HISTOIRE DE LA MUSIQUE ET DES INSTRUMENTS



LE PIANO BOOGIE-WOOGIE ET SON HISTOIRE

En France et ailleurs dans le monde, le boogie-woogie est devenu avec le blues une musique d’école, de celle que l’on enseigne au débutant, mais également au musicien de niveau avancé en tant que source de perfectionnement technique. Comme pour la foi, le boogie-woogie fabrique ses disciples, des artistes qui, à force de travail, deviennent des spécialistes, espérant trouver un jour ou l’autre la force, l’inventivité et l’esprit des maîtres d’autrefois…

QUELQUE PART À CHICAGO…


Au début du 20e siècle, pour donner vie à la musique de danse, pianistes et chefs d’orchestre rivalisent d’invention. Les rythmes, quand ils sont lents, permettent aux couples de s’étreindre chaudement et quand ils sont rapides, ils sont là pour “faire sauter la baraque” ! Même si tout ceci se passait dans la bonne humeur, il faut reconnaître que la cohabitation de tous ces rythmes se vivait dans une certaine anarchie. Les rythmes de marche militaire étaient de ceux qui mettaient la plus chaude ambiance.

Comme souvent dans les faits, l’histoire se développe en de multiples lieux, telles des voies parallèles qui naissent et qui finissent par se rejoindre un jour. Le boogie-woogie (ou plutôt les boogie-woogies devrai-je dire, car ce genre de musique a inspiré de nombreux pianistes) ne trouve pas naissance à la Nouvelle-Orléans, berceau du jazz, mais dans la ville des gangs, celle d’Eliot Ness et de la prohibition, Chicago.

Apparu au début de l’histoire du jazz, alors que le ragtime fait encore résonner ses mélodies dans les endroits à la mode, le boogie-woogie jaillit comme une traînée de poudre dans de nombreux bars de la ville. Pourtant, ce style qui devient très rapidement populaire, n’est en réalité qu’une forme de blues en 12 mesures, au tempo rapide. Sa réussite repose sur un élément important : le pianiste, plutôt que de plaquer des accords pour soutenir la mélodie, dédouble avec sa main gauche le rythme à quatre temps. Il construit des lignes de basses mouvantes, des lignes bâtissant le contour des harmonies et donnant au rythme son entrain.

Pour de nombreux pianistes aux horizons limités, le boogie-woogie devient un bon moyen d’asseoir un jeu pianistique facile à comprendre et procurant des effets sonores toujours prenants. Même aujourd’hui, alors que la musique électro, aux fonctions automatisées, est sur le devant de la scène, le boogie-woogie reste une musique très populaire auprès des pianistes 'branchés'.

Le rythme particulier de boogie-woogie donne envie de bouger, de danser. Sa construction, basée sur l’assemblage croche pointée/double-croche, n’est pas étrangère à cela. Le boogie-woogie semble être une survivance de certaines formes rythmiques provenant d’Afrique. Cependant, des historiens prétendent que la source d’inspiration du rythme a été suggérée aux musiciens ambulants par le bruit lancinant du train qui roule. Ainsi, si l’on accorde crédit à cette affirmation, un titre comme “Honky Tonk Train Blues” a son origine dans le “tchou tchou” des locos et le bruit des rails.

Autre incertitude… connaître le nom du pianiste fondateur du boogie-woogie… celui qui a eu l’idée reine ! Différents musicologues et spécialistes du jazz font références au pianiste Cow Cow Davenport (né en Alabama en 1894). Ce pianiste a influencé des spécialistes du blues et du ragtime : Henry Brown, Charlie Spand, Jabo Williams, Wesley Wallace, Blind Leroy Garnett ; à moins que… Pinetop Smith, auteur du morceau intitulée “Boogie-Woogie“, ne soit l’héritier du style.


IMPROVISATION ET ÉVOLUTION

L’improvisation se doit d’être présente dans un boogie-woogie. Quand la partition, quelques années plus tard, s’empare des principaux standards du genre, son revers a été de nous faire oublier la place importante tenue par l’improvisation à l’origine. Comme pour le blues, le boogie-woogie est un élément incontournable de l’histoire de la musique dite “improvisée”. Les pianistes fondateurs, une fois les bases du style créées, se sont libérés dans les joutes de l’improvisation. Meade Lux Lewis, l’auteur de “Honky Tonk Train Blues“, comme Pinetop Smith sont deux bons exemples de ce qu’on appelle les “pianistes de bar”, des spécialistes de ce boogie-woogie d’autrefois, que l’on pouvait entendre dans les bars et les maisons de prostitution des années 20/30 à Chicago.

À partir des années 40, avant que le rock and roll ne vienne remettre tout en question, d’autres pianistes apportent leur vision personnelle… le style boogie-woogie n’est pas encore mort, d’autres voies semblent s’offrir, il suffit d’aller les chercher !

Big Maceo, Memphis Slim ou Jimmy Yancey inventent de nouvelles lignes de basse tout en respectant la sacro-sainte grille de 12 mesures. Puis, quand la fée électricité s’empare de la musique, que le rhythm and blues et le rock and roll donnent au public blanc la possibilité de mieux connaître la musique noire, le boogie-woogie ne se fait pas prier pour être toujours là quand il faut !

Les pianistes Fats Domino et Ray Charles signent des tubes légendaires tournant autour des bases du boogie-woogie. “Ain’t that a shame“, (Fats Domino) et “What did I say” (Ray Charles) sont des titres qui modernisent le style en le fusionnant à d’autres courants musicaux hérités de la musique noire et blanche… mais peut-on parler encore ici de boogie-woogie ?

En ne citant que des pianistes, il ne faudrait pas croire que le monde du boogie-woogie est seulement réservé aux musiciens pratiquant l’art des touches noires et blanches. Par son appel à la danse, cette musique traverse une bonne partie de l’histoire du jazz. Les orchestres se mettent au pas. Petites et grandes formations enflamment les pistes de danse grâce au boogie-woogie. Outre le grand orchestre du vibraphoniste tonitruant Lionel Hampton, il serait injuste de ne pas citer l’orchestre Glenn Miller et son célèbre “In The Mood“, dont la ligne de basse est bel et bien inspirée par le boogie-woogie.

On ne peut conclure cet article sans mentionner trois pianistes spécialistes du style : Albert Ammons, Meade Lux Lewis et Pete Johnson. Ils ont fait équipe ensemble à deux et même à trois, avec bien sûr des sensibilités de jeu différentes, mais complémentaires. Le jeu le plus puissant était celui d’Ammons, le plus solide celui de Pete Johnson et le plus versatile, celui de Meade Lux Lewis. Quand ces pianistes conjuguaient leur savoir au pluriel, il était difficile de résister à leur swing communicatif !

Par PATRICK MARTIAL


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