenceur ou directement au clavier : c'est ce que d'autres appellent une "part".


L'USINE À SONS DU SQ1

Au départ, nous disposons de 121 formes d'ondes, qu'il est possible d'entendre après avoir initialisé tous les paramètres pour accéder à la matière brute (enveloppes, filtrages et effets). La collection de base de pratiquement toutes les ROM se retrouve ici : multi-échantillons des instruments acoustiques les plus courants, attaques, bouclages à contenu harmonique et inharmonique, formes d'ondes fondamentales, percussions acoustiques et électroniques et enfin "transwaves", qui correspond aux passages progressifs entre différents spectres, avec interpolation spectrale et possibilité de modulation en temps réel. En fait, on retrouve les entrailles du modèle VFX, mais avec des bouclages souvent plus courts, et dans l'ensemble une qualité sonore un peu inférieure : certains sons génèrent du souffle et nécessiteront un modelage via les filtres.


La partie contrôle du Séquenceur.

L'orientation est de facture rock et les sons surprennent dans l'ensemble par leur efficacité. Sur scène, on n'aura aucune mauvaise surprise, pas de petits sons délicats qui sonnent super sur la hi-fi de la chambre de bonne et qui vont se dégonfler devant le public. Rien que de la matière qui déménage. Disons pour résumer qu'il sera plus indiqué de faire du Springsteen que du César Frank, sans qu'on ait pour autant l'impression d'être limité dans les styles.

Le piano acoustique du SQ1 ne cherche pas à imiter un Bösendorfer ou un Steinway, ni même un simple piano droit. Il se rapprocherait plutôt de ces monstres hybrides, pianos électro-acoustiques qui ont envahi les scènes dans les années 1970 et qui offraient une solution pratique et efficace pour la sonorisation. Or, un pur piano acoustique qui parvient à se faire entendre par-dessus une section rythmique lourde n'est pas concevable pour l'oreille, même si chacun de ces instruments est correctement imité. Dans cette situation, la sonorité proposée par le SQ1 s'avère beaucoup plus appropriée.

Il en va de même pour les basses qui trouveront toute leur efficacité dans un arrangement complet, alors que seules, elles peuvent paraître sourdes ou trop compressées. Dans le groupe des imitations, on dispose d'un beau basson. Le french horn possède une attaque un peu trop dure, mais cela se corrige très facilement. La "chuck guitar" nous plonge dans les sixties, la trompette est très classique, les basses souffrent peut-être d'une attaque trop percussive en solo, mais les plus belles imitations se trouvent dans les peaux de la section batterie (caisses, toms...) avec des sonorités d'une qualité étonnante sur une machine de cette classe.

Les sons synthétiques tracent un panorama complet de l'histoire de la musique électronique, avec des imitations analogiques de toute beauté, comme des sons solistes hyper musclés (power brass), des nappes fantastiques (astro vox) et des références aux ancêtres : Dyno keys pour le DX, LA brass, new horizon, fascination, pour le D50, mystic pour le M1, etc.

Cet instrument peut se glisser dans la production d'une BO, ce qui s'avère parfaitement possible, puisque le séquenceur est synchronisable. Les combinaisons proposées montrent qu'il est possible de réaliser avec un seul son un zonage vertical (split) ou horizontal (layer) du clavier, avec un "velocity switch" pour passer d'un son à l'autre par la dynamique.


FACTORY DEMO SONGS (Simon Le Grec)
Une démo dans l'esprit sonore des BO provenant des années 1980.

LE MODE EDITION DU SQ1

Indispensable pour entrer dans le mode d'édition : l'écran anachronique ne sera pas d'un grand secours. Dans le meilleur des cas, il pourra afficher trois paramètres en même temps, mais le plus souvent on ne pourra en consulter que deux. Un soft d'édition est pratiquement indispensable pour un travail sérieux.

La première exploration du menu d'édition se fera avec les quatre touches du curseur, mais une fois qu'on aura mieux saisi l'architecture générale, il sera possible de se servir des touches de sélection des banques pour parcourir les rubriques, et des touches de sons pour passer d'une page à l'autre. Des pressions successives sur les touches de banques autorisent aussi un accès plus rapide aux différentes pages du menu. Le plus pénible, pour la réalisation de sons personnels, c'est l'inertie de la commande d'incrémentation qui interdit tout travail rapide et qui oblige à garder les yeux rivés à l'écran, pour vérifier si la commande a bien été prise en compte. Il est absolument indispensable de mettre au point une méthode de travail, après avoir soigneusement étudié les cheminements les plus souvent empruntés.

La structure des sons apparaît identique à celle des gros modèles : chaque son peut comporter jusqu'à trois éléments indépendants, pourvus chacun d'un échantillon accordable, qui passe par deux filtres et trois générateurs d'enveloppe, un LFO et une assignation de sortie (avec ou sans effet).


La partie réservée à l'édition.

La forme d'onde choisie peut être lue à l'endroit et à l'envers et il est possible de déterminer le point de départ de la lecture de l'échantillon, ce qui permet d'obtenir des résultats très différents à partir d'une même source. Les transpositions extrêmes ne donnent pas de résultats passionnants. Il faut rester raisonnable et laisser cette possibilité aux grosses machines de studio. Les filtres peuvent se combiner et fonctionnent en multimode : passe-haut, passe-bas et passe-bande, mais ils n'entrent pas en oscillation : les gros sons analogiques sont obtenus à l'aide des "transwaves" et le résultat se révèle très similaire.

Les enveloppes (à quatre segments) gèrent l'amplitude, mais aussi les différents paramètres des filtres et le pitch (cette dernière possibilité n'existe pas en mode drum). Une banque d'enveloppes toutes prêtes est à la disposition du programmeur pressé et permet un gain de temps précieux. La fonction "Repeat" permet un bouclage de l'enveloppe, mais rien ne permet d'éliminer la phase d'attaque pour un jeu en mode monophonique (un plus très expressif qui équipait les Moog et que Yamaha avait récupéré sur le DX).

La partie la plus passionnante, mais aussi la plus complexe de la machine, réside dans l'attribution des sources de modulation. Il convient d'étudier de très près toutes les possibilités offertes par cette section. N'importe quel élément du son, y compris des paramètres d'effets (durée de la réverberation, délai...) peuvent se commander en temps réel par quinze sources différentes : les molettes, les pédales, la vélocité et le LFO, mais aussi le clavier lui-même (grave/aigu), les enveloppes, un contrôle externe, le curseur de data. Et là, il y a vraiment de quoi faire.


L'ÉDITION DES DRUMS

L'exploration des vingt drums sets peut provoquer chez l'utilisateur habitué un mouvement d'humeur : on ne peut disposer sur le clavier que de dix-sept instruments différents alors que dans la ROM, on en détient quarante-cinq.

Sur le SQ1, il n'y a pas de batteur à six bras, mais des zones de clavier pouvant offrir plusieurs touches au même instrument : un bon pianiste aura les moyens techniques de réaliser des parties de batterie intéressantes, découvrira peut-être ses lacunes dans ce domaine et se mettra à étudier la percussion. Outre les quarante-cinq sons de batterie, il est possible d'introduire dans un set des sons de n'importe quel autre instrument pour disposer par exemple d'un couple "basse/batterie", où de quelques effets.

L'édition des drums s'avère beaucoup plus simple que l'édition des sons et un "drum-map" se réalise très rapidement. On dispose toujours des deux filtres, mais sur un seul mode. Ils serviront parfois à nettoyer certains sons qui soufflent un peu, encore que ce défaut devienne indécelable dans l'épaisseur d'un arrangement. L'enveloppe n'a plus que deux segments, ce qui suffit amplement.

LES EFFETS

Dans la conception du SQ1, les effets font partie intégrante du son. Ils sont regroupés en trois familles : les effets simples (reverb, phaser et chorus), les doubles, avec plusieurs combinaisons de réverbe et de chorus, de flanger ou de Leslie, et les triples, avec adjonction de distorsion et de compression. L'effet choisi peut s'attribuer à un son individuel, aux drums ou à l'ensemble d'un preset. Bien qu'il soit possible de router un son sans le faire passer par le processeur d'effets pour le diriger vers un effet externe, le processeur intégré au SQ1 fera l'affaire dans presque toutes les situations. Une fois encore, c'est une question de travail pour trouver un dosage correct et une bonne attribution des contrôles en temps réel. Un dernier mot pour le phaser, une nouveauté par rapport aux aînés, qui apporte un plus considérable pour l'enrichissement des sonorités.


ENSONIQ SQ1 SOUND (par Iram)
Une démo qui illustre parfaitement la générosité sonore, ample et profonde, du SQ1.

UTILITÉ ET PRODUCTION

Il existe trois manières de se servir du SQ1. Les presets permettent de stocker jusqu'à huit parties instrumentales, avec un niveau de sortie individuel, une position panoramique, un numéro de programme, ainsi que l'attribution des contrôleurs MIDI, canal MIDI, celle au clavier (par zone) ou au séquenceur. Nous avons là tout ce que l'on peut demander à un clavier-maître, avec une restriction tout de même : les paramètres des presets ne sont pas émis par le MIDI Out. Il est donc impossible de configurer des unités externes directement à partir du SQ1. Il faudra le faire par le séquenceur.

Le SQ1 d'Ensoniq, avec son attirail de contrôles, ses possibilités expressives, le zonage du clavier, apparaît comme un instrument dédié au jeu direct à part entière. Il peut également servir de lecteur et d'enregistreur de séquences, et enfin, permet le jeu direct par-dessus une séquence préenregistrée. Dans cette gamme de prix, le séquenceur restait en général le parent pauvre et l'Ensoniq ne fait pas exception. La capacité de 9 000 notes se révèle très limitative et il sera difficile d'en faire un véritable instrument de création. L'outil paraît pourtant très complet et fonctionnel. Une résolution de 96 pas à la noire était très correcte pour un séquenceur hard de 1990, et il permet les trois modes d'enregistrement : en pas à pas, en temps réel et en boucle.

Toutes les fonctions utiles sont présentes : quantification, autolocateurs, punch automatique, filtrage des contrôles, mélange de pistes, modification de la durée, transposition, couper, coller, copier, contrôle de l'évolution du volume et du panoramique pour chaque piste, etc. La méthode de travail proposée appartient de façon spécifique à Ensoniq : huit pistes sont réservées à une construction traditionnelle par enchaînement et superposition de patterns – appelés ici séquences – le résultat final doit donner la structure définitive du morceau et détermine sa longueur. On dispose ensuite de huit autres pistes qui devront s'enregistrer en continu comme sur un magnétophone multipiste. Les fonctions sont bien pensées et le manuel devient inutile en très peu de temps.

Pour d'autres options, il faut faire appel à un ordinateur et un séquenceur soft. Seule donc la très faible capacité pose un problème et oblige l'utilisateur à faire un choix : augmenter la capacité jusqu'à 58 000 notes en utilisant l'extension "SQX-70". Elle permet d'aller déjà beaucoup plus loin, mais ne résout pas la question du stockage. Les solutions existantes s'avèrent passablement onéreuses et on franchit un pas décisif dans l'importance de l'investissement. Solution : l'acquisition d'un MIDI Disk (Elka, Alesis) autorisera un stockage et une restitution des séquences avec des temps de chargement compatibles avec l'utilisation sur scène, et un encombrement dérisoire. L'autre possibilité réside dons l'ordinateur, mais dans ce cas, le séquenceur du SQ1 fera double emploi.

Pour conclure, même si le SQ1 d'Ensoniq ne mérite pas un oscar d'ergonomie, il reste manipulable et s'adresse aussi bien au débutant qu'au possesseur d'un home studio soucieux de disposer d'une palette sonore réellement universelle.

Par J. C. Omeyer (Piano Web – 01/2024)


ENSONIQ SQ1 AMBIENT (par Midera)
Des strings avec une attaque lente, du piano, le tout mixé avec une réverbération élevée.

SPÉCIFICATIONS TECHNIQUES

  • Clavier 61 touches avec aftertouch
  • Synthèse numérique à base de Tables d'Ondes et de ROM
  • Oscillateurs : 2
  • Contrôle : enveloppe, LFO, Pédale, Vélocité
  • Résolution de la ROM : 16 bit - 3 MB.
  • Modulation/Filtre : aftertouch, enveloppe, clavier, LFO, pédale, séquenceur, vélocité
  • Polyphonie : 24 voies
  • Multi-Timbralité : 24 voies
  • Patchs RAM : 100
  • Patchs ROM : 100
  • Multipatchs RAM : 80
  • Multipatchs ROM : 80
  • Sauvegarde : cartouche RAM
  • MIDI In, Out, Thru
  • Effets reverb, chorus et distorsion
  • Séquenceur 8&nbso;500 notes de base. 58 000 notes avec l'extension SQX-70
  • Commandes : roue de modulation et roue de pitch bend, Pédale de Contrôle
  • Écran LCD rétroéclairé, 2x16 lettres
  • Dimensions (LxPxH) : 1026mm x 340mm x 130mm
  • Poids : 11.3 kg
  • Sortie : 4 lignes, casque, prises jack 6.35mm
  • Année de sortie : 1990

Prix neuf d’origine converti en Euros et tenant compte de l’inflation : 2 950 €

Prix d'occasion constaté au 01/2024 : env. 250 €


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